INLUCC/Chawki Tbib : « Beaucoup de corrompus continuent à agir en toute impunité »

Publié le Jeudi 23 Novembre 2017 à 15:28
Une vue de la conférenceUne stratégie nationale de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption a été mise en place par la Tunisie depuis 2011. L’Instance Nationale de Lutte contre la Corruption (INLUCC), qui existe depuis 2012 a publié son rapport pour l’année 2016. Le plus grand regret est : "Le manque de réactivité des ministères qui n'ont transmis aucun dossier de corruption en 2016".

En 2016, Transparency International a octroyé 41 points à la Tunisie, soit deux de plus que l’année 2015. Dans la région MENA, les Emirats Rabes Unis sont les mieux classés. La Tunisie (75ème mondiale) est huitième avec le Koweit. Elle fait mieux que le Maroc, l’Egypte, l’Algérie, l’Iran, le Liban, l’Irak, la Libye, le Yemen et la Syrie.

Les secteurs les plus touchés par la corruption ? Une enquête réalisée en 2014 sur plus de 10 000 citoyens dans tous les gouvernorats montre que le secteur de la sécurité occupe la première place (68%), suivi de la santé (67%) ensuite des cadres et agents des circonscriptions (62%).

En face, 70% des citoyens pensent que la lutte contre la corruption est quasiment sans aucun résultat. Ce sentiment est plus ressenti particulièrement au centre ouest (80%) et au Sud Est (35%).

Ce fléau a un impact économique grave. La corruption provoque des pertes annuelles de 2000 milliards uniquement dans l'octroi des marchés publics. Un chiffre qualifié de « monstrueux » par l’INLUCC, qui précise : « Un tel budget permettrait de construire trois aéroports, des dizaines de lycées, une vingtaine de ports et 500 km d’autoroute ».

La corruption et la mauvaise gouvernance c’est aussi 4 points de croissance en moins par an. Chawki Tbib explique : « Ce fléau a une influence directe sur le marché du travail. La Tunisie perd environ 160 000 emplois par an à cause de la corruption ».

L’INLUCC révèle ensuite un autre chiffre alarmant. En 2015, les Tunisiens ont déboursé quelques 500 millions de dinars dans ce qui est communément appelé « la petite corruption ». Les membres de l’instance font un appel direct aux citoyens : « Nous espérons une prise de conscience générale. La lutte contre ce fléau est un combat de tout le pays ».

Le doyen, Chawki Tbib regrette fortement les délais des traitement des dossiers en rapport avec de hauts cadres et dirigeants des entreprises étatiques qui affichent des déficits budgétaires de plusieurs millions de dinars : « Je cite la SONEDE, la STEG, l’ERTT, Bourguiba School, Tunisair, la CNAM et j’en passe. Les mêmes stratégies de l’ère Ben Ali se répètent dans ces institutions. Les mêmes personnes utilisent les mêmes stratagèmes pour obtenir des contrats multimillionnaires et touchent des montants faramineux de façon illicite. Encore pire ? Ces corrompus agissent avec un sentiment d’impunité inquiétant. C’est provoquant et insultant envers les autorités compétentes ».

Le président de l’INLUCC lance ensuite un message clair à la présidence du gouvernement : « Lorsqu’un dirigeant est impliqué dans une affaire de corruption et que son dossier est envoyé au pôle judiciaire, comment cela se fait-il qu’il soit promu et désigné dans un poste meilleur. Comment pouvons-nous avancer ? Pour nous, ce sont ces décisions qui vont totalement à l’encontre de ce que nous faisons et qui encouragent davantage le sentiment d’impunité des corrompus ».

Pour Chawki Tbib, un des plus gros dossiers est celui du recrutement dans les fonctions publiques. Des syndicalistes, des ex ministres sont impliqués depuis 2015 : « Les personnes recrutées sont maintenant titulaires. Les dossiers sont là, mais personne ne fait rien dans les différents ministères. C'est ce que nous regrettons le plus dans l'INLUCC. Nous ne pouvons pas demander aux citoyens de lutter contre ce fléau de la corruption, si les institutions de l'Etat n'agissent pas comme il se doit. Les dirigeants sont devant une responsabilité historique et nous continuons à croire que le temps de l'action viendra...".
S.S

 

Commentaires 

 
-1 #1 Contrôle des sociétés mixtes
Ecrit par JABALLAH Ladjemi     01-12-2017 19:26
Dans le but d'un suivi rigoureux des entreprises sous contrôle judiciaire et dont les mandataires juridiques ont été nommés par l'Etat, Je considère que ces entreprises auraient présentés un Bilan annuel pour exercice comptable qui permettrait à l'Etat de suivre le fonctionnement de ces entreprises afin de déterminer si leur Gestion est normale ou pas. Dans ce but, une Brigade Financière serait nommée afin de suivre les diverses opérations (s'il y en a ???) et de rapporter à l'instance responsable de ces dossiers son appréciation. Parce que depuis la nomination de ces administrateurs, aucune information n'est parvenue. Où en sont ces sociétés ?
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.