Accès à l’information : La Tunisie à la traîne, malgré la loi !

Publié le Jeudi 27 Septembre 2018 à 16:18
La Tunisie serait un modèle pour le droit à l’accès à l’information. C’est la raison pour laquelle l’UNESCO a choisi cette année Tunis pour célébrer la Journée Internationale d’accès à l’information ce jeudi 27 septembre. C’est la première fois que les IPDC Talks se passent hors du siège de l’UNESCO à Paris. Il s’agit d’une série d’événements mondiaux qui visent à engager un débat universel sur les sociétés ouvertes et l’adoption de meilleures lois et pratiques en matière d’accès à l’information.

Leaders d’opinions, journalistes et ONG ont participé aujourd’hui à l’IPDC TALKS 2018. Ils étaient nombreux à venir partager leurs réalisations et leurs découvertes avec un public d’intervenants mondiaux et locaux. L’objectif étant de promouvoir l’accès à l’information, comme un droit universel.

Moez Chakchouk, Directeur Général adjoint à l'UNESCO.
 

Et ce n’est pas par hasard que l’Organisation onusienne ait choisit la Tunisie, pour tenir ses débats. En effet, la loi organique relative à l’accès à l’information a été adoptée en 2016 et inscrite dans la Constitution. Une avancée majeure pour un pays arabe, noud dit Moez Chakchouk, nommé récemment sous-directeur général pour la communication et l’information à l’UNESCO. « La Tunisie est une exception dans le monde arabe notamment en termes de liberté d’expression et de protection des journalistes. Et elle constitue un modèle. Sur le plan réglementaire, nous avons tout ce qu’il faut en Tunisie concernant le droit à l’accès à l’information. Nous avons la réglementation la plus développée dans le monde. L’UNESCO a travaillé avec le gouvernement depuis la révolution pour mettre en place cette règlementation. »

Imed Hazgui, président de l'instance nationale d'accès à l'information.


Malgré la loi, la Tunisie reste très en retard en matière d’accès à l’information. Les citoyens continuent à souffrir de la rétention d’informations de la part des institutions et notamment de l’administration. Imed Hazgui, Président de l’instance nationale d’accès à l’information insiste sur l’importance de ce droit pour une jeune démocratie comme celle de la Tunisie. Il déplore la non-application de la loi. « Nous avons tout de même réalisé pas mal de progrès. On peut être fier d’avoir une très bonne loi, d’avoir une instance indépendante qui veille à l’application et au respect de ce droit constitutionnel. Ce qui pose problème c’est l’implémentation de cette loi, la concrétisation sur le terrain. N’oublions pas que l’on a inscrit le droit d’accès à l’information dans la constitution. Toutefois il y a des défis d’application liés à l’héritage politique et social », dit-il à Gnet.

Il est certain qu’après des décennies de dictature, la démocratisation de l’accès à l’information demeure une idée subjective pour les citoyens tunisiens ; mais un combat de tous les jours pour les journalistes. Aujourd’hui, les professionnels des médias souffrent eux-aussi de la rétention d’informations. Un sujet au cœur des débats de cette édition 2018 des IPDC Talks.

L'IPDC Talks, ce jeudi 27 septembre à la Cité de la Culture.


Neji Bghouri, Président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens se confie à GNET. « On essaye d’exploiter cet évènement pour mettre l’accent sur les handicaps. Il ne suffit pas d’avoir une très belle loi, il faut l’appliquer. Jusqu’à maintenant les autorités publiques ne la respectent pas. Ils n’ont pas de sites internet adéquats, il n’y a pas de diffusion spontanée des informations. Or d’après la loi, chaque instance à l’obligation de désigner un responsable de l’accès à l’information pour justement faciliter la tâche à la fois aux journalistes mais aussi au citoyen lambda.
 
Les journalistes peuvent déposer plainte contre les instances qui refusent de délivrer les informations. Aujourd’hui nous en avons enregistré 350, seules 2 d’entre elles ont été déposées par des journalistes. Donc il y a aussi un effort à faire du côté des médias. L’information est la matière première du journaliste alors si l’accès n’est pas ouvert, il lui est  difficile de travailler dans de bonnes conditions », ajoute-il.

Même si la Tunisie est citée comme un exemple en termes législatif, de nombreux efforts restent à faire. A la fois du côté des pouvoirs publics mais aussi de la société civile. C’est dans ce sens que le 19 septembre dernier une plateforme en ligne a été lancée par l’Association Tunisienne des Contrôleurs Publics (ATCP) pour favoriser l’accès des citoyens à l’information. Elle est disponible à l’adresse www.informini.org. Ce projet répond aux dispositions de la loi. A ce jour 409 institutions se sont inscrites et 73 demandes déposées. Il s’agit peut-être du premier pas vers l’application effective de la loi.

 
Wissal Ayadi