Les jeunes tunisois engagés, entre espoirs et désillusion |
Publié le Jeudi 16 Février 2012 à 17:07 |
Depuis le 14 janvier 2011, nombreuses sont les associations tunisiennes qui se sont constituées pour sensibiliser les jeunes à une certaine conscience citoyenne et politique, les protégeant ainsi d’une manipulation par les medias ou par le pouvoir politique et leur permettant d’être des acteurs à part entière de leur avenir. Parmi eux, trois associations m’ont particulièrement marquées. Il s’agit des Jeunes Indépendants Démocrates (JID), de l’association Sawty et l’association Jeunesse sans frontières (JSF). Commençons par les JID. Constituée par une dizaine d’amis au lendemain du 14 janvier, cette association a pour principal objectif de contribuer à l’éducation politique des jeunes. Leurs premiers pas consistaient en la création d'un site internet et une page facebook, en vue de diffuser des contenus pédagogiques sur l’enjeu de la transition démocratique dans leur pays. Ainsi les premiers articles publiés tournent autour des sujets faisant la Une de l’actualité tunisienne, soit le type de régime politique le mieux adapté, la question de la laïcité, mais aussi les impacts de la Révolution tunisienne sur le monde arabe, etc. Dès l’obtention de leur statut, les JID ont procédé au recrutement de membres actifs participant à des investigations sur le terrain, à des interviews d’acteurs politiques, à des micro-trottoirs, à la participation au débats d’idées tant en Tunisie qu’à l’étranger, etc. Dans la perspective du processus électoral, les JID ont travaillé à l’élaboration d’une plateforme internet destiné à aider les Tunisiens dans leur choix politique le jour de l’élection de la Constituante. Ce projet s’appelle Ikhtiar, et a été construit notamment grâce à un partenariat avec la coopération allemande en Tunisie (la Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit ou GTZ). Cette plate-forme a permis aux internautes intéressés de répondre à un questionnaire sur les grandes orientations prises par les partis politiques tunisiens, et de comparer les différents partis selon leurs convictions. Ce projet a eu le mérite d’offrir un cadre de comparaison des différents partis lancés dans la campagne électorale hors du champ idéologique ou partisan. Cette initiative a eu un succès important auprès des internautes tunisiens et a beaucoup été relayé par la presse tant tunisienne qu’internationale. Une fois les élections passées, il aurait été pertinent de demander aux personnes ayant répondu à ce questionnaire en quoi cela a joué ou non dans leur choix final. Au-delà de cette approche par le net, d’autres associations telles que JSF et Sawty ont eu une approche plus axée sur le terrain. JSF est une jeune association qui œuvre pour la promotion de la culture du dialogue, de l’esprit d’initiative et des valeurs citoyennes auprès des jeunes. En juillet 2011, JSF avait été à l’origine d’une journée de sensibilisation au vote des femmes dans quelques villages de Tunisie. Ce projet intitulé Caravane Femmes et Citoyenneté a été un vrai succès, puisqu’il a été observé un réel intérêt de la part des femmes pour les élections, malgré une certaine défiance quant aux discours politiques. Ce type d’action a notamment permis de comprendre les attentes des populations rurales. Par ailleurs, JSf a été à l’initiative d’autres événements contribuant à renforcer la culture électorale. A ce titre, l’association a organisé des votes blancs lors du forum d\'éducation électorale qui s'est déroulé durant le mois d’octobre dans plusieurs villes de Tunisie. Quant à l’association Sawty (« ma voix » en tunisien), née elle aussi au lendemain de la Révolution, elle s’est donnée pour ligne d’action la sensibilisation de la jeunesse à la vie civique. Sawty a été l'un des principaux partenaires du premier Forum tuniso-français de la société civile, organisé à Tunis le 21 mai 2011. Ce forum qui avait pour objectif de permettre la rencontre et les échanges entre associations / ONG tunisiennes et françaises a notamment abouti à l’annonce du projet intitulé le « Bus citoyen ». Il s'agit de parcourir les villes de Tunisie dans les moindres recoins, les cafés, les marchés, les usines, les écoles, etc., afin d’inciter et de mieux préparer les personnes à l’exercice de leur devoir citoyen. Ce travail a été le fruit d’une collaboration étroite avec plusieurs autres associations, dont Touensa, UTIL, Act, Femme et Dignité, etc. et a permis de parcourir plus d’une quinzaine de gouvernorats en six semaines. Qui plus est, « l’accueil de la population est souvent favorable mais le plus formidable, c’est d’arriver en discutant et en expliquant à convaincre des irréductibles qui ne seraient jamais allés voter », raconte Moez Ali, l'un des coordinateurs du bus citoyen. Ces associations peuvent se féliciter de leurs actions, puisqu’'ils ont contribué à une large mobilisation des Tunisiens le 23 octobre dernier. En effet, plus de 80 % des Tunisiens inscrits sur les listes électorales ont voté, 16 % des non inscrits ont aussi pu s’exprimer. Au total, environ 4.3 millions de Tunisiens sur les 8.2 millions en âge de voter ont participé au vote. Il est vrai aussi que ces associations, ayant placé beaucoup d’espoir dans la promotion d’actions citoyennes, ont vite été confrontées à une certaine désillusion avec l’annonce des résultats des élections. Elles s’aperçoivent que la réalité profonde du pays est moins discursive et politique que sociale et de terrain. En effet, ce n’est seulement pas par des discours que l’on change les conditions de vie d’une population, mais principalement par l'action concrète au contact des membres de la société. La désillusion des jeunes tunisois au lendemain des résultats de la première élection libre du pays La victoire du parti islamiste est vécue comme un échec pour la plupart de ces jeunes tunisois engagés dans le processus de transition démocratique. Et de fait, ils ont beau eu faire des actions pour véhiculer des messages citoyens, ils ont le sentiment d’avoir mal choisi leur population cible et leur mode d’action. Ces jeunes ont l’impression que ces résultats ne sont pas à la hauteur de leurs attentes et des sacrifices endurés. Ces jeunes ont placé la liberté comme la quête première. Mais dans un contexte d’instabilité politique et sociale, d’insécurité, de récession économique, la liberté effective n’est accessible que si ces autres défis sont relevés. Ce constat est dur et fait mal. En effet, les JID par exemple se sont engagés dans la promotion de valeurs citoyennes, d’actions politiques, dans la diffusion de contenus pédagogiques, etc. Seulement ces actions n’ont eu d’effets que sur une population qui a déjà atteint un certain seuil de satisfaction quant à sa condition sociale. Je pense que là où les inégalités sociales ne sont pas vaincues, la démocratie sociale est une condition sine qua non de la démocratie politique. A ce titre, Alexis de Tocqueville exprimait bien mieux que moi cette idée lorsqu’il écrivait dans De la démocratie en Amérique (1835) que l’égalisation des condit ions sociales permet l’émergence d'une société démocratique. En effet, comment envisager la participation des jeunes d’une région défavorisée à des actions politiques, lorsque ceux-ci n’ont pas la garantie d’une amélioration effective de leur situation quotidienne ? De facto, les publications diffusées sur le net ou dans la presse écrite ne sont majoritairement lues que par une très fine proportion de la population, en général déjà convaincue par les valeurs démocratiques véhiculées par les actions citoyennes. A ce titre, Karim, l’un des membres des JID exprime bien de cette prise de conscience: «Jusque là notre mode d’action correspondait plus à une association citoyenne dont le but est de fluidifier la démocratie et de révéler ses rouages au public. Légitimement après une révolution libératrice de 23 ans de dictature, nous avons vu qu’il était bon temps de discuter de l’orientation politique de la démocratie tunisienne, gauche, droite, socialisme, libéralisme, avenir culturel, projets éducatifs, stimulation de l’esprit d’entreprise, éveil citoyen et là, en pleine [figure], la claque des résultats des élections, qui vient nous rappeler une fois pour toutes que tous [les sujets] dont on discute sont des débats qui s’installent en démocratie et dans un pays de droit, pas dans un pays où il n’y a pas de démocratie réelle et où les droits sont aussi menacés » Finalement, au lendemain du 14 janvier 2011 les jeunes engagés dans la vie politique pensaient avoir déjà réussi la révolution, mais dès l’annonce des premiers résultats de l’élection de la Constituante, ils se rendent compte qu’il reste encore beaucoup à faire pour vraiment parler d’une révolution aboutie. L’enjeu est de taille, non seulement pour le nouveau gouvernement en pleine constitution, mais aussi pour les partis progressistes qui ont eux aussi été surpris par les résultats, ou encore pour ces jeunes acteurs de la société civile tunisienne. Il s’agit désormais de réorienter les actions selon les préoccupations de la société dans son ensemble. La rédaction de la Constitution, comme socle de valeurs communes, représente un illustre challenge. Neia Fernandes Monteiro
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Commentaires
Ecrit par Musulman. 02-04-2012 11:38
التعددية من مقاصد الشريعة الإسلاميّة، ولهذا وجدت عديد المسائل الفقهية الخلافية في الفروع. وأما الأصول فهي متفق عليها.
والسياسة يجب ألا تعارض الإسلام.
Ecrit par Tunisian abroad 13-03-2012 10:59
Ecrit par riadh 23-02-2012 12:42
moi aussi j ai perdu mes illusion sur la tunisie, nous n avons rien d un peuple avancée, nous somme plutot au niveau des mentailités de la somalie
un pays ou laïc = méxcréant et liberté = ..
qu est ce que vous voulez que les elites, les etrangers,, les homems d'affaires etc en pense? sérieusement? ils font comme moi, il abandonne pour aller ailleurs.. c est triste mais vrai
Ecrit par Musulman. 18-02-2012 11:09
Ecrit par Algérienne 16-02-2012 21:37