Colloque à Paris : Israël, un Etat d’apartheid ?

Publié le Lundi 27 Février 2012 à 22:10
Un colloque intitulé : "Israël, un Etat d'apartheid ?", organisé par le collectif Palestine de l'université Paris VIII, n'a pas pu se tenir ces 27 et 28 février au sein de l'université, suite à une décision du Président de l'université de fermer l’établissement, cédant ainsi aux pressions du CRIF.

"Le collectif Palestine Paris VIII existe depuis 4 ans, son objectif est de faire vivre la question palestinienne au sein de la faculté, sensibiliser les étudiants et le personnel universitaire à la situation au Proche-Orient", dit Hanen, membre de ce collectif dans un entretien avec Gnet.

"Auparavant, on avait une approche culturelle et politique. Cette année, on a voulu aller dans une autre dimension. Le collectif a jugé opportun de poser la question de la nature de l'Etat d'Israël. Nous avons voulu poser le débat au sein de l'université, et organisé ce colloque. Nous avons posé le dossier pour subventions, et ça été accepté sans problèmes. A la mi-février, il y a eu un communiqué du CRIF (Conseil représentatif des Institutions juives de France), pour dénoncer ce colloque. Quelques jours après, le directeur nous signifiait que le colloque ne pouvait pas se tenir "pour risque de trouble de l'ordre public". Nous avons saisi le référé liberté, mais notre plainte a été rejetée pour vice de forme. En ce mois de février, nous avons lancé une pétition pour la tenue du colloque au sein de l'université, elle a été signée par 500 universitaires et un millier d'étudiants", indique-t-elle.

"Entretemps, le président de l’université nous a proposé d'organiser notre colloque en dehors de la faculté.  Nous y avons opposé une fin de non-recevoir, souligne la jeune femme d'origine tunisienne. "Dimanche, la décision de la fermeture de l'université pendant deux jours est tombée. Le président nie toute pression mais reprend les arguments du CRIF dans son communiqué. Nous avons considéré cela comme une atteinte à la liberté d'expression et de réunion", déplore Hanen, qui dit que ce colloque intervient suite à la dernière session du tribunal Russell sur la Palestine au Cap, dont les conclusions sont sans appel : "Israël pratique l'apartheid". Après ces rebondissements, le colloque à fini par avoir lieu à la bourse de travail de Saint-Denis.

"La vieille rengaine d’antisémitisme"

Jean Paul Chagnollaud, professeur de sciences politiques à l'université de Cergy-Pantoise, estime "inacceptable qu'un président d'université cède à quelques associations de type CRIF, et puisse céder sur la réalité de ce qui se passe en Israël". Ce politologue et spécialiste du monde arabe qui revendique la liberté de l’université de réfléchir et de débattre, brocarde ceux qui ressortent à chaque fois "la vieille rengaine d’antisémitisme".

Géographe, Jacques Fontaine a parlé de l'apartheid spatial dans les territoires palestiniens occupés. "La Cisjordanie a à peine la taille moyenne d'un département français, la Seine et Marne est plus vaste que la Cisjordanie", dit-il. "Après l'occupation de 1967, Israël a cherché à déstructurer, morceler et fragmenter le territoire palestinien. A part les zones A. B et C, héritées des accords d'Oslo, il y a une multitude de zones à l'intérieur de la Cisjordanie qui ont des statuts divers. Un charcutage qui rend difficile l'avènement d'un Etat palestinien".

Pour ce maître de conférence honoraire à l’université de Franche-Comté, la colonisation a commencé d'une manière spontanée depuis octobre 1967, ce phénomène s'est développé d'une manière rapide.
"Au cours de la première période, 67 – 77, sous les travaillistes, on a vu la création d'une quarantaine de colonies dont une partie au vallée du Jourdain pour des raisons stratégiques. Avec le Likoud en 1977, il y a eu une explosion du nombre des colonies en Cisjordanie occupée, on a eu plus de 200 colonies en six ans. Ces colonies ont été situées sur les hauteurs pour dominer l'espace palestinien. Actuellement, on en est à 360 points de colonisation israélienne à l'intérieur de la Cisjordanie, quasiment autant que les villes et les villages israéliens qui sont au nombre de 400".

L’universitaire pointe aussi la mainmise d’Israël sur les ressources en eau au Proche-Orient, une région du monde qui souffre d’un important manque d’eau, "mais cette pénurie est répartie aux dépens des Palestiniens, Israël a réussi à utiliser la quasi-totalité de l'eau qui ne lui appartient pas".

Jacques Fontaine énumère aussi les obstacles à la circulation en Cisjordanie. "Outre les check points, il y a des barrages, des tranchées, des murs de terre. Plus de 700 obstacles à l'intérieur de ce territoire minuscule. Sans compter le mur long de 770 km qui ségrégue les palestiniens de  Cisjordanie".

Les accords d'Oslo ont pu apparaître au départ comme une voie possible pour la paix, se sont révélés être comme un moyen de ségrégation en morcelant la Cisjordanie en  zone A : 14 morceaux, Zone B : semi-autonome, et zone C, avec les 2/3 de la superficie sous contrôle israélien, explique-t-il.

Un traitement différencié sur la base nationale et ethnique

Julien Salingue, doctorant à Paris VIII et membre fondateur du cercle des chercheurs sur le Moyen-Orient (CCMO), est intervenu sur "l'administration civile de l'apartheid" dans les territoires palestiniens occupés. Il précise d'emblée ne pas affirmer "d'une manière péremptoire qu'Israël est un Etat d'apartheid", "je va éprouver le concept de l'apartheid face aux faits, et interroger la situation en Cisjordanie à partir de ce concept".

Cet enseignant à l’université d’Auvergne  montre, exemples à l’appui, le traitement différencié de l'Etat d'Israël des habitants de Cisjordanie sur la base de critères ethniques et nationaux." A l'issue de la guerre des six jours, Israël a quadruplé sa superficie, avec l’occupation du Sinaï, de la Cisjordanie, de la vallée du Jourdain, de Gaza. Israël devait gérer un territoire exclusivement peuplé d'habitants qui ne sont pas juifs. Il a mis en place une administration parallèle pour gérer des populations du territoire palestinien", souligne Julien Salingue. "Tout passait par les ordres militaires, même si certains de ces ordres sont aujourd’hui abrogés, leurs fondements et leurs principes existent encore. Israël va institutionnaliser les discriminations dans les territoires occupés, ce qui a donné lieu à deux systèmes séparés autour de critères nationaux et ethniques. Il y a une dualité juridique et judiciaire, la loi israélienne est appliquée selon une base territoriale pour les Palestiniens et une base individuelle pour les colons qui bénéficient d'un statut spécial", explique-t-il. "C'est écrit noir su blanc dans la loi israélienne : tout le monde n'est pas soumis aux ordres militaires et tribunaux militaires, l'exception ne s'applique pas à ceux qui ne sont pas israéliens", relève-t-il. "Par ailleurs, un juif qui n'a pas la nationalité israélienne bénéficie de ce statut spécial".

Le chercheur conclut qu’un système d'apartheid existe dans les territoires palestiniens. "Au-delà de la violence, de l'arbitraire et de l'illégalité, il y a un traitement différencié et légalisé sur la base nationale et ethnique au sein du territoire de la Cisjordanie. Ces discriminations sont assumées voire légalisées par les autorités israéliennes dans les textes".

"L'idéologie du mouvement sioniste porte en elle, la constitution de catégories et de sous-catégories", affirme-t-il. "On est non seulement dans une occupation militaire, mais aussi dans une discrimination institutionnalisée, légalisée et différenciée, voilà ce qui ne manque pas de rappeler l'Afrique du Sud", indique Julien Salingue.

Ce colloque est organisé avec la participation du mouvement international BDS (Boycott, désinvestissement, Sanctions). "Ce mouvement remporte des succès, qu’il s’agisse du boycott des produits "made in Israël" par les consommateurs, ou des boycotts culturel, universitaire ou sportif. Beaucoup d’artistes internationalement reconnus ont annulé leurs prestations en Israël", indique BDS dans un communiqué. La campagne internationale BDS sera présentée ce mardi 28 février lors du même colloque, par Omar Barghouti, l’un de ses membres fondateurs. A l’ordre du jour également, "comment l’Europe aide l’Apartheid ?", et "le boycott académique d’Israël ?", etc.
H.J.

 

Commentaires 

 
#2 RE: Colloque à Paris : Israël, un Etat d’apartheid ?
Ecrit par SDF     02-03-2012 08:35
israel n'est pas dirigé selon une politique d'apartheid, ni de nazisme, mais de sionisme, et c'est encore pire.

En effet, si toutes les trois ont causé spoliation, injustice, meurtres et morts, la première entraînait une réprobation internationale, la seconde déclenchait une seconde guerre mondiale, et la troisième engendre la sympathie ou l'indifférence, et ce depuis plus de 60 ans...
 
 
+11 #1 Sans point d'interrogation.
Ecrit par Fan-Club     28-02-2012 02:05
Faut-il encore s’interroger sur le parallèle entre l'apartheid sud-africain et l'Apartheid avec un grand A auquel se livre Israël?? Faut-il encore un colloque pour cela?

Comme en Afrique du Sud, les colonisateurs de la Palestine ont expulsé la population indigène arabe de sa terre, soit les 2/3 des Palestiniens vivant sur le territoire qui deviendra Israël en 1948, se sont emparés de leurs terres & de leurs biens et font depuis subir à ceux qui sont restés une législation terriblement ségrégationniste.

Vaudrait mieux titrer le colloque “A quand un Printemps palestinien ?» et rendre justice au peuple palestinien harassé par un siècle d'injustice et qui aspire à vivre en paix, dans la dignité sur moins de 20% de sa Palestine originelle.
 
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