La BM lance des consultations sur son plan de soutien à la Tunisie

Publié le Mardi 03 Novembre 2015 à 17:23
La Banque mondiale lance une série de consultations au sujet de son programme de soutien à la Tunisie sur les cinq prochaines années à Béjà, Zaghouan et Tunis la semaine du 02 novembre 2015. La BM cherche à écouter plus attentivement un plus large éventail de voix, afin d’être mieux informé de ce qui pourrait manquer dans son soutien, et la manière dont elle pourra aider la Tunisie à atteindre son but, explique-t-elle.

Ayant complété la transition politique, la Tunisie fait maintenant face au défis de construire une économie qui puisse offrir des opportunités à tous les Tunisiens, indique la banque mondiale, qui annonce une stratégie de soutien du  plan de développement quinquennal.

Notre stratégie, qui couvrira la période 2016-2020, s’appelle Cadre Partenariat Pays (CPP), souligne-t-elle.

Dans un document daté d’octobre 2015 publié sur son site, la banque mondiale souligne que la Tunisie est le seul pays à avoir émergé du « Printemps Arabe » avec un État démocratique. L'attribution du prix Nobel de la Paix au Quartet du Dialogue National Tunisien en Octobre 2015 "pour sa contribution décisive à la construction d'une démocratie pluraliste en Tunisie dans le sillage de la révolution de 2011" reconnaît le rôle que la société civile a joué pour aider le pays à passer d'un régime autoritaire à un processus politique ouvert et démocratique. Le Prix Nobel de la Paix représente également une reconnaissance importante du progrès que le pays a accompli durant les quatre dernières années et demie, depuis que les manifestants ont renversé le dictateur Ben Ali. L'adoption d'une nouvelle Constitution au début de 2014, suivie par des élections présidentielles et parlementaires tenues fin 2014, constituent la réalisation la plus visible de cette transition, selon la BM.

Une mainmise de l'élite sur l’économie

La banque mondiale relève une insatisfaction du public par rapport à la situation économique, particulièrement le chômage qui reste élevé. L'économie tunisienne continue à fonctionner selon les règles du jeu de l'avant révolution, avec une mainmise de l'élite, indique-t-elle.

Les réformes structurelles visant à modifier le modèle économique monopolistique et à "
rompre avec le passé" n'ont pas été pleinement mises en œuvre. Sans ces réformes, l'économie a peu de chance d'atteindre les taux de croissance nécessaires à réaliser un impact significatif sur les taux de chômage et les standards de vie.

Le taux de chômage se situe autour de 15,4 % à l'échelle nationale, ce qui représente environ un million de personnes. La baisse du chômage depuis son record de 18,9 % enregistré en 2012 après la révolution a désormais atteint un palier, étant donné que les recrutements ad hoc de la fonction publique et parapublique ne peuvent être maintenus. Le chômage des jeunes est extrêmement élevé avoisinant 30 %. Il en est de même pour les taux de chômage parmi les personnes instruites et les femmes. Un quart des nouveaux diplômés se retrouvent sans emploi à l'échelle nationale, un chiffre qui atteint entre 31 et 48 pour cent dans les régions du centre et du sud, régions les moins développées du pays. Les femmes sont encore plus durement touchées par le chômage, bien que l'égalité des sexes ait été intégrée dans la nouvelle Constitution. Les faiblesses structurelles qui sont déjà à l'origine du chômage des jeunes (par exemple, l'inadéquation entre l'offre de compétences et la demande de main d'œuvre) sont désormais aggravées par des facteurs externes tels que la stagnation économique de l'Union Européenne, principal partenaire commercial de la Tunisie.

Ressentiment massif chez les jeunes

Les jeunes sont ceux qui s'étaient emparés des rues en plus grand nombre au cours de la
révolution de 2011 et il existe aujourd'hui une frustration croissante parmi eux. Leur voix s'élève pour dénoncer que le modèle économique de l'avant révolution basé sur le clientélisme et l'exclusion est toujours en place. L'incapacité des jeunes à accéder aux opportunités promises dans le cadre du contrat social à l'âge adulte, y compris une éducation de qualité, un emploi viable, le mariage et la formation d'une famille a provoqué un ressentiment massif motivant les jeunes à chercher activement le changement au sein de leur pays et région.

Les jeunes tunisiens ont peu de confiance dans les institutions publiques, et seulement 8,8 % de la jeunesse rurale et 31,1 pour cent des jeunes en milieu urbain faisaient confiance au système politique en 2013. La confiance dans la police est aussi faible. En comparaison, le militaire, l'imam local et les institutions religieuses bénéficient des cotes de confiance les plus élevées chez les jeunes, avoisinant les 80 %, soit à peu près le même niveau de confiance accordée à la famille. Alors que la plupart des jeunes tunisiens continuent à s'engager de manière positive dans les rangs de la société civile, un petit groupe a été de plus en plus attiré par le djihadisme violent.

Les perspectives économiques sont affectées par le fort impact du choc sécuritaire et des tensions sociales qui ont marqué une grande partie de 2015.

Baisse du PIB de 0,8 % en 2015
La Banque mondiale prévoit une baisse du PIB de 0,8 % en 2015, avec un risque baissier plus prononcé, avant de voir la croissance se redresser autour de 3 % en 2016-18 dans un scénario positif fait de réformes accélérées, d'une sécurité renforcée, d'une amélioration de la situation régionale (notamment un début de normalisation en Libye) et une accélération modérée de la demande externe. L'inflation devrait décélérer à 4,2 %, par an en moyenne entre 2015 et 2018. La baisse des prix internationaux de l'énergie a eu un effet limité pour les consommateurs en raison des prix administratifs, et son impact sur les équilibres extérieurs sera en partie compensé par la dépréciation progressive du dinar tunisien.

La loi de finance approuvée en 2015 prévoit une plus grande consolidation des dépenses récurrentes en 2015 (-0,9 pour cent du PIB), grâce à des contraintes sur appliquées à la masse salariale. Ceci sera inversé en 2016-18 en raison de l'augmentation salariale annoncée à partir de 2016 si aucune mesure compensatoire n'est mise en œuvre (par exemple le gel des recrutements, des promotions, des bonus). La balance commerciale ne sera que modérément améliorée à moyen terme, mais les perspectives de la balance des paiements sont susceptibles de bénéficier de la reprise progressive des échanges de service, même si le tourisme sera affecté par la situation sécuritaire en 2015. Par conséquent, le déficit de la balance courante devrait s'améliorer progressivement vers 6 % du PIB d'ici 2017. Les réserves internationales devraient se stabiliser à environ 4 mois d'importations (biens et services).

La dette publique pourrait atteindre 62 % du PIB d'ici 2019

Alors que la dette publique et extérieure est restée à un niveau acceptable par rapport aux
normes internationales, elle pourrait croitre considérablement si des réformes ne sont pas
mises en œuvre, ou si l'économie est affectée par des chocs budgétaires ou de taux de change défavorables. Une gestion prudente de la dette et une croissance soutenue ont permis de réduire la dette publique de 52 % du PIB en 2005 à 40 %  en 2010, avec près de 25 % de dette extérieure. La dette extérieure totale a chuté de 60 % du PIB en 2004 à 46 % du PIB en 2010 (dont 37 % du PIB en dette à moyen et long terme).

La dette publique et la dette extérieure ont commencé à augmenter à nouveau en 2011 en raison des besoins de financement liés à la réponse à la crise économique de l'après-révolution et à la récession. Une récente analyse de viabilité de la dette montre que si les réformes de consolidation budgétaire ne sont pas mises en œuvre, la dette publique pourrait  atteindre environ 62 % du PIB d'ici 2019, alors qu'un choc de croissance négative permanente l'augmenterait encore à environ 67 %  du PIB d'ici à 2019.
D'après la Banque mondiale