Tunisie : Du déni à l’unité |
Publié le Dimanche 21 Août 2011 à 14:00 |
J'ai envie de l'écrire dans toutes les langues de l'humanité. J'ai envie de le crier sur les sommets des montagnes neigeuses où poussent les roses sauvages. J’ai envie de le graver sur les arbres, le vent, les gouttes de pluie, le sable du désert et les flocons de neige. Un état de déni de l'autre s'empare dangereusement des Tunisiens et met en péril sérieux leur unité et les acquis déjà fragiles de leur révolution. Lire les perles tunisiennes circulant sur les réseaux sociaux est aujourd'hui une expérience émotionnelle d'une pénibilité extrême. Les Tunisiens sont en proie à un rejet mutuel rarissime. Le pays est divisé entre deux "écoles" qui s'arrachent lamentablement le monopole du cœur, celle de " on veut un changement radical" et celle qui prône " un changement sans heurts, un peu dans la continuité". Les expressions hideuses qui fusent de part et d'autre sont tout sauf rassurantes. Des querelles sont identifiées. Certains nous mettent en garde contre un enfer, un pays de pachtounes si nous votons islamistes. Les autres nous promettent une terre de mécréants si nous tendons un peu trop à gauche. Prise en otage à un débat qui se déplace étrangement sur le terrain confessionnel, la Tunisie s'enlise peu à peu dans une lecture manichéenne et fortement réductrice de son avenir. Quel gâchis ! La situation est particulièrement délicate. Car dans cette cacophonie assourdissante, il est impossible d'écouter l'autre, de discuter sur des bases sereines et objectives et de parvenir à des compromis sociétaux viables. D’aucuns ne nient pourtant qu'il y a urgence d'explorer une troisième voie aujourd'hui en Tunisie. J'ai l'impression que dans la foulées de ces "ratés successifs", nous avons perdu de vue l'essentiel : nous avons un pays qui a chèrement payé sa révolution et qui est en panne d'imagination. Dans cette situation, s'enliser dans les préjugés destructeurs sur l'autre et continuer à se regarder en chiens de faïence ne peut qu'alimenter la boucle infernale de la discorde et nous désunir davantage. Nous sommes loin, mais vraiment loin, de cette transition rêvée où, ensemble, mais aussi dans la différence, nous dessinerions notre Tunisie nouvelle. Mon message à mes compatriotes est simple : la Tunisie a besoin de tous ses viviers, tous ses leviers, toutes ses forces. Nous menons tous le même combat, celui d'honorer nos martyrs et réussir cette révolution. Menons-le dans le respect mutuel, dans l'amour partagé de la patrie et dans la sérénité. Il est clair que nous avons des positions divergentes. Oui, nous n'avons plus droit aux solutions de facilité car elles nous ramènent au problème de départ. Oui, nous avons besoin de réinventer nos valeurs, celles que les réformes sataniques du clan Ben Ali ont réduit à néant avec une immoralité et une détermination rares. Oui, nous n'avons pas les mêmes perceptions des problèmes, ni les mêmes stratégies pour les résoudre. Oui, oui et oui. C'est bien. Tout cela est très bien. Cette diversité est d'une richesse extraordinaire pour le présent et l'avenir du pays si seulement nous parvenons à l'encadrer et à lui donner une assiste déontologique robuste. Aucun système politique, social ou économique ne peut fonctionner durablement en présence d’une pensée unique, d’une thèse immuable. Les biologistes qui ont travaillé sur le monde des parasites le savent depuis les années soixante. Des espèces ennemies, peuvent co-évoluer et retrouver un équilibre symbiotique à travers de s interactions coopératives durables. Au lieu de s'entretuer, elles coopèrent. C'est le principe de la co-évolution coopérative. Le monde des parasites nous apprend bien de choses, nous les humains. Ces différences que nous véhiculons aujourd'hui n'ont rien de pathologique. Elles sont parfaitement saines et c'est ce que beaucoup d'entre nous ne saisissent pas encore. N'ayons pas peur de la différence, de la diversité et des contradictions. J'aime beaucoup cette sagesse d'Antoine de Saint-Exupéry: "si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser tu m'enrichis." Essayons de rester dans ce registre, celui de l'unité renforcée dans et par l'enrichissement mutuel. Nizar Mansour
Soyez des journalistes citoyens
Cette rubrique est aussi la vôtre. Si vous souhaitez exprimer vos coups de cœur, coups de gueule ou revenir sur n’importe quel sujet qui vous tient à cœur, un événement qui vous interpelle, vous pouvez le faire en nous faisant parvenir vos écrits en cliquant ici. GlobalNet se fera un plaisir de les publier, avec ou sans la signature de leurs auteurs. Vous avez tout à fait le droit de garder l’anonymat ou de signer avec un pseudo. |
Commentaires
Ecrit par Sami Boussoffara 05-09-2011 09:35
Ecrit par Khammous 23-08-2011 00:01
Ecrit par Jamel 21-08-2011 18:19
Ecrit par riadh 21-08-2011 16:22