Tunisie : Et si malgré tout, la troïka serait en train de réussir !

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Publié le Mardi 02 Avril 2013 à 11:31
La troïka, Tunisie. On lui a tout prédit depuis le 23 octobre 2011 : un échec cuisant sur toutes les lignes, une faillite retentissante, la rupture des négociations-fleuves, le divorce et la fin du ménage à trois, l’explosion interne, le suicide politique, la mort clinique et d’autres scénarii encore plus sombres les uns que les autres, pensés, expliqués et exposés "brillamment", matin et soir, sur les plateaux des radios et des télévisons par des "experts" omniprésents, des spectateurs en costumes-cravates trois pièces, avisés et "intelligents" dont la capacité de critique systématique n’a d’égal que chez leurs confrères qui analysent le foot confortablement assis sur leurs fauteuils...

Et pourtant, malgré les conflits internes parfois naturels et souvent téléguidés, malgré les attaques quotidiens et la guerre sans merci déclarée à son encontre par les médias, la troïka est toujours là... Mieux encore, elle arrive à surpasser les obstacles et à avancer lentement mais sûrement dans la bonne direction. Bref, une chronique d’une fin annoncée sans cesse reportée. Décidément, les cordes de la troïka se tendent mais ne rompent jamais.…

A ceux qui prédisaient qu’elle ne survivrait pas à l’été 2012 et les affaires de Baghdadi Mahmoudi et le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, puis au premier anniversaire des premières élections libres de l’histoire du pays dont une partie aurait voulu en faire la fin de la légitimité de l’Assemblée Nationale Constituante, et ensuite à l’assassinat odieux du martyr Chokri Belaid le 6 février 2013 où la même partie à réappelé  à renverser la légitimité de l’assemblée des élus du peuple, la troïka a infligé démenti sur démenti et surprend même par sa résistance et sa capacité à encaisser les coups.

Les trois partis qui la composent ont appris en à peine un an à composer, négocier, travailler ensemble parfois dans la douleur, gérer leurs différents et arriver surtout, in extremis, à des compromis, des synthèses, des concessions de part et d’autre et des accords au juste-milieu de l’échiquier politique, là où se gouverne le pays, contrairement à une opposition toujours prisonnière de ses convictions figées. L’expérience d’une année a montré que le mérite des alliés d’Ennahdha, le CPR et Ettakatol, souvent chèrement payé, est d’amener par le dialogue le parti majoritaire à des concessions souvent douloureuses qu’il ne concédait pas à ses adversaires.

C’est ainsi que le gouvernement de la troïka II d’Ali Laarayadh renforcé par des compétences indépendantes unanimement reconnues a été investi par une majorité de près des deux tiers des 217 membres de l’Assemblée Nationale Constituante et de 70% des présents lors d’un vote de confiance comme dans les plus vieilles démocraties du monde. Une majorité confortable qui a surpris et mis en colère jusqu’à ne pas se lever à l’hymne national, parce qu’elle va largement au-delà du poids arithmétique cumulé des trois partis de la troïka grâce au soutien d’autres blocs parlementaires qui ne marchent plus désormais dans la logique de s’opposer pour le simple plaisir de s’opposer, développée par une certaine opposition dite démocratique depuis les élections du 23 octobre 2011.

La troïka mènera certainement à terme l’actuelle phase de transition démocratique jusqu’aux prochaines élections, voire plus si affinités et si Dieu puis le peuple le veulent.

Pas si mal que ça le bilan !

Convaincu par la force des choses et des médias de l’échec "par trois" du gouvernement de la troïka I, je n’ai pas pu résister à énumérer les principaux résultats économiques "noirs" de son bilan, chiffres de l’Institut National des Statistiques et de la Banque Centrale de Tunisie à l’appui :

-Une croissance économique de +3,6% en 2012 contre -2% une année auparavant ;
-La création de plus de 100 mille emplois dont 85 mille dans le privé, une première dans l’histoire économique du pays ;
-Une progression des investissements directs étrangers, moteurs de la croissance de demain, de plus de 20% ;
-Une progression en 2012 de tous les indicateurs du tourisme d’au moins de 30% ;
-Une année record pour l’agriculture et l’agroalimentaire ;
-Une reprise des exportations des industries manufacturières, une maîtrise des importations et par conséquent du déficit de la balance commerciale de l’Etat ainsi qu’une consolidation des avoirs en devises au cours des deux premiers mois de 2013.…

Et pourtant, elle tourne donc…notre économie, et ce, par la réalité des chiffres, malgré les rudes difficultés de la conjoncture nationale et internationale, la faillite qui rode selon nos médias et l’échec cuisant annoncé par nos brillantissimes experts. Exactement, comme tournait la terre pour Galilée, malgré l’opinion contraire et l’arbitraire de ses inquisiteurs.

Sur le plan politique et libertés, inutile de faire de la littérature, tout visiteur objectif et impartial, qu’il soit allemand, belge, scandinave ou américain, reconnaît aisément que la Tunisie est aujourd’hui une démocratie naissante sur la bonne voie malgré les embauches du parcours. Dans ce domaine, on ne fait pas mieux ailleurs dans les pays en voie de développement et même dans certains pays développés. Force est de constater que le président et le gouvernement tunisiens sont aujourd’hui  parmi les exécutifs au monde les plus librement critiqués, voire insultés intra-muros et en plein air.

Que nos honorables "experts" me pardonnent, la troïka, en un an d’exercice du pouvoir, n’a pas à rougir de son bilan économique et politique au vu des difficultés actuelles et des attentes immenses de nos concitoyens. Reste que la situation sociale et le niveau de vie ne se sont pas améliorés deux ans après la révolution. Et le contraire aurait vraiment surpris au vu des grandes et longues réformes structurelles que nécessitera l’amélioration de la situation socio-économique, notamment dans les zones défavorisées et la rupture avec un modèle de développement non équitable hérité de 60 ans de dictature.

Pourquoi donc la troïka est si malaimée par une certaine élite ?
La question qui s’impose donc est la suivante : Pourquoi la troïka est, à ce point, malaimée par une certaine élite autoproclamée démocrate et moderniste.

La raison fondamentale, à mon avis, est que pour une certaine élite certaine de détenir la vérité, la troïka a son péché originel : Il s’agit d’une alliance contre-nature, dit-on, entre laïques et islamistes. Intellectuellement, elle dérange profondément une élite bourgeoise, bien installée dans ses convictions, parce qu’elle rompt avec sa vision simpliste du monde à travers le prisme du clivage idéologique net entre les "bons modernistes" et les "méchants intégristes", hérité de son adolescence politique à l’université des années 70-80. Ce clivage idéologique, rappelons-le, a été exploité par la dictature pour s’installer tout d’abord, avec l’aide d’une partie de la gauche, puis pour justifier, ensuite, à l’intérieur comme à l’extérieur, le déficit démocratique et la pérennisation d’un pouvoir corrompu se présentant comme seul rempart contre le péril intégriste.

Pour une certaine élite autoproclamée démocrate et moderniste, cette alliance contre-nature serait une menace à la démocratie et à la modernité, alors que pour beaucoup d’observateurs, en Tunisie et ailleurs, cette alliance entre islamistes modérés et laïques modérés qui permet le dépassement des idéologies, en alliant identité, démocratie et libertés, est un exemple "révolutionnaire" à suivre de près parce qu’annonciateur justement de la postmodernité. Et en la matière, la Tunisie serait ainsi un laboratoire à ciel ouvert pour le monde arabe et peut-être même pour le monde tout court.

Pour une certaine élite soucieuse de protéger ses acquis matériels et ses suffisances intellectuelles, Dr Moncef Marzouki et Dr Mustapha Ben Jaafar seraient des traitres qui ne feraient plus partie des leurs, parce que ces deux hommes, supposés issus de cette élite et formés à son "école", auraient osé dépasser les carcans idéologiques et sortir des sentiers battus, comme ils étaient avant la révolution parmi les premiers à oser défier courageusement la dictature.

Voici, en effet, deux hommes issus d’une famille saharienne plutôt yousséfiste pour l’un et d’une famille tunisoise plutôt bourguibienne pour l’autre. Deux militants qui ont été de tous les combats historiques pour la démocratie et les droits de l’homme dans ce pays depuis les années 70, contre la dictature de Bourguiba puis celle de Ben Ali, au sein de la ligue tunisienne des droits de l’homme et ailleurs. Deux médecins ayant fait toute leur carrière médicale dans la santé publique qui soignent le peuple loin des milliards défiscalisés de la médecine "commerciale" privée. Deux personnalités et deux styles différents mais qui ont choisi après les élections du 23 octobre de s’allier aux islamistes modérés, au-delà des frontières idéologiques, dans un gouvernement d’union nationale ou d’intérêt national, selon leur appellation respective, pour bâtir ensemble une nation démocratique et un Etat moderne de droit et des libertés, respectueux de son identité arabo-musulmane.

Voici, en fin de compte, deux Tunisiens certes francophones et francophiles, mais qui choisissent consciemment de s’affranchir des lignes rouges de la laïcité à la française.

Et si la troïka devient front ?
Malgré ce désamour d’une certaine élite, la troïka où la coalition entre laïques modérés et islamistes modérés doit continuer son chemin vers la vraie modernité loin des conflits idéologiques stériles, réducteurs et destructeurs hérités d’un passé révolu. Elle doit, à mon sens, continuer au-delà des prochaines élections pour concrétiser son projet-rêve d’une Tunisie démocratique ouverte à tous ses concitoyens, quelque soient leurs croyances, régions ou catégories sociales.

La troïka née coalition conjoncturelle doit réussir sa reconversion en une alliance stratégique basée sur un contrat-programme où chaque parti, fût-il dominant par le nombre, apprendra à respecter, vivre, coopérer et travailler en intelligence avec les autres. Lors de la dernière crise, Ennahdha a certainement compris qu’affaiblir ses deux alliés équivaut à son propre affaiblissement étant donné que les tentatives pour isoler le parti islamiste commencent inévitablement par les attaques contre Ettakatol et le CPR. C’est pourquoi, une coordination de tous les instants est plus que nécessaire au sein de la troïka en faveur aujourd’hui de l’action gouvernementale, de nominations concertées et de prises de décisions collégiales, et demain d’un éventuel front électoral, si bien sûr, le futur mode de scrutin le permettra.

Un front électoral de la troïka aura l’avantage de donner un choix rassembleur où se reconnaîtront islamistes modérés et laïques modérés qui croient dans le projet national de cohabitation pacifique, basé sur des programmes politiques et socioéconomiques pour réaliser les objectifs de la révolution et en premier lieu la liberté, la dignité et la justice. Ce choix rassemblera des couches sociales importantes, citadines et rurales, aisées et défavorisées ainsi que des élites tunisiennes qui ne se reconnaissent pas ou plus dans une certaine élite autoproclamée démocrate et moderniste.

Un front électoral gouvernemental sera utile également pour clarifier et simplifier le paysage politique tunisien entre la troïka, l’union de l’opposition et le front populaire de gauche. L’union hétéroclite et fourre-tout de l’opposition autour de Nidaa Tounes entre ex-RCDistes reconvertis en néo-destouriens, libéraux et gauchistes sera obligée de dévoiler enfin un éventuel programme politique unificateur de tout ce beau monde en dehors de la haine viscérale d’Ennahdha.

N’en déplaise aux sondages préfabriqués à la demande du client et déjà démentis par les premières élections, une troïka plurielle et solidaire saura réussir la transition vers aussi bien la démocratie que le développement durable et équitable, puis rassembler autour d’elle d’autres forces politiques et personnalités indépendantes soucieuses de l’intérêt national au-delà des appartenances idéologiques. C’est à ce prix que la troïka continuera à être le choix réfléchi d’une majorité de Tunisiens et des forces populaires de la révolution lors du prochain scrutin électoral, comme ça a été déjà le cas un certain 23 octobre 2011.

Mehdi AMMAR


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Commentaires 

 
+1 #16 projet de constitution
Ecrit par fremiot     06-05-2013 17:18
art1:la Tunisie...l'Islam est sa religion(comme constit1956) c'est un fait non source de droit, mais art 136:l'Islam est la religion de l'état:attention norme juridique source de droit
art5: l'état protecteur de la religion: on aurait preféré: des religions!!?
 
 
+1 #15 projet de constitution
Ecrit par fremiot     06-05-2013 17:11
art 5:l'etat protecteur de la religion, on aurait préferé"des religions"
art 1:la Tunisie...l'Islam est sa religion(idem constit 1956) c'est un fait, mais art 136:"l'Islam est la religion de l'état"!!?ici ça devient une norme juridique créatrice de droits:attention
 
 
-1 #14 Psychotropes ou Zatla ?
Ecrit par james-tk     30-04-2013 02:03
On voit bien que cet article a été rédigé sous psychotropes,si ce n'est sous une sous la "zatla",pauvre Tunisie !
 
 
+1 #13 RE: Tunisie : Et si malgré tout, la troïka serait en train de réussir !
Ecrit par Royaliste     21-04-2013 20:09
si ca c'est le succés alors a quoi ressemblerait un échec de la troika?
 
 
-2 #12 la grammaire
Ecrit par taou     19-04-2013 11:53
autre faute de français de la Rédaction de globalnet: Ecrivez " ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable ." ou " Ces com ....., la rédaction n'est, en aucun cas, responsable du contenu.
 
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