Dans quel état le gouvernement Jomaâ laisse-t-il la Tunisie ?

Publié le Mardi 30 Décembre 2014 à 17:40
Mehdi Jomaâ. Béji Caïd Essebsi sera investi demain, mercredi 31 décembre, officiellement président de la République après une cérémonie de passation des pouvoirs qui aura lieu au Palais de Carthage. Il devra d’abord prêter serment lors d’une plénière extraordinaire à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

L’une des premières missions du président élu est de charger une personnalité, proposée par le parti de la majorité parlementaire, de former un gouvernement. Le chef de l’Etat dispose d’une semaine pour ce faire.

Entretemps, Mehdi Jomaâ sera amené à présenter au nouveau locataire de Carthage la démission de son gouvernement. Celle-ci pourrait intervenir à la fin de cette semaine, ou en début de semaine prochaine. Le gouvernement Jomaâ continuera à expédier les affaires courantes, jusqu’à l’investiture de la nouvelle équipe, dans le cadre de la continuité de l’Etat.

Investi il y a moins d’une année le 29 janvier 2014, Mehdi Jomaâ et son cabinet, issus du dialogue national, conduit sous l’égide du quartette, avaient pour principale mission de parachever l’ultime phase transitoire et de conduire le pays vers la tenue d’élections législatives et présidentielles, démocratiques et transparentes. C’est désormais, chose faite. Jomaâ a rempli, de ce point de vue, son contrat, avec le déroulement réussi des échéances électorales, ayant doté le pays d’institutions pérennes, et l'ayant fait passer du provisoire au durable.  

Avant de parvenir à cette finalité ultime, le gouvernement Jomaâ était confronté à deux principales priorités : le maintien de la sécurité et la lutte contre le terrorisme ; et la relance de l’économie.

Au premier volet, les forces sécuritaires et militaires ont poursuivi la traque des éléments armés, déjouant des opérations terroristes, démantelant des cellules dormantes, et menant des assauts, à l’issue desquels des présumés terroristes ont été arrêtés ou abattus. Le credo en matière de lutte contre le terrorisme était l’anticipation ; le fait d’aller chercher ces éléments et de les combattre là où ils se trouvent, comme n’a cessé de le marteler Jomaâ dans ses différentes sorties médiatiques. A ce stade, le combat contre le terrorisme est loin d’être terminé, ça reste un dossier épineux devant la future équipe gouvernementale.

Au volet économique, les états généraux de l’économie prévus par Mehdi Jomaâ ont tourné au fiasco. Le chef du gouvernement sortant a souhaité calquer le procédé du dialogue national et du consensus politique sur l’économie, mais ses tentatives ont été vaines. Les réformes qu’il avait préconisées, s’agissant notamment de la refonte de la caisse de compensation,  n’ont pas fait l’unanimité, et ont essuyé un niet catégorique de plusieurs partis politiques et de la centrale syndicale, déniant à Jomaâ toute latitude de mener des réformes structurelles, vu le caractère provisoire de son gouvernement.

Jomaâ n’a pas réussi à redresser les finances publiques, et ses mises en garde récurrentes sur les dangers qu’encourent la Tunisie, si rien n’est fait pour combler le fossé entre les dépenses de l’Etat et ses ressources, n’ont pas produit les effets escomptés. Le pays a continué à s’endetter à une cadence soutenue, notamment du FMI et de la banque mondiale, et la facture de l’endettement est allée en s’amplifiant, d’autant plus que la dette a été allouée en grande partie à la consommation, plutôt qu’aux projets et à la création des richesses. Le renchérissement de la vie a continué sous le gouvernement sortant et le pouvoir d’achat des classes moyennes et indigentes s’est sensiblement dégradé.

L’un des dossiers qui a longuement fait polémique sous Jomaâ est celui de l’énergie, avec les soupçons de corruption et de conflits d’intérêts qui pèsent notamment sur le secteur pétrolier. Des accusations que cet ancien haut cadre du groupe Total a balayées d’un revers de main, et en a minimisé la portée, mais le dossier mérite d’être clarifié aux yeux de l’opinion publique.

Au volet politique, Mehdi Jomaâ a su rester, ainsi que son gouvernement, au dessus des tiraillements politiques, et se sont tenus à la même distance de tous les partis politiques, c’est ce qui a permis d’apaiser le climat général.

Jomaâ  a réussi à tenir le pays tant bien que mal, sa principale réussite, avec les différentes parties prenantes, est la tenue des élections, autrement, c’est au prochain gouvernement de découvrir dans quel état Jomaâ et son équipe laissent-ils le pays.

A l’heure qu’il est, l’identité du sixième chef du gouvernement après la révolution, relève de l’inconnu, plusieurs noms sont évoqués, à l’instar de l’ancien ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi, et de l’actuel ministre de l’Equipement, Hédi Larbi, (un ancien de la banque mondiale),  mais rien n’est encore officiel. A en croire les déclarations médiatiques des uns est des autres, les concertations en sont actuellement au stade de l’organisation du gouvernement, de sa structure, et de sa composition, et il n’est pas encore question de noms.
H.J.