Cancer : Le dépistage précoce sauve des vies

Publié le Lundi 02 Février 2009 à 11:37
Dépistage précoce par mammographie pour prévenir le cancer du sein.Avec 12 mille cas enregistrés à la fin 2008, le cancer passe devant les maladies cardio-vasculaires comme première cause de mortalité en Tunisie. Les femmes en paient un lourd tribut.

Du jour au lendemain, tout bascule. Rien n’est plus jamais comme avant. Leur perception de la vie est désormais assombrie par une tâche noire, telle cette tumeur qui a frappé l’un de leurs organes de plein fouet, les soumettant à un quotidien éreintant, contraignant. Des jeunes femmes ; poétesse, actrice, cadre, femme ou foyer, jadis mères de famille paisibles, se sont réveillées un jour avec un corps étranger, une sensation redoutable. Leur premier réflexe était de les renier obstinément, bien qu’ils soient réels et évidents. Au fur et à mesure qu’elles en prenaient conscience, elles n’avaient qu’une seule envie faire revenir la machine du temps en arrière pour changer ce lourd destin. Mais, hélas, elles n’y peuvent rien. Leurs témoignages sont poignants et le téléfilm diffusé lors du cercle de Santé organisé dernièrement par l’Office national de la Famille et de la Population sur "La lutte contre les cancers féminins : un problème de santé publique", reflète les tourments du corps et les ruines de l’âme de celles qui sont victimes de cette pathologie maligne, qu’est le cancer.

Cancers féminins : Entre phobies et préjugés
"Je n’ai pas accepté ma maladie, j’ai perdu tout goût pour la vie", regrette avec beaucoup d’amertume une patiente, la mine flétrie et la voix atone.
L’autre non moins éprouvée a décidé d’avoir raison sur le cancer "j’ai fini par admettre que la maladie et la mort n’en font pas une. Que de gens en bonne santé décèdent subitement par une simple grippe ou un accident de la route", témoigne cette femme qui noie son chagrin dans la poésie.
Elle, c’est la chimiothérapie, qui l’exténue, mettant son métabolisme après chaque longue séance de quatre heures sens dessus/dessous. Elle refuse de se faire accompagner par ses enfants pour qu’ils ne la voient pas dans un tel état. Le trajet entre l’hôpital et la maison devient une épreuve longue et éprouvante.

La femme se sent aussi seule face à la maladie. "Le soutien de l’époux reste, généralement feint, mou, peu sincère pour lui apporter le réconfort nécessaire. Le regard de la société est aussi fort réducteur, la femme est redoutée, abandonnée même par son entourage ; ses amies, pourtant instruites, la fuient de crainte d’être contaminées", regrette cette poétesse. Le cancer, dont la seule évocation donne des frissons, reste associé dans l’imaginaire collectif à plein de mystères qui alimentent les phobies et empêchent les femmes et les hommes d’en prendre la mesure, pour pouvoir s’en prémunir, et en venir à bout à temps par un dépistage précoce, synonyme de totale guérison.

Certaines femmes vont jusqu’à refuser le dépistage, le diagnostic et le traitement. Elles demeurent intimement persuadées que certaines parties du corps, symboles de leur féminité, sont intouchables. Elles préfèrent taire leur maladie, en souffrir en silence que de subir un traitement aussi lourd, aussi angoissant. C’est ce qui rend d’ailleurs la mission des médecins fort difficile. Ceux-ci tirent la sonnette d’alarme et insistent sur l’importance de la prévention et du dépistage pour guérir complètement du cancer et éviter les complications fatales.

Dr Lotfi Kochbati cancérologue radiothérapeute à l’Institut Salah Azaïz, a évoqué dans une communication, dont il est le co-auteur avec Dr Mongi Maalej, l’épidémiologie des cancers féminins en Tunisie. Le cancer du sein est de loin le premier cancer féminin, son incidence augmente d’une manière dramatique. En 2004, 1437 nouveaux cas de cancer du sein ont été enregistrés dont 1408 chez la femme et 29 chez l’homme, contre 604 cas féminins et 15 masculins en 1994. L’incidence la plus élevée est dans la région de l’Est. La taille tumorale moyenne est passée de 60 mm dans les années 60, à 49,5 mm en 1994, à 40,7 mm en 2004. Des tailles toujours élevées qui dépassent la possibilité d’une conservation de l’organe. Dr Kochbati a insisté sur l’importance de l’information de la femme et du grand public sur l’obligation du diagnostic et du dépistage précoce, notamment par autopalpation et examen clinique, soit la mammographie afin de limiter les formes avancées. D’autant que l’incidence de ce cancer est appelée à augmenter davantage du fait du changement de mode de vie de la femme tunisienne qui ne cesse de s’occidentaliser.

Le cancer du col de l’utérus, deuxième cancer féminin, voit également son incidence augmenter. Faute de données récentes, le conférencier a cité les chiffres de 1994 où 216 cas de cancer du col de l’utérus ont été diagnostiqués donnant une incidence de 5,91 pour 100000 femmes. L’âge moyen est de 53 ans dont 7,5 % de moins de 35 ans. Les femmes atteintes du cancer du col se caractérisent par un âge jeune au mariage (19 ans en moyenne) et une multiparité (une moyenne de 5,6 enfants). Deux tiers des cas étaient des formes localement avancées. Même si son incidence reste faible, le diagnostic du cancer du col reste tardif.

Le cancer du col peut être évité par un frottis cervico-vaginal auquel toute femme âgée de 35 à 69 ans doit se soumettre, à raison de deux fois l’an, une première fois, et puis une fois tous les trois ans à vie. Les autorités médicales, souligne Dr Hela Chelli, chef de service de gynécologie obstétrique de la Maternité de la Rabta, réfléchissent à la mise en place de dépistage organisé au niveau des structures de santé de base. Le cancer du col est une maladie sexuellement transmissible, et l’intérêt du vaccin HPV demeure indéniable, selon les médecins, pour s’en prémunir. Pour ce qui est de la Tunisie, une commission a été constituée pour l’introduction du vaccin HPV. L’autorisation de mise sur le marché a été obtenue. Dr Chelli a bon espoir : "D’ici 3 à 4 ans, cette vaccination sera possible pour toutes nos jeunes filles en âge d’avoir des relations sexuelles".
Dr Maalej abonde dans ce sens et insiste sur le fait que le cancer du col est un cancer sexuellement transmissible provoqué par le virus HPV, d’où le risque des rapports sexuels non protégés. La meilleure prévention de ce cancer est le dépistage régulier dès qu’on a des rapports sexuels.

Le cancer de l’ovaire est le troisième cancer féminin. Selon les données du registre des cancers Nord Tunisie (RCNT), pour la période 1995-1998, l’incidence de ce type de cancer était de 3,6 cas pour 100000 femmes par an, soit 60 à 80 nouveaux cas par an pendant cette période. L’âge moyen était de 50 ans. Ce cancer touchait la femme jeune de moins de 35 ans dans 17,5% des cas.

Pour Dr Khaled Rahal, lutter contre le cancer revient à mettre l’accent sur trois points :
1-L’information et la sensibilisation de la femme pour l’auto-examen en vue de permettre une chirurgie conservatrice, et d’éviter les traitements lourds et les mutilations ;
2-L’importance de l’examen systématique par le corps soignant (frottis et mammographie) ;
3-La responsabilité de l’Etat qui doit mettre en place les moyens et les stratégies en vue d’améliorer la prise en charge des malades.

Or de ce point de vue, beaucoup reste à faire. Tout d’abord, une stratégie de lutte efficace ne peut être menée que sur la base de données épidémiologiques fiables, de ce côté-là des insuffisances persistent. Les données existantes sont parcellaires et peu fiables. Ensuite, les structures de prise en charge tel l’Institut Salah Azaïz, ou ailleurs dans les régions sont prises d’assaut et ont du mal à gérer le flux des malades. Les rendez-vous sont donnés à des délais trop longs alors que les maladies cancéreuses méritent une prise en charge rapide pour éviter les complications irréparables, voire fatales.

Reste une note positive apportée par Dr Rahal qui rend hommage à l’expérience tunisienne en carcinologie, vieille de quatre décennies. Avec l’Institut Salah Azaïz qui fêtera en mars prochain son 40ème anniversaire.


 

Commentaires 

 
#1 Desolant
Ecrit par Abou Jlail     03-02-2009 10:57
Je trouve que vous n'insistez pas sur la prévention qui consiste pour les femmes de + de 40 ans de faire systématiquement une mammographie de dépistage tous les deux ans. Sans parler des personnes qui ont des risques héréditaire (mère ou tante décédée d'un cancer), ou il faut la faire cette mamo, plus jeune. Prévenir c'est guérir, et la détection d'un cancer + tôt offre des chances de guérison supérieures.
Ce n'est certainement pas par hasard qu'en France, la mammographie pour les femmes de + 40 ans est automatique et prise en charge à 100%. Ils ont compris que le coût d'un cancer avancé du sein coûte plus cher. Sans parler des conséquences psychologiques et sociales après une mastectomie.
A bon entendeur...
 
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