Tunisie/Egalité Homme-femme dans la constitution : Un vrai faux débat

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Publié le Mardi 14 Août 2012 à 12:04
Dernière mise à jour, le Lundi 20 Mai 2013 10:37
Par Nader GHAZOUANI*
L'égalite homme/femme fait débat en Tunisie. «Les chemins de l’enfer sont parfois pavés de bonnes intentions». Le débat relatif au projet de l’article de la future constitution ayant trait à la complémentarité ou l’égalité entre hommes et femmes en est une illustration. Ce débat qui s’instaure, risque non seulement de perdurer mais de s’amplifier et de détourner ainsi l’attention des vrais problèmes du pays à savoir le chômage, la sécurité et le déséquilibre régional. On a cru candidement qu’une fois la vive controverse à propos de l’adoption de la Chariaa comme source de droit est surmontée, les intentions vont désormais être focalisées sur ces vrais problèmes en tournant le dos une fois pour toutes au protagoniste idéologique. Mais peine perdue, une nouvelle bataille de cet ordre semble s’installer ayant comme point de discorde la femme. C’est pourquoi on est en droit de se demander si décidément la femme tunisienne est devenue le cheval de Troie à la fois dans son acception ancienne que récente. L’on se rappelle qu’autre fois les grecs incapables de prendre d’assaut la ville de Troie malgré un siège de dix ans ont eu recours à la ruse pour s’en emparer, pour ce faire ils construisent un cheval géant en bois où un groupe de soldats est caché. Un espion réussit à convaincre les troyens d’accepter l’offrande. Pour célébrer cet évènement une grande fête a été organisée autour de ce précieux présent. Lorsque l’alcool a fait son effet, les grecs sortirent du cheval, ouvrèrent les portes permettant ainsi à leur armée d’y accéder et de s’emparer de la ville.

L’égalité serait-elle pour la femme cette espèce de cheval en bois qu’on lui présente comme un merveilleux cadeau mais qui s’avèrerait être une malédiction ?

A l’heure actuelle, le cheval de Troie sert à désigner dans le domaine de l’informatique un logiciel d’apparence légitime mais conçu en réalité pour l’exécution d’action malveillante à l’insu de l’utilisateur. L’égalité serait-elle ce virus occulté sous une apparence séduisante mais trompeuse.

Le débat entre les défenseurs de l’égalité homme – femme et ceux de la complémentarité nous semble en tous cas obsolète et suranné. En plus les intentions qui le sous-tendent ne sont pas innocentes. Il semble malheureusement servir de prétexte pour les uns pour taquiner leurs adversaires politiques.

A dire vrai, les défenseurs de l’égalité se trouvent apparemment dans une situation confortable par rapport à ceux qui soutiennent la complémentarité. Qui de nous n’est pas pour l’égalité de tous les citoyens tunisiens quels que soient leurs sexes, leurs couleurs ou leurs convictions politiques et religieuses.  Par conséquent le fait de ne pas soutenir l’égalité serait une aberration.
Cependant les arguments qui militent en faveur du principe de l’égalité ne  sont que des arguments spécieux et trompeurs en dépit de l’illusion de vérité. Il suffit pour s’en convaincre de s’interroger sur le contenu du principe de l’égalité homme – femme et de son apport dans la constitution à partir du moment où le projet de la constitution retient le principe de l’égalité de tous les citoyens. Il semble vraisemblablement que l objectif réel visé  est d’assurer l’égalité des deux sexes en matière d’héritage. S’agissant d une réalité vécue et grâce à Bourguiba la femme est sans nul doute l’égale de l’homme dans tous les domaines (enseignement, emploi, salaire...).  Personne ne peut prétendre le contraire.

Quant à la seconde tendance qui prône la complémentarité à la place de l’égalité, elle se met certes dans une position délicate. Au-delà du jeu de mots, la complémentarité laisse supposer une certaine inégalité au détriment de la femme. Mais si on envisage avec objectivité les incidences de l’adoption de l’un ou de l’autre de ces principes, il semble que paradoxalement l’introduction du principe d’égalité est foncièrement préjudiciable à la femme pour les raisons suivantes :
•        La femme tunisienne sera tenue en cas de besoin de payer une pension alimentaire à son mari et à ses enfants au cours de la vie commune ou après le divorce. Elle perdrait ainsi un avantage certain au profit de l’homme.
•        Passé un certain délai, le non paiement de la pension alimentaire par la femme est constitutif du délit d’abandon de famille. Elle s’exposerait ainsi au risque d’être condamnée à une peine d’emprisonnement ferme et ne pourrait y échapper que par le paiement effectif de ce qui est dû au mari ou aux enfants. Pourtant un tel traitement n’est applicable aujourd’hui qu’à l’homme.
•        Le principe d’égalité commande également que les deux époux soient traités sur le même pied en ce qui concerne les indemnités réparatrices dues à la suite d’un divorce. Alors qu’actuellement la femme jouit de toutes les faveurs.
•        Si après un divorce, la garde des enfants mineurs est attribuée au mari, la femme doit lui procurer un logement ou lui payer un loyer adéquat.
•        En cas de divorce à la demande de la femme, le mari pourrait réclamer le paiement d’une rente viagère en guise de réparation de son préjudice matériel. Le non paiement par la femme d’un terme de cette rente pourrait l’exposer à des poursuites pénales passibles d’une peine d’emprisonnement.
•    L’obligation de faire le service militaire, qui ne concerne autrefois que les hommes
•    La femme devra effectuer son service militaire dans les mêmes conditions que l'homme. D’autant plus qu’effectuer son service militaire constitue un devoir national des plus nobles.

Face à ces fâcheuses conséquences  pour la femme du traitement égalitaire des deux sexes, l’égalité en matière de succession en vaut-elle vraiment la peine ? D’autant plus que l’égalité dans l’héritage entre l’homme et la femme n’a jamais posé de problème dans la société tunisienne, ceux des parents qui optent pour un partage équitable de leur succession pourront librement le faire de leur vivant par donation. Ainsi l’inégalité pourrait être aisément contournée. Le sort de la succession ne dépendra en fait que de leur libre choix.  D’autre part, ce principe est en contradiction avec le fameux article du projet de la constitution unanimement accepté par toutes les sensibilités politiques en vertu duquel l’Islam est la religion de l’Etat. Par ailleurs il serait déraisonnable d’ignorer   cette réalité sociale et culturelle ancrée dans les esprits depuis des siècles dans nos sociétés arabo-musulmanes et  que l’égalité mathématique est susceptible de choquer par respect du livre saint lequel a expressément organisé le partage  de la succession. Il convient enfin de relever que ni avant ni au cours ni après la révolution l’égalité dans l héritage n a fait l objet d’une quelconque revendication sociale. Elle est demeurée il est vrai comme un slogan que certains intellectuels brandissent pour incommoder ceux qui ne partagent pas leurs convictions idéologiques.

Au terme de cette brève analyse, la polémique soulevée à propos de l’égalité homme – femme ou de leur complémentarité est devenue à notre sens sinon obsolète du moins dépourvue de tout intérêt. Ceux qui persistent à la faire perdurer au détriment des vrais problèmes récurrents qui préoccupent les tunisiens n’auront d autres excuses que de privilégier leurs intérêts purement idéologiques et politiques. Il serait si tel est le cas mus par des motivations égoïstes. On dira que certains élus pourraient viser le report de l’échéance des travaux de l’ANC afin de conserver leur statut de constituants et les privilèges qui s’y attachent. D’autres seraient animés par un engagement idéologique et guetteraient tout « dérapage » de leur ennemi politique .il n’est pas non plus exclu que certains voudraient simplement s’adjuger le statut de féministes alors que nous vénérons tous nos mères et nous aimons bien nos femmes, nos filles et nos sœurs. La femme tunisienne n’est ni « un objet » politique ni un sujet idéologique, c’est une « et j’allais dire » un citoyen normal. En tout cas  la défense des droits des femmes est un combat continu qui ne se gagne pas par des textes figés ou des débats politiciens mais en œuvrant pour  le changement des mentalités et des comportements loin des querelles partisanes et politiciennes.


N.G.
*Nader GHAZOUANI : universitaire, agent général d’assurance, cofondateur Forum Afkar.

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Commentaires 

 
+2 #11 Oui l'égalité
Ecrit par Godefroy     21-08-2013 06:57
A vouloir nous convaincre que les opposants à la constitution sont trop formalistes vous nous développez un plaidoyer en faveur de l'air du temps.
Passons sur "l'islam religion d'Etat" qui ne vous parait ^soulever aucune question tant cela irait de soi pour tous et chacun en Tunisie.
Vous nous enfilez, après cela, nombre de cas-hypothétiques pour l'heure- qui montreraient ce les femmes perdraient à bénéficier de l'égalité, et les contraintes qu'elles auraient à assumer.
En somme, les femmes n'auraient nul sujet à formuler des questions à la société tunisienne tant elles y seraient
regardées égales et traitées dignement.
C'est si beau,qu'un homme tunisien, comme moi,attaché aux libertés n'aurait rien à en dire.
La réalité de la société tuniseinne est autre.
Avec les islamistes au pouvoir, cela commande la vigilance.
Nous n'avons pas vu la Chariaa inscrite comme valeur constitutionnelle,mais il n'est pas fini le débat sur les libertés en général. Les libertés spécifiques aux femmes étant à regarder au sein de cet ensemble.
 
 
+2 #10 complémentarité?
Ecrit par fremiot     26-05-2013 18:55
nous sommes tous complémentaires les uns des autres: vieux, jeunes, manuels, intellectuels etc ça va sans dire. Le dire pour les femmes n'est pas innocent de la part des partis religieux, c'est le préalable d'une discrimination, cest la duplicité théorisée par Al Banna
 
 
+2 #9 exelent c'est l'Egalité qu'il faut
Ecrit par Ahmed     18-09-2012 21:30
Ce n'est pas une mauvaise chose, tout les citoyens doivent être égaux en droits et en devoirs, de plus les femmes tunisiennes devront ainsi pour celles qui ne l'ont pas encore fait, s'ouvrir au reste du monde et faire profiter à la Tunisie de leurs capacités intellectuelle; Elle seront obligée pour plusieurs à devenir plus autonome aussi bien sur le plan financier que professionnel, ce qui arrange grandement les intérêts de la Tunisie.
 
 
-2 #8 architecte
Ecrit par amor     03-09-2012 09:10
La crispation sur un mot est le travers des formalistes, pour qui un écrit prime sur la réalité vécue. La femme tunisienne a fait largement ses preuves dans sa remarquable contribution à la société civile. Il y a encore à faire, bien sûr, c'est un combat de chaque instant contre ceux qui confonde (volontairement ! ) la lettre et l'esprit. Méfions nous des donneurs de leçons. Le respect de l'autre, homme ou femme, et me respect de soi, commence dans notre propre comportement avec notre entourage. La Tunisie dans bien des domaines humains n'a pas de conseils à recevoir, mais contribue à sa manière au développement de l'humanité.
 
 
-1 #7 DIEU
Ecrit par PROPHETE     22-08-2012 09:44
protagoniste idéologique ....Qui de nous n’est pas pour l’égalité de tous les citoyens tunisiens quels que soient leur sexe......vous ecrivez........ DONC ne plus tenir compte de la notion du sexe feminin et sexe masculin quelque chose que l occident a tout fait pour y aboutir , but se servir de tout le monde hommes et femmes pour produirepour les richent , resultat l apparution de deux nouvelles notions :homme mais pas vraiment homme et femme mais pas vraiment femme ,ou bien homme feminin et femme masculin (les etats unies d ameriques est le meilleur exemple) .la joie n a pas de place dans des societes pareilles , les valeurs il n y en a plus ,le culte de l argent ,homosexualite( hommes et femmes) pedophelie , criminalite, consommation en exces d alcohol et de stupefiants , des calmants tous les jours , la sensation de l insecurite , la peur ECT ECT ECT.seule chose que ce pauvre peuple tunisien sait c est l image que ces pays veulent nous envoyer pour nous mentir et nous faire sentir que nous ne sommes pas heureux et cela pour des raisons coloniales ,de dominance de suppremacy ...d arrogance ..d exploitation..
Cher mr toutes les religions , judaism christianism et islam ont donne a la femme une certaine definition et un role a faire dans cette vie (le meme dans toute les religions) , faire comme vous nous inciter a faire c est contre religion c est contre dieu ....si j aurai a choisir je suivrai la proposition de dieu...JE SERAI BAUCOUP PLUS HEUREUX , JOYEUX ET TRANQUILLE. etre un pion dans un jeu fait par les autres ,je consideres celas la pire des choses, meme si on est bien paye....
 
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