Corruption : "Les marchés publics représentent la plus grande menace" (Tabib)

Publié le Mardi 30 Août 2016 à 13:40
Le Président de l’Instance Nationale de lutte contre la Corruption, Chawki Tabib, a présenté ce mardi, lors d’une conférence de presse, le premier rapport de l’Instance portant sur les activités des 7 premiers mois de l’année 2016. Il s’agit du premier rapport élaboré depuis celui publié, en 2011, par la Commission nationale d’Investigation sur la Corruption et la Malversation.

D’après Tabib, l’Instance a reçu jusqu’à la date du 15 août de cette année, quelques 1937 dossiers, dont 1136 plaintes directes et 801 dossiers provenant de la Présidence du gouvernement.   A la fin du mois d’août, 832 dossiers ont été remis aux enquêteurs. L’Instance a transmis 106 dossiers à la Justice. Il est à signaler par ailleurs, qu’entre 2011 et 2015, l’instance dans sa forme initiale avait reçu 10048 dossiers. La majorité des plaintes proviennent de Tunis (3418), talonnée par Ben Arous avec 732 dossiers, l’Ariana avec 535 dossiers, et loin derrière arrivent Kebili et Tataouine avec chacune 34 dossiers.

Les doléances concernent, en majorité, les contentieux au travail avec 1523 dossiers, ensuite arrivent les contentieux civils (1331 dossiers, les conflits autour de biens fonciers, 1319 dossiers),  la malversation administrative et financière (1137 dossiers). Chawki Tabib a expliqué ce matin que si les contentieux se rapportant au travail sont les plus importants, c’est à cause des mutations que les fonctionnaires estiment abusives, comme au sein du ministère de l’Intérieur.

« Ce n’est pas parce le plus grand nombre de dossiers provient du ministère de l’Intérieur que cela veut dire que c’est le secteur qui connait le plus de corruption, celui qui représente la plus grande menace est celui des marchés publics », a expliqué le président de l’Instance.

L’Instance est passée par des difficultés, notamment financière, avec un budget très limité d’environ 312 milles dinars (dont 220 000 dinars destinés à payer le loyer du siège de l’Instance), avant que n’arrive l’ancien chef du gouvernement, Habib Essid, qui a débloqué la situation en hissant  le budget à 1.700.000 mille dinars.

« La deuxième priorité a été de chercher du soutien à la stratégie nationale de lutte contre la corruption. Nous avions constaté que la responsabilité ne pouvait pas être supportée par un seul organisme, mais plutôt de plusieurs institutions de l’Etat. Le PNUD nous a aidés à aller dans ce sens, en élaborant un plan national de lutte contre la corruption », a expliqué le président de l’Instance. Pour peaufiner le plan national de lutte contre la corruption, l’instance a demandé aux autorités la tenue d’une conférence nationale.

« Cette conférence aura pour but de mettre fin à cette polémique vaine, autour des ministères qui doivent prendre part à la lutte contre la corruption, du rôle de l’Etat et des prérogatives de l’Instance », a expliqué Tabib.

Il suffirait selon lui de réunir les trois pouvoirs, les médias et la société civile ainsi que l’Instance Nationale de Lutte contre la Corruption et de convenir d’un plan en passant par un diagnostic de la situation.

« Par ailleurs, l’Instance ne peut pas compter uniquement sur l’appui financier de l’Etat, proposé par la Présidence du gouvernement avec l’accord du ministère des Finances, et voté par l’Assemblée. Tous pensaient à un moment que les 312000 dinars étaient suffisants à l’instance. Personne ne l’a contesté, tandis que plusieurs millions de dinars sont accordés à d’autres instances comme l’ISIE ou l’IVD. C 'est pourquoi, nous avons cherché de l’appui auprès des organisations internationales comme le PNUD, l’agence coréenne de développement, et l’Agence allemande de coopération  », a-t-il indiqué.

Quel rôle pour l'instance ?

Chawki Tabib est ensuite revenu sur le rôle de l’Instance qui ne consiste pas uniquement à enquêter sur les affaires de corruption et de malversation, comme tend à le croire l’opinion publique. «C’est vrai que notre principal rôle consiste à enquêter sur les dossiers de corruption, mais nous sommes tenus aussi d’établir la stratégie de lutte contre la corruption, remettre les dossiers à la justice, avoir une opinion sur les textes d’application et les législations en rapport, faciliter la communication entre les différents intervenants, tout en collectant et en publiant des statistiques et des études à ce sujet », a-t-il dit.

Chawki Tabib tient à ce que seule l’Instance soit habilitée à s’occuper des affaires de corruption, et non pas le ministère de lutte contre la corruption ou toute autre administration publique, qui se doivent toutefois, selon lui, d’appuyer le travail de l’instance.

Le président de l’Instance estime qu’il est nécessaire à son institution de posséder un centre d’études et de recherches, et d’être en possession d’une base de données, de locaux dans les régions, et de moyens logistiques. « A tous ceux qui se demandent ce que nous faisons depuis tout ce temps, nous tenons à dire que nous essayons de collecter les moyens de travail qui sont nécessaires à notre activité », a-t-il dit.

Au sujet du rôle de sensibilisation de l’Instance, Chawki Tabib a déclaré que face au phénomène de démission et de pessimisme du Tunisien face à la corruption, l’Instance veut faire parvenir au citoyen tunisien que l’Etat serait en train de fournir des efforts et de réaliser des avancée dans cette lutte. « Il faut que le Tunisien ressente que malgré la difficulté, il est possible de faire, comme c’était le cas à l’aube de l’indépendance. Malgré les doutes de beaucoup de Tunisiens, la Tunisie a quand même eu sa liberté après une lutte acharnée », a-t-il dit.

Il a déploré par ailleurs les appels de « certains », envers l’Instance pour qu’elle travaille « en silence ». Chawki Tabib répond : « comme s’il était possible de combattre la corruption par le silence ! Il faut dénoncer ! Nous n’appelons pas à divulguer des identités, mais de dénoncer des affaires », a-t-il dit.

Selon Tabib, le train de la lutte contre la corruption « est sur les rails », et « tous les efforts doivent être déployés pour qu’il avance » a-t-il dit, saluant à l’occasion les efforts de Habib Essid dans l’appui de l’Instance, et exprimant son souhait de voir Youssef Chahed aller dans le même sens.

Chawki Tabib a précisé que 20 enquêteurs planchent sur les dossiers reçus par l’Instance, qui s’engage à étudier les milliers de dossiers hérités de la Commission Nationale d’Investigation sur la Corruption et la Malversation.

Un rapport complet annuel  de l’Instance, de l’année 2016, sera publié durant le premier trimestre de l’année prochaine.
Chiraz Kefi

 

Commentaires 

 
#1 RE: Corruption :
Ecrit par Montygolikely     01-09-2016 10:44
Surtout les marchés dits de "gré à gré" ou tous les marchés qui ne font pas l'objet d'un appel d'offres ou d'une consultation officielle.
 
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