L'avenir de la diplomatie tunisienne est tributaire de sa politique intérieure (Jhinaoui)

Publié le Mardi 18 Octobre 2016 à 17:00
Le ministre des Affaires Etrangères, Khemaies Jhinaoui, a donné une conférence ce mardi 18 octobre sur  la « Diplomatie tunisienne : la réalité et les ambitions », organisée à l’école Nationale des Ingénieurs du campus de Tunis.

Jhinaoui a commencé par une définition de la politique étrangère, qui n’est autre que la traduction de la politique nationale du pays, ajoutant que la diplomatie est l’outil d’application de cette politique.

« La faiblesse de la souveraineté à l’étranger a, par conséquent, un impact sur la souveraineté nationale, et vice versa. Ce pour quoi le pacte du Bardo, imposé au nom du protectorat  à Mohamed Sadok Bey, le 12 mai 1881, a mené à la récupération des attributs de la souveraineté étrangère et interne du pays », a indiqué le ministre.

Le pacte des Nations Unies qui stipule le principe d’égalité de souveraineté entre les pays, n’est autre qu’une disposition de forme, selon le ministre, puisque la composition même du conseil des nations unies et la représentativité des pays ne reflète pas cette égalité. La souveraineté change, selon Khemaies Jhinnaoui, et ne serait pas un concept immuable. « Elle est appliquée selon une approche réaliste et pragmatique et est malléable. Elle prend en considération le poids de chaque Etat. Elle doit respecter la complémentarité entre la préservation des acquis et la réalisation des intérêts », a déclaré le ministre, précisant que les rapports entre les nations tournent essentiellement autour des intérêts.

Tous les moyens sont bons pour qu’un pays préserve ses intérêts, en passant par la politique douce ( soft policy), et dans d’autres cas, en faisant usage de la menace et de moyens légaux, ou  même de moyens illégaux (hard policy).

«Ceci est le cas de tous les pays développés, en voie de développement ou ceux qui sont les moins développés,  quelque soit le régime en place », a dit Jhinnaoui, citant l’ancien premier ministre britannique, Henry John Temple, ayant dit à cet effet : « Nous n’avons pas d’éternels alliés, ni de perpétuels ennemis, mais nous avons des intérêts permanents ».

La Tunisie a choisi la neutralité
La Tunisie a choisi après son indépendance de rester neutre, sans s’immiscer dans des coalitions ou des conflits idéologiques ou militaires « dont les suites seraient graves pour sa sécurité et son indépendance. Préserver les intérêts du pays, et veiller sur sa politique étrangère est une affaire sérieuse. Prendre la mauvaise décision peut revenir cher et nécessiterait beaucoup  de temps et d’efforts pour y remédier, surtout en temps d’instabilité sur le plan international, comme c’est le cas actuellement », a précisé le ministre des Affaires Etrangères.

La prolifération des zones de tension dans l’entourage proche de la Tunisie et dans la région, ainsi que la montée des groupes terroristes avec tous les moyens dont ils disposent, et en l’absence d’une intervention efficace de la communauté internationale, beaucoup de pays de la région ont été ébranlés. Ces mêmes forces ont «essayé en vain à faire échouer l’expérience démocratique tunisienne », selon le ministre.

Les attaques terroristes qu’a connues la Tunisie ont d’ailleurs eu un impact négatif sur l’économie tunisienne et surtout sur le tourisme, contraignant ainsi la diplomatie tunisienne à travailler davantage sur l’image du pays.

« L’expérience de la Tunisie est un cas exceptionnel necessitant un appui exceptionnel, qui transcende les cadres traditionnels de coopération mis en place par l’UE », a indiqué le ministre.

Remettre la Tunisie sur les rails du développement, et lui accorder une place parmi les pays  en ascension économique, est la question cruciale qu’il faut traiter, selon le chef de la diplomatie tunisienne.

A l’horizon 2020, la Tunisie doit travailler sur son image, mettre fin à l’adversité et aux dissensions, selon Jhinnaoui, qui considère qu’ « Il n’est pas dans l’intérêt de notre pays de minimiser ses réalisations démocratiques ou d’émettre des doutes quant aux initiatives provenant d’un gouvernement issu de la volonté populaire et des efforts fournis par la diplomatie pour trouver des solutions pour le pays, ni de s’immiscer dans des conflits qui ne peuvent que desservir notre cause », a-t-il déclaré ce matin.

La Tunisie a besoin, selon lui, d’un retour au travail et à la productivité. « Quel sens a la diplomatie économique si la production est suspendue dans plusieurs secteurs économiques et comment peut-on attirer l’investissement étranger si on n’a pas l’environnement nécessaire à l’investissement», a-t-il relevé. 

Le ministre s’est interrogé sur la prédisposition de la Tunisie à être présente sur le plan international et si elle est en mesure d’exprimer sa position au sujet de questions arabes, régionales et internationales. « La réponse est oui, si nous arrivons à appuyer notre politique étrangère avec un consensus interne, et si nous reflétons l’image d’un pays qui aura réussi sa transition démocratique, sans discrimination ou exclusion. Un pays qui aura posé les bases d’une économie saine, en réformant l’administration, en travaillant sur les secteurs à forte valeur ajoutée et à forte employabilité et en mettant en place une diplomatie économique efficace surtout en Afrique qui reçoit ces dernières années de grands investissements des pays riches », a-t-il dit. 

Il a rappelé par ailleurs que les grandes lignes de la politique étrangère des pays développés ne changeaient pas au fil des gouvernements et des partis au pouvoir, mais qu’elles demeuraient toujours les mêmes.
Chiraz Kefi