Election du Conseil supérieur de la Magistrature, les réactions entre satisfaction et déception

Publié le Lundi 24 Octobre 2016 à 17:16
Au lendemain de l’annonce des résultats des élections du Conseil Supérieur de la Magistrature, les réactions fusent. Tandis que certains encensent,  d’autres expriment quelques réserves ou leur total désaccord avec les résultats.

"Des élections normales", selon les observateurs
Seif Abidi du réseau Mourakiboun, spécialisé dans le contrôle des élections, a déclaré ce lundi, que le taux de participation des avocats au vote pour le Conseil supérieur de la Magistrature, qui est de 37.1% est un taux très faible, en comparaison avec les magistrats financiers dont la participation a été de 94.2%. 

«Le secteur du barreau a eu plusieurs réserves et seulement 8 avocats au sein du CSM. Après toutes les batailles menées par eux, ce chiffre est très bas, et on ne peut avoir aucune excuse », a-t-il sur Jawhara fm. Il a par ailleurs évoqué la question du silence électoral que la loi portant sur ces élections, n’aborde pas.

«Ce qui fait que les campagnes électorales menées au sein des bureaux de vote, ne sont pas répréhensibles par la loi, et donc pas condamnables », a-t-il dit, estimant que cette loi doit être rectifiée.

Dix huit femmes, contre 14 hommes, ont été élues au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Un résultat expliqué par Seif Abidi par le principe de parité, qui aurait mené à l’annulation de certains bulletins de vote. « C’est le résultat de cette loi sur la parité. La loi exige qu’en cas de 3 sièges à pourvoir, ils doivent être pour deux hommes et une femme ou deux femmes et un homme. Certains électeurs n’ont pas voulu s’y conformer et ont choisi selon leurs convictions, ce qui a mené à l’annulation de plusieurs bulletins de vote », a-t-il expliqué.

La montée des femmes au CSM a été très commentée ce lundi, et ce en raison de la faible participation des femmes aux élections. seulement 33.4% des électeurs sont des femmes, selon Mourakiboun, rappelant que le taux de participation totale a été de 46.9%. « Qui encore une fois est un nombre très faible », selon l’association de contrôle des élections. Même parmi les avocats, le taux de participation des femmes a été assez faible, avec seulement 31% d’avocates sur le total des avocats ayant voté.

Le bâtonnier, Ameur Meherzi, a quant à lui déclaré qu’il existait une raison derrière la faible participation des avocats aux élections du CSM, évoquant notamment « le harcèlement financier et législatif auquel ils ont été exposés», selon ses dires, évoquant « une loi de Finances injuste à leur égard ». Il a ajouté que les avocats « sont abattus »  actuellement, en plus de la répartition constitutionnelle des avocats au sein du Conseil supérieur de la Magistrature qu’il considère « non adéquate ».

Toutes ces raisons auraient mené à la faible participation au vote pour la formation du CSM. Meherzi a ajouté dans son intervention, que les avocats sont « cibles d’attaques calculées ».

Abdelhak Soltani, de l’association ATIDE, spécialisée dans l’observation des élections, a quant à lui déclaré ce lundi sur la même radio, que certains dépassements ont été constaté hier lors de l’opération de vote, malgré que l’opération se soit déroulée, en général, de manière normale.

« Les procédures ont été respectées, mais nous avons relevé dans quelques bureaux de vote l’absence d’indications qui orientent les électeurs, ainsi que des listes d’électeurs qui n’ont pas été distribuées sur les salles. Mais surtout la non interruption de la campagne électorale au cours du vote, ce qui aurait pu créer des problèmes», a-t-il relevé, avant d’ajouter que le principe du secret n’a pas été respecté dans certains bureaux comme au Kef, où il y a eu une seule votante, dont le choix était devenu connu lors du dépouillement des bulletins.

Au sujet du taux de participation des avocats ATIDE estime qu’il est faible et qu’il exprime « probablement une position », a indiqué Soltani. Il a enfin ajouté que l’élection du Conseil supérieur de la Magistrature « est un pas de taille vers l’enracinement de l’indépendance de la Justice ».

L'ARP "satisfaite et fière", l'OTIM critique les procédures
Vient ensuite la réaction de l’Assemblée des Représentants du peuple qui exprime dans un communiqué rendu public en début d’après-midi, « sa satisfaction et sa fierté » quant au déroulement de ces élections qui ont eu lieu, hier dimanche 23 octobre 2016.

« Des élections qui ont connu une grande participation de la part des électeurs dans les différentes régions du pays », selon l’ARP.

Ce conseil supérieur de la magistrature, démocratiquement élu, représente le premier du genre en Tunisie et dans le monde arabe, ajoute l’Assemblée, considérant qu’il est « un pas positif vers l’édification du tribunal constitutionnel et une nouvelle étape pour asseoir les institutions constitutionnelles de la République tunisienne comme l’exige la constitution de 2014 ».

L’observatoire Tunisien de l’Indépendance de la Magistrature a quant à lui critiqué certains aspects du scrutin. Il a déploré ce lundi, « l’élection de certains candidats soutenus par certaines parties politiques et structures professionnelles aux dépens des candidatures individuelles indépendantes, et le retour d’anciens agissements consistant à faire pression sur la volonté des électeurs de la part de responsables judiciaires », lit-on dans son communiqué, publié cet après-midi.

Il a dénoncé "la non légitimité des procédures portant formation du CSM,  en raison des vices de fond contenus dans la loi de base numéro 34 de l’année 2016, datée au 28 avril 2016, et dont certaines dispositions seraient en opposition avec la constitution", selon L’OTIM. Il a également dénoncé « l’élection d’une figure de l’ancien régime qui aurait renversé le bureau exécutif de l’Association des Magistrats tunisiens en 2005 ».

Il a enfin appelé à l’amendement de la loi sur le CSM, afin qu’elle soit conforme avec la constitution. 
C.K