Tunisie/Politique : S’achemine-t-on vers un AKP à la tunisienne ?

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Publié le Lundi 14 Novembre 2011 à 10:45
Ennahdha-CPR-Ettakatol , une coalition de centre-droit est née. Lecture dans les résultats des élections historiques du 23 octobre et émergence de la coalition Ennahdha-CPR-Ettakatol : S’achemine-t-on vers un AKP à la tunisienne ?

Tout d’abord, à tous ceux qui commenteront cet article par des insultes ou des répliques du genre "c’est des fantasmes ou c’est de la politique science-fiction!", comme ils l’ont fait pour mon article précédent sur ce même site intitulé  "Le cheikh et les deux médecins" deux mois avant le scrutin historique du 23 octobre, je dis que contrairement à Jules Vernes, l’inventeur de la science-fiction, je n’ai pas eu besoin d’attendre quelques décennies pour que la réalité vienne confirmer à la virgule-près mes "fantasmes".

Ensuite, aux autoproclamés "modernistes" qui ont imputé les résultats des élections et leur cuisante défaite non pas à leurs mauvaises stratégies mais aux tares du peuple "ignorant, inculte, sous-développé et arriéré", je dis que le peuple tunisien a administré, par le déroulement pacifique et civilisé de ses premières élections démocratiques sous les yeux du monde entier puis par les résultats, une leçon magistrale de maturité, d’intelligence qui frise, excusez mon chauvinisme, le génie collectif. Je m’explique :

Le peuple tunisien a adressé plusieurs messages pas trop difficiles à décoder à l'intérieur et à l'extérieur, dans la continuité de sa révolution exemplaire : Malgré les "faza3a" (peurs) de tous bords du péril islamiste, les Tunisiennes et les Tunisiens ont répondu par un vote massif au profit d’Ennahdha, CPR, Ettakatol et El Aridha, soient exactement les forces ou du moins les leaders qui n’ont pas joué sur les peurs islamistes comme en témoignent les retentissants "Je n’ai pas besoin d’insulter Ennahdha pour prouver ma modernité\" de Moncef Marzouki ou "Ennahdha n’est pas une obitha (monstre!)" de Mustapha Ben Jaafer.

A Nessma TV et Cie qui ont tout fait  jusqu’à quelques jours du scrutin et ont réussi à transformer les élections en un référendum identitaire, le peuple tunisien a répondu présent par son vote clair, net et précis qui traduit un premier message fort : "Nous sommes arabo-musulmans et nous le resterons. Notre identité est une ligne rouge qu’on ne joue pas avec ! Oui à toutes les libertés mais avec le respect des croyances de la société". Comme c’est d’ailleurs le cas dans les démocraties chrétiennes des USA, Pologne, Italie, Espagne ou la démocratie juive d’Israël, l’avortement est toujours interdit en Pologne et la polygamie est tolérée par l’église mormone aux Etats-Unis pour des considérations religieuses dans les deux cas. Dieu merci, il ne s’agit pas de pays musulmans, sinon nos laïcs et ceux d'outre-mer auront crié aux intégristes-obscurantistes-musulmans!

Par ailleurs, par son choix d’attribuer à Ennahdha le statut de principale force politique du pays mais sans une majorité de 50%+une voix, le peuple tunisien ne lui a pas signé un chèque en blanc. Il l’oblige même à travailler avec ses deux poursuivants qu’il a lui-même choisis : les partis de Dr Marzouki et de Dr Ben Jaafer, les deux médecins de gauche, militants et intègres, le sudiste et le beldi qui étaient de toutes les batailles pour la démocratie et les droits de l’homme dans ce pays depuis la fin des années 70, mais qui ont surtout dépassé les combats de coqs idéologiques de ces mêmes années 70 et l’adolescence politique héritée des années-université n’ayant pas quitté beaucoup de monde et que Zaba a utilisé dès la fin des années 80 pour frapper les islamistes puis réduire au silence ensuite toute opposition ou résistance démocratiques.

Je dirais ainsi que les Tunisiens qui ont imposé l’option de la coalition Ennahdha-CPR-Ettakatol, ont émis un deuxième message important : "Nous sommes certes des Arabo-musulmans, mais ouverts sur le monde et les valeurs universelles de la démocratie, de la liberté, de la dignité et de la citoyenneté pour lesquelles nous avons mené la révolution".

Le troisième message fort adressé par les Tunisiens à travers ce vote et notamment le choix des opposants historiques à Zaba et la disparition de la scène politique des RCDistes même déguisés en destouriens (sauf dans le sahel pour des appréhensions régionales évidentes de perte du pouvoir), est à mon sens leur volonté ferme d'une rupture totale et intégrale avec l’ancien régime dictatorial et mafieux.

Même le vote El 3aridha, comme l’a si bien expliqué Dr Moncef Marzouki, a une signification précise plus convaincante à mon avis que les considérations régionalistes ou tribales et les connexions RCDistes. Il s’agit là du quatrième message des élections avec un coup de gueule des couches populaires pour alarmer l’opinion publique sur leurs conditions de vie pénibles et l’urgence des réformes socio-économiques pour élever leur niveau de vie dans tout le pays et surtout dans les régions défavorisées de l'intérieur d'où la révolution a commencé. Ceci explique qu’un nombre non négligeable de nos concitoyens ont été sensibles et réceptifs à celui qui leur parlait de Londres de leur vécu, de leurs problèmes et leur vendait des solutions certes farfelues et populistes mais rêvées quand même par une partie du peuple comme des solutions de proximité, car expliquées avec des mots simples, alors qu’ils n’ont réservé aucun intérêt à ceux qui leur parlaient à longueur de journée et de plateaux de télé de constitution, de modernité et de laïcité, des thématiques éloignées des problèmes de tous les jours et de surcroit avec des mots techniques incompréhensibles …

Revenons maintenant à cette coalition qui se précise Ennahdha-CPR-Ettakatol, savez-vous que l’AKP turc d’Erdogan et Gull est au départ une coalition de centre-droit entre les islamistes d’Arbakan, les conservateurs laïcs souvent venus de gauche et les libéraux des milieux d’affaires.

Et si notre nouvelle coalition n’est pas un nouvel AKP à la tunisienne ! "Vous délirez! " j’entends déjà les insultes de nos soi-disant élites bien-pensantes toujours prisonnières des fractures idéologiques des années 60-70 et du carcan laïcisant français. Ces élites que les élections viennent prouver qu’elles n’ont rien compris à la révolution de leur peuple duquel elles sont de plus en plus éloignées comme d’ailleurs elles n’ont rien compris aux mutations stratégiques du monde dans lequel on vit.

Pour des raisons objectives qui n’ont rien à voir avec la science-fiction, moi je parie sur la réussite et même la pérennité de cette coalition naissante qui nous gouvernera pendant et après la constituante, même si la cote actuelle de cette thèse parait de 1 contre 11 millions dans les bookmakers de nos élites.

En effet, Ennahdha et les partis de Marzouki et Ben Jaafer ont en commun un attachement fort à l’identité arabo-musulmane. Marzouki et Ben Jaafer offriront à l’intérieur comme à l’extérieur une garantie contre tout retour en arrière en matière des libertés individuelles et égalité homme-femme qu’Ennahdha avec toutes ses bonnes volontés peine à apporter puisque étiquetée à tort ou à raison du double-discours.

Les positions sur l’égalité en matière d’héritage nous éclairent plus et nous prouvent que les frontières ne sont pas là où on les attend. Si aussi bien à El Mottamar qu’à Ettakatol, les opinions divergent à ce sujet, et pour cacher ces divergences, on affirme que ce n’est pas un sujet d’actualité brûlante, il n’en demeure pas moins vrai que Dr Ben Jaafer et une bonne partie du CPR pensent que le sujet est clos puisqu’il existe un texte coranique en la matière alors que Dr Marzouki et une bonne partie d’Ettakatol (ne cherchez pas l’erreur!) pensent que le sujet n’est pas tabou même avec des référents musulmans puisque Marzouki vient de déclarer dans une vidéo qui a fait le buzz pendant la campagne électorale, un avis personnel qui n’engage pas son parti paraît-il, que si le prophète était des nôtres, il aurait décrété l’égalité de l’héritage, mesure beaucoup moins révolutionnaire aujourd’hui qu’était à l’époque du prophète l’octroi du droit à l’héritage même de moitié à des filles dans une société patriarcale où on les enterrait vivantes.

Ceci pour dire que les défenseurs et les opposants par rapport à l’égalité de l’héritage dans ces deux partis le font à travers une lecture plus au moins ouverte des textes musulmans comme l’a fait Bourguiba avec le Code du Statut Personnel et non pas comme le font d’autres par une négation pure et simple de la jurisprudence musulmane.

Pour résumer, je crois beaucoup à une coalition : Ennahdha-CPR-Ettakatol que je qualifierai de centre-droit entre islamistes et conservateurs et qui pèse aujourd’hui 65% des voix à la constituante, soit une majorité confortable pour gouverner surtout que les programmes socio-économiques des 3 partis sont compatibles en prônant une économie libérale de marché avec une régulation de l’Etat dans le sens de plus de justice sociale et régionale. J’y crois également parce que ces partis sont aujourd’hui d’une certaine manière les héritiers naturels des 3 grandes oppositions marquantes au régime autocratique de Bourguiba : islamiste, yousséfiste et celle du MDS historique de Mestiri.

Cette coalition est viable et nécessaire pour la Tunisie avec un partage des 3 postes suprêmes de la transition (chef du gouvernement, président de la République et président de la constituante) entre les leaders Jebali, Marzouki et Ben Jaafer, d’autant plus que la relève me parait assurée avec des dauphins en embuscade de la trempe des excellents Samir Dilou à Ennahdha, Mohamed Abbou au CPR et Khalil Zaouia à Ettakatol.

Dr&Dr

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Commentaires 

 
+3 #20 Le rôle des femmes
Ecrit par Dr. Jamel Tazarki     05-02-2012 13:54
Le rôle des femmes :
Il y a une grande nécessité d’inciter davantage la femme tunisienne à participer sans contraintes dans le choix de nos représentants politiques lors des prochaines élections législatives (2012/2013). Les femmes tunisiennes ont toutes les compétences pour être des leaders afin d’assurer une représentation équilibrée au parlement. Les mauvais traitements qui ont été infligés à beaucoup de femmes tunisiennes ont ébranlé leur estime de soi et leur sentiment d’être capables de mener leur propre destin; et ceci non pas parce qu’elles ne voulaient pas prendre leur vie en main mais parce que ce contrôle leur a été retiré au moyen de la terreur et des mauvais traitements et même par la législation. Les élections à venir (au plus tard) au mois de juin 2013 seront la dernière chance afin que la femme tunisienne puisse se garantir un avenir meilleur et éviter l’esclavage et l’humiliation que veulent lui imposer certains hommes politiques. Nous vivons dans un pays où un grand pourcentage des hommes n’a pas encore conscience de l'importance et de la valeur de la femme et où ils pensent que tout est permis pour eux. Femme tunisienne, imaginez une seconde épouse qui couche avec votre mari dans votre maison. Aucune femme qui doit partager son mari n'est heureuse, il y a celles qui acceptent mieux que d'autres car elles n'ont pas d'autre choix, mais elles en souffrent comme toute autre femme en souffrirait! Il est encore temps de réagir contre la polygamie qui risque de vous être imposée et que vous aurez alors à accepter. Femmes tunisiennes, refusez la soumission, dites non dès maintenant à la polygamie et à la violence masculine, protestez collectivement en faisant le bon choix lors des prochaines élections législatives. Femme tunisienne, la seule personne qui peut garantir encore vos droits ne peut-être qu’une femme au pouvoir. Ne ratez pas cette dernière chance. Le seul moyen pour la femme tunisienne pour faire en sorte que la constitution garantisse les droits des femmes en égalité avec ceux des hommes est de voter et de soutenir par exemple Maya Jribi (du parti politique PDP). Elle peut et veut servir la cause de la femme tunisienne sans parler pour autant de féminisme. Elle est la seule capable de promouvoir la vraie démocratie en Tunisie.

L’avenir de la Tunisie dépend en particulier de la promotion du partenariat égalitaire entre hommes et femmes afin de parvenir à une société plus démocratique dans son ensemble. Femmes tunisiennes, vous devez apporter une contribution très active à l'accroissement du nombre des femmes aux postes de prise de décision. Il faut voter Maya Jribi (du parti politique PDP). Elle est l’une des rares personnes qui ont eu le courage et l’intelligence afin de gérer et de défendre la démocratie et la protection de la femme des abus de notre société. Femme tunisienne, les prochaines élections législatives sont votre unique et dernière chance afin de vous libérer des soumissions. Si vous ratez cette chance, préparez-vous alors au pire et aux hostilités et ne dites pas après que l’on ne vous a pas prévenue. Le partage égal du pouvoir et des responsabilités entre les hommes et les femmes est l'une des conditions d'une société tunisienne juste. Il est temps, femme tunisienne, de vous mobiliser et de prendre conscience du rôle que vous devez jouer pour contribuer efficacement à la reconstruction de la Tunisie. Sans votre présence dans tous les domaines et dans tous les secteurs de la vie nationale tunisienne, la Tunisie n’a pas d’avenir. Si la Tunisie est un peuple à grande intelligence, c’est d’abord grâce à la femme tunisienne. Elle a un potentiel énorme qu'il importe de consolider dans l'intérêt de la cohésion nationale. La femme tunisienne et en générale plus intelligente que l’homme tunisien et sont très peu malheureusement ceux qui sont prêts à accepter ce fait. 60% de nos parlementaires masculins ne sont pas dotés des compétences et d’intelligences nécessaires pour mener à bien leurs tâches de parlementaire. La participation de la femme tunisienne ne peut qu’affecter positivement la bonne gouvernance de notre pays et améliorer l’image du Tunisien à l’échelle international. Femme tunisienne, l’urgence est là afin de prendre conscience de l'importance de votre rôle dans les élections législatives prochaines et plus précisément dans la campagne électorale. Je vous conseille de voter Maya Jribi (du parti politique PDP) afin de garantir non seulement à la femme tunisienne un avenir meilleur mais aussi à la Tunisie. Maya Jribi (du parti politique PDP) est d’une très grande culture et d’une rare intelligence. Elle est de loin la plus intelligente de tous les politiciens tunisiens. La seule stratégie à adopter par la femme tunisienne dans cette compétition politique est de faire le bon choix des personnes politiques qui peuvent garantir sa liberté afin de jouer un rôle actif dans la reconstruction de la tunisien, d’éviter l’hostilité, la soumission dans les décénies à venir et de mettre fin aux stéréotypes relatifs aux rôles distincts des hommes et des femmes dans notre société. Femme tunisienne, vous êtes aujourd’hui en position de force afin de le rester durant les décénies à venir. Ne vous laissez pas manipuler par de fausses promesses. Femme tunisienne, faites le bon choix et choisissez Maya Jribi (du parti politique PDP) afin de mettre fin à la discrimination de la femme. Elle est la seule qui peut faire sortir notre pays de la crise socio-économique et qui peut représenter avec intelligence notre pays sur le plan diplomatique avec les pays du monde entiers.

Il est évident que la femme tunisienne doit soutenir la réussite de Maya Jribi (du parti politique PDP) et fassent en sorte qu’elle assurera la présidence de la Tunisie. Femme tunisienne, c’est vous qui décide du sort de nos politiciens et de la Tunisie par votre choix lors des prochaines élections législatives (2012/2013). Ne ratez pas cette dernière chance!

Dr. Jamel Tazarki
www.go4tunisia.de
Allemagne
 
 
+3 #19 RE: Tunisie/Politique : S’achemine-t-on vers un AKP à la tunisienne ?
Ecrit par el manchou     23-11-2011 21:49
Erdogan a parlé d'Ataturk en tant que premier ma5lou3 ???
 
 
+1 #18 Très mauvais article!!
Ecrit par Nabil El Ghali     20-11-2011 01:39
Beaucoup de propagande en faveur du parti au pouvoir!!
Je me suis arrêté à cette phrase qui est un mensonge:
''Ensuite, aux autoproclamés "modernistes" qui ont imputé les résultats des élections et leur cuisante défaite non pas à leurs mauvaises stratégies mais aux tares du peuple "ignorant, inculte, sous-développé et arriéré"

Le modernistes n'ont jamais insulté le peuple par contre c'est jebali qui a dit a la télé que ceux que le peuple était ignorant.
 
 
-3 #17 @Dali
Ecrit par lecteur     18-11-2011 14:55
Bourguiba a volé le pays et vendu de la drogue!!!!!!!! c'est ça les arguments des néo nahdhaoui? malla johhél
c'était un dictateur, oui. mais c'est grace à lui qu'on est le pays arabe le plus avancé
 
 
-2 #16 RE: Tunisie/Politique : S’achemine-t-on vers un AKP à la tunisienne ?
Ecrit par hammadi     18-11-2011 10:55
@Dali : c'est jebali himself et rached kherriji qui l'ont dit dans une conférence de presse après le 14 janvier : oui ce sont bien des gens d'ennahdha qui ont commis ces attentats et ils ont tenté de justifier ces actes par la répression, bla bla bla
 
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