France : Les Maghrébins d’Avallon se battent pour avoir une mosquée

Publié le Dimanche 01 Avril 2012 à 18:00
Ibrahim Aït-Kicha et Amar Elkadoi.Jeudi 19H25 minutes, au sortir de la gare d’Avallon, la place est quasi-déserte. Les rues de la ville sont plongées dans un calme absolu, excepté le passage des voitures, qui vient par moments, rompre le silence. Le soleil disparaît discrètement derrière l’horizon, Avallon, cette ville médiévale du département de l’Yonne, (région de la Bourgogne) immerge encore plus dans la quiétude, ses pavillons alignés les uns à côté des autres, semblent inhabités, pas de présence humaine remarquable, en tout cas. La nuit tombe, l’activité se réduit à néant, Avallon dort déjà.

Vendredi, 30 mars, la ville se réveille sous le soleil, avec un air un tantinet frisquet. La vie reprend lentement ses droits, les commerces rouvrent leurs portes, des piétons arpentent les rues, des voitures circulent…le tout dans un ordre parfait. Pour nous, la journée commence par un tour dans la ville, du centre ville au Morvan, l’exploration est vite faite. Avec nos consœurs du Monde, Pascale Robert-Diard, journaliste, et Hélène Jayet, photographe, on se dirige à 10 heures vers la Morlande, là où deux membres de la communauté musulmane avallonnaise nous attendent. Objet de la rencontre : la construction d’une mosquée, un vœu que les 400 musulmans de la ville caressent depuis des années.

Le sujet nous intéresse d’emblée. Histoire de voir la manière dont les musulmans de France vivent réellement leur culte, et d’infirmer ou confirmer cette image que nous renvoient sans cesse les médias français. Mohamed Saïdi, un sexagénaire et Farid Ait-Kïcha, un trentenaire, deux français d’origine marocaine, nous accueillent avec le sourire, et nous conduisent à la salle de prière ; une cave de 50 m² avec une petite pièce attenante pour les femmes, d’à peine 15 m².  C’est dans cet espace exigu que les fidèles font la prière, écoutent le Coran et le prêche. Pas si simple, lorsqu’ils viennent nombreux, notamment pendant l’Aïd, Ramadan ou lors de la grande prière du vendredi. Certains se retrouvent dans la rue pour participer à la salat al jemaa (NDLR : prière en commun recommandée en Islam), expliquent en substance nos interlocuteurs.

La communauté musulmane d’Avallon est peu nombreuse, 400 personnes à peu près d’origine maghrébine et turque, avec une majorité d’origine marocaine, (70 familles marocaines et 4 à 5 familles tunisiennes et algériennes). Les Marocains ont mis le cap sur cette ville du département de l’Yonne au milieu des années 1970, l’entreprise pneu Laurent offrait à l’époque du travail. Mohamed Saïdi a débarqué  à Morlande en 1976, quatre ans après son arrivée en France à l’âge de 21 ans. Ce sexagénaire est membre actif de l’association maghrébine d’Avallon, celle qui est chargée du projet de la mosquée.

L’idée de la  construction d’une mosquée a germé en 1999. En 2001, le père de Farid, président de l’association maghrébine, craignant que la salle de prière ne disparaisse, les immeubles tout au tour ayant été rasés, en a formulé expressément le vœu et a engagé le dialogue avec les autorités locales pour trouver le terrain. Les négociations ont traîné en longueur, et son vœu n’a pu être exaucé en partie qu’après plus de dix ans, avec l’acquisition toute récente d’un terrain de mille m² par l’association pour près de 25 mille euros. Nonobstant l’opposition du Front national, qui a intenté un recours d’annuler la vente de terrain, déniant le droit à la mairie de vendre un terrain à une association pratiquant le culte, raconte Farid. Le recours du FN a été rejeté en décembre 2011 par le tribunal administratif, qui a attesté de la légalité de la procédure engagée par la mairie.

Les membres de l'association avec les journalistes sur le terrain de la future mosquée.   Ali Saïdi sur le terrain de la future mosquée.

Avec l’achat du terrain, l’association maghrébine a gagné une bataille, mais pas la guerre. La construction de la mosquée ne se fera pas par un simple tour de magie, l’opération est lourde, et nécessitera d’importants fonds, pas si simple pour une association dont les ressources sont maigres. Il reste à peine dans les caisses l’équivalent du montant du terrain, dit Farid, nous montrant le contrat de vente accroché  sur le mur de la salle de prière. Une somme très modeste, au regard du coût de la construction de la mosquée qui oscille, selon les premières estimations, entre 160 et 400 mille euros, et même plus.

Que faire ? Les membres de l’association ne baissent pas les bras, mus par cette ferveur dont seuls les croyants pratiquants connaissent le secret. Ils termineront les procédures pour l’obtention du permis d’ici la fin de l’été, après quoi, ils feront le tour des mosquées de France pour collecter les fonds. Une démarche usuelle  en matière de construction des lieux de culte musulmans dans l’Hexagone, les fonds en provenance de l’extérieur, d'Arabie saoudite ou du Qatar, étant proscris par la loi française, signale Farid.

L’intendance étant ce qu’elle est, l’on se projette déjà dans l’aspect architectural de cet édifice en devenir. "La mosquée d’Avallon ne ressemblera à rien d’autre", indique Farid. Le croquis de Gerard Bell, tailleur de pierre, l’atteste. "Elle sera a priori sans minaret, et ce pour deux raisons : climatique, puisqu’il sera difficile de la réchauffer le cas échéant, et d’intégration dans son environnement architectural", explique-t-il. La mosquée sera-t-elle construite en pierre du Morvan, à l’instar des édifices de la ville ? On aimerait bien que ce soit ainsi, rétorque Mohamed, pour en faire un véritable monument qui s’intégrera dans l’histoire d’Avallon et de la Morlande. Mais, tout reste tributaire des fonds, une construction en pierre nécessitera 300 à 400 mille euros ou même plus.

La mise à disposition des fonds fait planer le doute sur la concrétisation de ce projet. Les femmes sont désabusées, et parlent d’un vœu pieux. "Depuis le temps qu’on en parle, on ne sait si cette mosquée va finir par voir le jour", estiment-elles, croisées à la sortie de la prière du vendredi. Aziza Lamkadam ne décolère pas : « maintenant c’est dans une cage à poule qu’on fait la prière. Pendant l’Aïd, il y a eu beaucoup de monde, et on était obligés d’aller faire la prière dans un gymnase. Cette mosquée, si elle venait à voir le jour, ce sera un vrai bonheur », s’enthousiasme-t-elle.

Arrivée en France en 1982 ans, Aziza a aujourd’hui 53 ans. La mosquée est sa préoccupation cardinale. Autrement, cette mère de cinq enfants semble être bien dans sa peau : « je m’occupe de mes enfants et de mon mari, je fais les courses, je passe du temps avec mes voisines, je fais la prière »…une vie monotone pour le moins, qui ne semble pas lui déplaire pour autant. Aziza est l’archétype de ces femmes d’origine marocaine qui sont arrivées quasi-simultanément à Avallon, et qui vivent en communauté. Fatima Azarkan en fait aussi partie. Avec sept enfants, cette femme réside depuis 36 ans dans la région. Je souhaite qu’on va l’avoir cette mosquée, cela fait dix ans qu’on en parle, lance-t-elle sceptique. "Aujourd’hui, nombreuses sont les femmes et les jeunes filles qui font la prière, mais avec cette salle, c’est impossible", regrette-elle.

«Il y a beaucoup de problèmes, on fait notre possible, les fidèles sont fortement mobilisés pour que cette mosquée voie le jour », dit Ibrahim Aït-Kicha, frère de Farid. Etudiant en sociologie à Dijon, Ibrahim rejoint Avallon les week-ends pour les passer en famille. « C’est important pour nous les fidèles d’avoir cette mosquée, et puis après, tout le monde y sera le bienvenu », lance-t-il.

Amar Elkadoi, membre actif de l’association, positive : «c’est déjà bien d’avoir acheté le terrain, maintenant on va ramasser l’argent, on va faire le tour de toutes les mosquées de France, le permis de construction en poche».

La détermination des habitants de la Morlande est sans faille, même s’ils se gardent de fixer une échéance pour la concrétisation du projet. Tout est une histoire d’argent, martèlent-ils. Pas d’hostilité forte à l’édification de cette mosquée, hormis le recours frontiste qui relève déjà de l’histoire ancienne, ou quelques grincements de dents par ci et par là. « On les connait ceux qui ne nous aiment pas », dit Amar Elkadoi, avec un sourire taquin. Autrement, la communauté musulmane d’Avallon, est de son aveu même, bien intégrée. "Depuis plus de 30 ans qu’on est là, il n’y a jamais eu de problèmes. Jamais un voisin n’a appelé les gendarmes pour du bruit ou autre", dit-il. Toulouse ? "Ca ne nous concerne pas", assène Farid. "Si, ça nous concerne comme tous les Français, mais ça semble loin de nous", se ravise-t-il. Mohamed Saïdi renchérit,  "Toulouse est une tragédie, on en a beaucoup parlé entre nous et avec tout le monde", souligne-t-il, craignant que ce drame ne les freine…
H.J.


 

Commentaires 

 
-2 #5 toujours pas
Ecrit par marie     02-03-2014 21:53
pour l'instant pas de mosqué il y en auras s'en doute pas
 
 
-1 #4 RE: France : Les Maghrébins d’Avallon se battent pour avoir une mosquée
Ecrit par Royaliste     06-04-2012 13:32
L'église Orthodoxe et le cimetière chrétien de Tunis ont étés souillés.
la communautés chrétienne de Tunisie a été agressée dans ses symboles, ca ne vous dérange point?
les musulmans de France sont plus important a vos yeux que la Tunisie?
 
 
-3 #3 Ca fait peur
Ecrit par Kji75     02-04-2012 08:23
En ces temps ou la religion prend le dessus sur la réalité...
On ne sait pas ce qui se dit dans les mosquées mais au vu de certains imams expulsés (29 apparemment) y a de quoi se faire les questions et les réponses.
Cet article me fait froid dans le dos. On brade la France...j'espère que ce projet n'aboutira jamais.
 
 
-1 #2 foutu!
Ecrit par berrebbi     02-04-2012 08:18
Avec la prise de pouvoir des islamistes de l'autre côté de la méditerranée et avec le vote des tunisiens pour leur constituante sur le territoire Français, les maghrébins ne se battront plus pour des mosquées mais pour qu'on les laisse en France et qu'on ne les foute pas à la porte. Je vois gros comme çà l'arrivée de Mme Le Pen au pouvoir.
 
 
-1 #1 Populisme
Ecrit par Royaliste     01-04-2012 20:51
j'aurais aimé lire un article qui explique comment les brésiliens et les indiens se battent pour créer de l'emploi et réduire la pauvreté.

ces pays enregistrent une croissance formidable et sont devenu des puissances mondiales en quelques décennies.

au lieu de ca Gnet nous parle de problèmes franco-francais qui n'ajoutent rien a notre quotidien.
brabbi demandez vous c'est quoi la valeur ajouté d'un article de ce genre pour un tunisien!
 
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