Tunisie, faut-il revenir au diktat d’un parti unique appelé Ennahdha ? |
Publié le Jeudi 01 Décembre 2011 à 10:49 |
Environ 55% des Tunisiens se sont exprimés le 23 Octobre. Selon les résultats provisoires, le parti Ennahdha a été le grand vainqueur en attirant le vote de 37% parmi les votants et celui d’environ 20,6% des Tunisiens globalement. Ce parti a raflé 90 sièges soit 41,5% de l’ensemble des 217 sièges mais et c’est important, grâce au mode de scrutin adopté, il ne dispose pas, à lui tout seul, de la majorité absolue. Malgré toute leur bonne volonté, le gouvernement temporaire, la haute instance présidée par M. Yadh Ben Achour et l’ISIE n’ont pas pu mettre en place un système garantissant une parfaite équité entre les listes candidates pour cette échéance électorale capitale. Certains partis comme Ennahdha sont fortement suspectés d’avoir bénéficié d’un financement illégal. Les médias locaux ont couvert plus largement un parti donné aux dépens des autres. Au niveau des médias étrangers, Al Jazira bien qu’elle ait fourni un relais à la révolution tunisienne, a sensiblement déçu. Al Jazira a défendu le parti Ennahdha et une vision totalement pro-théocratique. Les rapports des observateurs ont mentionné des malversations commises (certaines ressemblent à l’époque du RCD; d'autres sont nouvelles avec la propagande nahdhaouie dans les mosquées) par différents partis. Sur le long terme, les tunisiens devront exiger que les futures élections à organiser par l’ISIE ou toute autre instance indépendante soient plus respectueuses des règles de la démocratie avec un code électoral comportant des sanctions rapides et exemplaires pour tous les tricheurs. Ceci dit, la tendance est là, le peuple a voté (à tort ou à raison) en majorité pour Ennahdha et ce parti sera là pour les prochaines années. Plusieurs éléments expliquent ce vote : - Le parti Ennahdha est le seul (avec le défunt RCD et les syndicalistes de l’UGTT) à avoir toute une organisation et une structure avec des adhérents et des sympathisants dans chaque coin de la Tunisie depuis quasiment l’indépendance. Ce parti est le seul à avoir fait du porte à porte partout en Tunisie et a promis monts et merveilles aux Tunisiens ; - Le parti Ennahdha a réussi à focaliser le débat sur notre identité arabo-musulmane tout en évitant les débats sur les autres sujets comme l’économie. Ennahdha a fait passer un faux message aux électeurs: Ennahdha défend l’islam (alors qu’il est pour la charia : une interprétation erronée et obscure de l’islam) contre les autres partis, les mécréants qui (selon Ennahdha) défendent les homosexuels et les lesbiennes; - La non connaissance des tunisiens du vrai Islam, l’islam des lumières. Tout a été fait pour étouffer les messages des intellectuels tunisiens comme Mr Mohammed Talbi, Mme Olfa ben Youssef, etc ; - De même, les artistes n’ont pas su ou pu, vu le court laps de temps, apporter un éclairage en ligne avec les attentes de la société tunisienne actuelle; - Ennahdha a promis aux gens de rompre avec les méthodes de l’ancien système : corruption, malversation, etc. Certains partis créés avant le 14 Janvier ont été médiocres sur ce plan et n’ont même pas investi leurs militants, ceux qui ont souffert sous Ben Ali. Le peuple les a durement sanctionnés. Dans la pratique, Ennahdha a aussi failli à cette promesse vu les méthodes utilisées lors des élections; - La multiplicité des listes candidates et l’inexistence d’une vie politique en Tunisie. Environ 33,7% des votants se sont déplacés pour rien : Ils ont donné leur voix à une liste qui n’a pas eu de siège dans leur circonscription. En même temps, à peu près le même pourcentage de votant (37%) a permis à Ennahdha d’avoir 90 sièges. Au vu de ces élections, l’échiquier politique est plus simple et peut être analysé sur deux axes : - Un premier axe ou certains partis sont pour des institutions théocratiques (comme Ennahdha) et les autres (ils sont majoritaires) sont pour des institutions civiles modernes et progressistes (CPR, Ettakattol, PDP, PDM, Afek,…). - Un second axe classique en retrouvant des partis plutôt de droite (comme Ennahdha, …) et d’autres plutôt de gauche ou centre gauche (comme CPR, Ettakattol, PDP, PDM, POCT, …) Pour faire vivre la démocratie, il faudrait avoir (si possible) d’ici un an (en vue des prochaines échéances électorales législatives et présidentielles) un ou deux autres partis ou blocs de partis aptes à proposer une alternative à Ennahdha. Un énorme travail attend les forces progressistes et modernistes pour espérer obtenir des scores autour de 20-30%. A défaut, la révolution tunisienne aura simplement permis de remplacer le parti unique RCD par un autre parti unique Ennahdha qui conduira à terme aux mêmes dérives. Ennahdha lance actuellement un appel aux autres listes pour les rejoindre afin de bâtir la nouvelle Tunisie. Pour quel programme ? Pour quel projet de société ? Faut-il que ces listes renoncent à leurs propositions, à leurs principes et renouent avec la politique du parti unique ? Ennahdha est minoritaire sur quelques points qui seront débattus lors de la rédaction de la constitution: - Ennahdha pousse vers des institutions théocratiques basées sur une interprétation erronée et sombre de l’Islam : la charia. Les autres listes représentant une majorité sur ce point sont pour une société civile moderne, progressiste et ouverte. Toute les listes s’accordent que la Tunisie est un pays arabo-musulman et que l’Islam n’est pas la propriété d’Ennahdha. Certaines listes ont eu tort de ne pas le clamer haut et fort lors de ces dernières élections. - Ennahdha propose que le futur président de la république (ainsi que le président de la Cour constitutionnelle, de la Cour des comptes) soient élus par le parlement. Les autres listes représentant une majorité sur ce point sont pour une élection du président de la république au suffrage universel et direct. Les débats au sein de cette assemblée constituante seront assez instructifs. Est-ce que le CPR et Ettakattol qui ont tout fait pour éviter la confrontation avec Ennahdha pour l’instant vont faire profil bas ? Est-ce qu’ils vont accepter des postes éphémères (président ou ministre temporaire pendant un an) au dépens de leurs idéaux ? Au niveau du futur gouvernement temporaire et au niveau législatif, des décisions sont requises immédiatement pour relancer le pays. Le budget de 2012 est à voter d’ici la fin de l’année. Ennahdha est pour un système économique libéral qui va encore favoriser les riches en Tunisie. Alors que CPR, Ettakattol, PDP, PDM, POCT sont pour une politique plutôt de gauche ou centre gauche tendant vers un meilleur partage des richesses entre les couches sociales défavorisées et les couches aisées. Est-ce que le CPR et Ettakattol vont laisser tomber la couche moyenne et les défavorisés ? Enfin, toute politique a besoin de création de richesses. L’annonce de la victoire d’Ennahdha a envoyé un signal négatif aux acteurs économiques tunisiens et étranger. Malheureusement, il sera dur pour la Tunisie d’attirer les investisseurs, les touristes, etc. Les messages et décisions d’Ennahdha sur les libertés individuelles, la situation de la femme, l’ouverture à l’Europe et au monde globalement, le plan économique, etc. seront scrutés de très près. Les récentes annonces en faveur de la polygamie, l’arabisation sont déjà mal perçus. Est-ce que le CPR et Ettakattol vont offrir un simple paravent pour apaiser les peurs aussi bien des tunisiens que des étrangers ? La société civile, les ONG nationales et internationales, les médias doivent rester vigilants et auront à dénoncer (comme à l’époque de Ben Ali) les travers d’Ennahdha et du futur gouvernement. Les futurs choix et décisions qui seront prises aussi bien par l’assemblée constituante (assurant aussi un rôle législatif) et l’exécutif doivent être pris d’une manière consensuelle. Sur chaque sujet, sur chaque aspect, la contribution de chaque parti et chaque acteur est d’expliquer et d’argumenter ses propositions. Conformément aux règles démocratiques, la majorité (pas forcément la même) aura à décider et sera responsable face aux tunisiens et à l’histoire de ces choix. Pour éviter une nouvelle révolution, il serait bien de faire appel au peuple par référendum pour trancher sur les sujets non consensuels lors de la rédaction de la constitution. Tunisien Fier
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Commentaires
Ecrit par TUNISIEN HORR 04-12-2011 22:04
Ecrit par Optissimiste 02-12-2011 08:19
Ecrit par free 02-12-2011 06:38
Ecrit par khammous 01-12-2011 21:57
Ecrit par citoyen 01-12-2011 17:19
J'ai rien compris.