Egypte/ Echec de la démocratie : Chassez le naturel, il revient au galop !

Publié le Jeudi 04 Juillet 2013 à 14:20
Trois alliés objectifs ont eu raison de Mohamed Morsi. L’expérience démocratique aura survécu une année en Egypte. Le président Morsi élu démocratiquement il y a une année par 51 % des voix, a été déposé le mercredi 03 juillet par un coup d’Etat militaire paré par des ornements civils. Des millions d’Egyptiens s’en sont réjouis, et ont été hier au faîte de la jubilation sur la place Ettahrir. Des millions de leurs compatriotes ont sombré dans la tristesse et le dépit suite à un limogeage perçu comme injuste et humiliant, de leur champion.

L’Egypte, ce grand pays arabe de 85 millions d’habitants, situé dans une région chaude aux confins d'Israël avec lequel il a signé un traité de paix depuis 1979, est aux prises avec des difficultés colossales d’ordre économique, politique, social, sécuritaire, auxquelles s’ajoutent un taux de pauvreté et d’analphabétisme élevé parmi la population. L’Egypte, un pays qui tire sa richesse et sa grandeur d’une histoire et une civilisation plusieurs fois millénaires, est tombée depuis la chute de la monarchie, dans le giron des militaires, enchaînant les succès et les déboires. Le règne de Jamel Abdennasser est un point lumineux dans son histoire contemporaine ; le chantre du panarabisme a modernisé le pays, et a fait rêver les peuples arabes et le sien de la grandeur retrouvée de la Oumma. Le despotisme aidant, l’expérience nationaliste s’est soldée par la désillusion et l’échec. Les lampions du nassérimse se sont définitivement éteints avec l’arrivée de Sadate qui a fait la paix avec Israël, et ne s’est pas embarrassé de s’y rendre, chose qui lui a coûté sa vie. Et puis commençait la longue ère de Moubarak, où l’Egypte a sombré dans la dictature, la corruption et l’assujettissement à l’occident ; à l’image d’une réalité qui régnait un peu partout dans la région arabe.

Dans la foulée de la révolution tunisienne, le peuple égyptien s’est soulevé et a renversé Hosni Moubarak. Après une transition plus ou moins cahoteuse supervisée par l’armée, des élections ont été organisées et ont porté Mohamed Morsi, candidat des frères musulmans, au pouvoir. Morsi l’avait alors emporté sur Ahmed Chafik, l’ex-Premier ministre de Hosni Moubarak, avec 51,7 % des voix. Le premier chef d’Etat civil  d’Egypte a recueilli les votes mêmes des Egyptiens hostiles aux frères musulmans, mais qui l’ont choisi pour faire barrage au retour de l’ancien régime incarné par Chafik.

Dès son arrivée au pouvoir, Mohamed Morsi a été confronté à une hostilité des laïcs qui honnissait les frères, et voyaient en eux un signe de régression. Le bras de fer a été d’emblée engagé entre Morsi et ses adversaires. Son court règne a été entaché par de nombreux soubresauts,  ayant viré, à plusieurs reprises, aux affrontements violents et sanglants. Pensant pouvoir mater la rébellion qui n’a jamais cessé à son encontre, il a cru prendre l’ascendant sur ses adversaires en optant pour une ligne de fermeté et d’intransigeance. Ses rapports tumultueux avec la justice et les juges, sa déclaration constitutionnelle unilatérale où il s’est accordé tous les pouvoirs, la démarche suivie en matière de préparation de la constitution qui traduisait l’esprit et la lettre de la pensée de la confrérie, les irrégularités et les soupçons ayant pesé sur le référendum autour de la constitution…et bien d’autres faux pas l’ont beaucoup fragilisé et fait monter la contestation à son encontre, alors qu’il semblait toujours persuadé que sa légitimité électorale mettait son régime hors de danger. Pour preuve, le discours qu’il avait prononcé à la veille de sa destitution par l’armée, soit le mardi 02 juillet, où il a martelé son attachement imparable à sa légitimité, sans donner des perspectives au peuple et sans faire des concessions à ses adversaires, à l’heure où des millions d’Egyptiens se sont massés dans la rue pour réclamer son départ.

Mohamed Morsi a été victime d’une certaine mégalomanie, et d’une propension hégémonique de la confrérie dont il est issu. Il a été aussi, malgré une carapace dure qu’il donnait l’air d’enfiler, une proie facile pour ses détracteurs qui se recrutaient dans les milieux les plus influents en Egypte. Primo, la puissante armée, bien ancrée dans le pays, où rien ne se fait sans qu’elle ne le cautionne. Secundo, une opposition laïque qui regroupe des courants éradicateurs qui vouent une haine viscérale aux frères musulmans. Tertio, aux forces de l’ancien régime, les fellouls, qui sont toujours actifs et puissants. Ces trois alliés objectifs ont investi la colère légitime d’une population en détresse, pour avoir raison d’un président démocratiquement élu.

Le coup de force de l’armée a certes réjoui des millions d’Egyptiens, qui voulaient en finir avec l’épisode de Mohamed Morsi et des frères musulmans, il a néanmoins plongé l’Egypte dans l’incertain et l’inconnu.

La chute de Morsi équivaut à la défaite de la démocratie en Egypte, et par-delà dans le monde arabe. Une région qui a longtemps souffert de la tyrannie et qui a cru s’en affranchir à jamais en faisant ses révolutions. La transition de la dictature à la démocratie ne semble pas acquise d’avance, c’est une voie semée d’embûches. Que signifie la démocratie, si l’on n’en respecte pas l’un des principaux piliers, soit le verdict des urnes ?

Les pays anciennement démocratiques connaissent bien des clivages politiques, avec des acteurs politiques qui sont, en permanence, à couteaux tirés ; ils connaissent bien de larges mouvements contestataires, ce n’est pas pour autant que leur régime tombe, ou est renversé avant que son mandat n’arrive à son terme. La démocratie donne la liberté et le droit aux peuples de demander des comptes à leurs gouvernants, d’en contester les manquements et les dérapages…mais est, par essence, aux antipodes de la dictature de la rue, car c’est la porte ouverte à l’anarchie, à l’instabilité, et à la violence.

Les sociétés arabes qui disent renouer avec la démocratie dans cette ère postrévolutionnaire sont gérées par une mentalité d’exclusion et d’intolérance envers l’autre, incarnées tant par le pouvoir, que par l’opposition.

La polarisation idéologique qui mine les pays arabes, les haines et les rancœurs qu’elle génère en dispersent les efforts, et les plongent dans une bataille acharnée de vouloir éliminer l’autre, perçu comme un ennemi, et non comme un adversaire politique et un partenaire de la patrie.

C’est pourquoi dès qu’un camp conservateur ou moderniste est au pouvoir, l’autre camp encourt le risque d’être en prison. On le voit aujourd’hui en Egypte avec ces mandats d’arrêt en cascade lancés contre les dirigeants des frères musulmans, qui occupaient tout juste hier les plus hautes fonctions. Chassez le naturel, il revient le galop. Parviendra-t-on à en tirer sérieusement les leçons ?  

H.J.



 

Commentaires 

 
-5 #5 RE: Egypte/ Echec de la démocratie : Chassez le naturel, il revient au galop !
Ecrit par Montygolikely     04-07-2013 22:27
Vision très étriquée et simpliste du monde arabe.

Révisez votre copie, ce même monde arabe, étant en effervescence, donc en évolution, réservera encore des surprises au cours de ce siècle...

L'armée egyptienne n'a fait, si j'ose dire, que "rectifier le tir" et a redonné aus égyptiens la crédibilité méritée de leur révolution.
 
 
-6 #4 RE: Egypte/ Echec de la démocratie : Chassez le naturel, il revient au galop !
Ecrit par Royaliste     04-07-2013 22:17
dans une entreprise, si un emplyé est incompétant on le remercie meme s'il a un contrat.
la legitimité ne vient pas des urnes elle vient du rendement.

et de quels urnes parlez vous?
que vaut le vote d'un affamé ou d'un analphabéte?
en Tunisie des millions de naifs ont voté pour Haamdi parcequ'il leur a promis la gratuité pour tous. dans un pays ou le peuple est eduqué personne ne voterai pour de tels mensonges mais dans les pays comme les notres, les votes s'achetent facilement.

la démocratie est un luxe que les pauvres ne peuvent s'offrire.
 
 
-2 #3 Ah bon!
Ecrit par Guide touristique     04-07-2013 20:52
De quelle démocratie parlez-vous? C'est l'échec de la théocratie!
 
 
+1 #2 BRAVO
Ecrit par consultant     04-07-2013 20:07
BRAVO
JE RETROUVE mes pensées dans chaque paragraphe de cet article.
Est ce que c'est seulement les pays riches qui ont droit à la démocratie ? ...
 
 
#1 RE: Egypte/ Echec de la démocratie : Chassez le naturel, il revient au galop !
Ecrit par Hédi     04-07-2013 18:28
En gros, si Hitler après avoir été élu, avait été renversé par une révolte populaire avec l'aide des militaires, ca aurait été une "défaite pour la démocratie"? Et oui, je compare Hitler aux frères musulmans, ils sont de la même espèce. Comme disait Sartre, "le fascisme ne se définit pas par le nombre de morts, mais par la manière de tuer". Les agissements inqualifiables des milices des islamistes, la haine et le poison qu'ils ont distillé dans la société, font de la chute de ces gens là une grande victoire pour la liberté.

Non, je ne pleurerai pas l'arrestation de criminels qui ont du sang sur les mains. Non je ne pleurerai pas l'arrestation du présentateur star de la chaîne des islamistes qui a insulté sur Chokri Belaid et dit qu'il méritait ce qui lui était arrivé.

Arrêtez de vous moquer des gens et d'insulter leur intelligence, Morsi a monopolisé les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, il a falsifié le référendum sur la constitution, de quelle légitimité parlez-vous? C'est les islamistes les putschistes.

Salut au grand peuple égyptien, pour la leçon de courage et de dignité dont il vient de faire preuve. Il met en échec avec les islamistes et leurs pétrodollars, leurs chaînes satellitaires, leurs mosquées, c'est un très grand moment pour le monde arabe. L'islamisme a été chassé par le peuple. C'est la preuve définitive que leurs sornettes ne mènent nulle part.

ps: une info incroyable, mais malgré la destitution des islamistes, les égyptiens sont toujours musulmans! Dingue!
 
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