Christiane Taubira : "Contre le terrorisme mais sans atteinte aux libertés"

"Il n’est pas question de faire des concessions sur les droits et les libertés personnelles", en matière de lutte contre le terrorisme, a martelé ce vendredi, la ministre de la Justice française, Christiane Taubira, lors d’une conférence sur la "Lutte contre le terrorisme et État de droit". "Depuis le 11 septembre, le combat est devenu planétaire, (...) mais il ne faut pas céder à la panique et à la revanche facile et aveugle", a-t-elle plaidé.

"Je viens parce que vous avez été frappés, touchés de plein fouet par la violence au Bardo et à Sousse. Nous sommes là pour vous apporter une aide et un support, pour exprimer tout le soutien de la France à la Tunisie, si proche de nous historiquement et géographiquement. Nous sommes là, pour mieux nous armer face au terrorisme, mais aussi pour essayer de comprendre pourquoi cette violence frappe les personnes et les esprits".

C'est ainsi que la garde des Sceaux a entamé ses propos, lors de cette conférence donnée à l’Institut Français de Tunis, en marge de sa visite en Tunisie les 17 et 18 septembre.

D'emblée, Christiane Taubira effectue un retour vers le passé et plus exactement en septembre 2001 : "Depuis le 11/9, plein de villes ont été frappées. Boston, Peshawer, Rabat, Madrid, Paris...C’est devenu un combat planétaire. Nous ferons tout pour éradiquer ce fléau, mais en adoptant des stratégies différentes et en respectant les valeurs de la République Française. Il n’est pas question de faire des concessions sur les droits et les libertés personnelles", a-t-elle martelé.

Pour faire du monde un espace de dialogue et de rencontres, Christiane Taubira appelle à la préservation des droits. "Préserver les droits sera fondamental. Il ne faut pas céder à la panique et à la revanche facile et aveugle. C’est un exercice difficile et périlleux pour être efficace dans la préservation des vies et des Etats et protéger les libertés". Elle cite ensuite une une statistique : "13000 attentats ont été commis en 2015, soit une augmentation d'environ 35% par rapport à 2014".  Et les victimes ? : "Elles sont environ 33 000. Iraq, Syrie, Afghanistan et Nigéria, sont les pays les plus touchés". Et la solution ? Christiane Taubira affirme : "La réponse sécuritaire est naturellement indispensable face à ce phénomène qui dispose de nouvelles techniques, de ressources financières considérables et de logistiques développés. Mais, encore une fois, sans porter atteinte aux libertés", a-t-elle insisté.

Il s’agit d’un gigantestque défi pour les années à venir, a précisé Christiane Taubira. Liberté d’expression, de culte, de conscience, de circulation...autant d’aspects de la vie, mis en péril par ce « fléau ». La ministre de la Justice française appelle, par ailleurs, à "anticiper et prévenir" face à cette menace. Mais elle avertit : "Le mode opératoire et l’intensité des actes de violence sont très difficiles à prévoir, ce qui provoque une insécurité psychologique. Nous pensons que c’est par là que la lutte commence. Il faut absolument résister à cette anxiété, ne pas renoncer à l’intelligence, apprendre à analyser et interroger les malentendus, les disparités qui ont poussé des citoyens à être exclus, marginalisés et sans espoir. Il nous faut comprendre pourquoi des jeunes adhèrent à cette idéologie destructrice".

Mais, pour elle, il y a plus difficile encore : « Quand des penseurs et des intellectuels arrivent, se font corrompre pour promouvoir cette idéologie, ce sera le début de notre fin. Que se passe-t-il dans nos sociétés pour qu’on ait des idéologues de la destruction ?", s’interroge-t-elle.

La réponse arrive dans la foulée : "Il y a des promesses politiques faites pour l'épanouissement de la société et des individus. Il faut qu’elles soient maintenues pour que les citoyens ne s’égarent pas".

Les répressions collectives ? C’est la solution la plus facile, mais il y a un énorme risque de se perdre en les appliquant : "La France en a fait les frais. Nous sommes là pour prévenir la reproduction des mêmes erreurs. Il faut que nos pays amis en tirent les leçons. La division du monde en axes du bien et du mal après le 11/9 a produit une doctrine qui a ravagé beaucoup d’esprits  et le monde entier continue à en payer les conséquences", a déploré la ministre de la Justice française.