Il faut sauver les plages de la banlieue sud de Tunis

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Publié le Samedi 10 Septembre 2011 à 18:20
"Hammam-Lif n’est pas une cité sur mer. Il faut désormais dire cité sur marre"Gavé de politique politicienne depuis des mois, j’aimerais, à travers ce papier, parler politique citoyenne. J’entends par là politique au sens premier. En termes simple, j’entends gestion des affaires de la cité. Cette manière de faire et de vivre la politique est d’une importance capitale car elle forme des citoyens responsables et constitue un rempart contre les éventuels abus et travers des chantres de la politique politicienne.

Le constat

Les habitants de HAMMAM-LIF, EZZAHRA et RADES sont sevrés de baignades. Pourtant les plus âgés d’entre eux se souviennent encore d’un passé pas très lointain où leurs plages avaient un charme très particulier, un cachet unique. Hélas, depuis plus de deux décennies, les plages de la banlieue sud n’attitrent plus les visiteurs. Aujourd’hui, les habitants eux-mêmes renoncent à s’y baigner et vont désormais rechercher ce plaisir ailleurs, à Soliman ou à Hammamet. Bref, c’est un comble. Voici quelques extraits de propos recueillis auprès de certains habitants et riverains :

«Hammam-Lif n’est pas une cité sur mer. Il faut désormais dire cité sur marre, sur étang, sur dépotoir. Il faut avoir vécu les belles années de la ville pour comprendre la tristesse et le désarroi de ses habitants authentiques» vieil habitant de la ville de Hammam-Lif.

«Les plages de la banlieue sud sont devenues infréquentables. La situation est telle qu’aujourd’hui, j’évite d’ouvrir les fenêtres de la maison, car j’habite à côté de la plage ». Une habitante de la ville d’EZZAHRA.

«Je ne veux pas être désagréable, mais Hammam-Lif agonise. Les rues, la plage, les comportements anonymes ne sont plus ceux de mon enfance. Dommage » Un français originaire de Hammam-Lif

«Lamine bey doit se retourner dans sa tombe. Il ne faut quand même pas oublier que ce sont les beys qui ont fait cette ville, cette plage», un vieil habitant de HAMMAM-LIF auto-exilé BOUMHEL.

D’autres habitants relayent les dires de certains pêcheurs selon lesquels la mer rejetterait depuis quelques temps des poissons morts. En un mot, la situation est grave et le constat est édifiant. Mais pourquoi et comment en est-on arrivé là ?

L’explication
A nos étudiants, nous apprenons une règle, du reste évidente, selon laquelle un problème n’a jamais une cause unique mais toujours une multitude de causes. Le tout est donc de les identifier et de les hiérarchiser en vue de cibler celles qui sont les plus déterminantes. Dans le cas que j’ai choisi d’aborder, la cause principale est celle qui a trait au rejet des eaux usées non traitées dans le lit de l’oued MILIANE et dans un réseau de canaux « tout à la mer ». Certains de ces canaux sont à ciel ouvert et d’ailleurs visibles aux usagers des trains de la banlieue sud. Il n’est nul besoin d’être un spécialiste en géographie ou en géologie pour savoir que les plages sablonneuses de la banlieue sud de Tunis sont le résultat du processus millénaire de régénération naturelle des alluvions apportés par l’Oued MILIANE. Pendant des siècles et des millénaires, ces alluvions étaient propres, sains et naturels. Les milliers de tonnes de matériaux déversés dans la mer se régénéraient alors en sable fin offrant une protection naturelle au littoral et un plaisir assuré pour la baignade et l’agrément. Depuis les années 1980, l’office national de l’assainissement, ONAS, a rompu ce bel équilibre. Bien que personne ne mette en doute l’œuvre colossale accomplie par cet organisme public sur bien des égards, sur d’autres, il n’a fait que transférer et exporter le problème d’une zone à l’autre. Fini le temps où les riverains du MILIANE laissaient pendre les tuyaux de leurs motopompes pour irriguer leurs orangeraies bordées de cyprès. Aujourd’hui, il suffit de regarder par-dessus l’un des ouvrages qui enjambent le fleuve pour avoir justement une idée de ce qui coule sous ces ponts : un cocktail indescriptible d’immondices gluantes. Ce qui est encore plus grave, c’est que l’ONAS prépare la mise en service de l’une des plus grandes stations d’épuration du pays, celle d’el Attar. Dans peu de temps, les quantités des eaux usées traitées et non traitées déversées dans le MILI ANE connaîtront une croissance spectaculaire. Cerise sur le Gâteau : où est-ce que le lac salé de SEDJOUMI déverse-t-il son trop plein ? Ce n’est pas sorcier, un canal a été percé et aboutit dans le MILIANE !! Où est ce que tous ces rejets finissent-ils leur course : évidemment à l’embouchure du fleuve c'est-à-dire la plage d’EZZAHRA / RADES. Voici ce qui explique, en grande partie, la triste situation de la plage et les phénomènes récurrents qu’on y observe en termes de mauvaises odeurs, d’altération de la couleur de l’eau, et de déchets rejetés par la mer.

La proposition

A l'instar de ses causes, les solutions à un problème sont multiples. Je me permets ci-après d’en proposer une, sachant évidemment qu’elle est partielle et perfectible. Les lecteurs ne manqueront certainement pas, du moins je l’espère, de l’évaluer et de la parfaire.

Pour commencer, il faut absolument rompre avec la logique du tout à la mer. Il y a quelques années, l’ONAS a investi dans ce qu’on appelle les «émissaires marins», un dispositif technique qui rejette les eaux usées, traitées ou non traitées, en mer à quelques kilomètres au large. Cette «solution» est peu satisfaisante en ce sens que les courants marins sont souvent à l’origine de reflux indésirables. Il conviendrait donc de réfléchir à la mise en place de ce qu’on pourrait appeler des «émissaires terrestres» et ce en délocalisant les différentes phases du traitement des eaux usées. Il s’agit de pomper les eaux usées de la capitale et des grandes villes vers des stations d’épuration préliminaires, puis de tout transférer par le biais de ces «émissaires terrestres» vers des mégas stations situées dans des zones potentiellement agricoles mais naturellement arides ou semi-arides. Le réseau de l’ONAS se transformerait ainsi en filière décentralisée, diversifiée et créatrice d’emploi. A titre d’exemple, les eaux traités à la station d’el ATTAR seraient transférées vers certaines délégations du gouvernorat de ZAGHOUAN ou de SILIANA et permettraient de créer de petits projets agricoles ou forestiers. Pour ne pas rester sur le seul cas d’HAMMAM-LIF, les eaux usées de SOUSSE, MONASTIR et de MAHDIA peuvent être, après un premier traitement, transférées du côté des sebkhas de KELBIA, MOKNINE ou SIDI EL HANI et servir à créer des projets de sylviculture. Celles de GABES, DJERBA, ZARSIS et MEDENINE pourraient contribuer à faire reverdir le DAHAR et la DJEFFARA.

Entre les centres producteurs d’eaux usées et ceux en charge du traitement, le réseau peut être rentabilisé par l’adjonction d’activités intermédiaires de valorisation des déchets (boues, engrais, etc.…). En tout état de cause, l’idée des émissaires terrestres pourrait solutionner le problème de la détérioration du capital écologique et touristique d’une région comme celle de HAMMAM-LIF ou de RAOU ED/GAMMARTH qui souffre à son tour des rejets de l’ONAS et de la sebkha de l’ARIANA. Reste un épineux problème : les citoyens résidant dans les zones d’implantation des méga-stations d’épuration ne risquent-ils pas de contester le projet à cause de ses nuisances ? La réflexion ne fait que commencer.
Sami Boussoffara

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Commentaires 

 
+2 #14 RE: Il faut sauver les plages de la banlieue sud de Tunis
Ecrit par bazzinga     27-09-2011 12:35
on est en train de bousiller nos plages,
bientôt on aura des digues partout,
c'est triste, et je ne croie pas que les pouvoir publique (onas) s'en inquiète.
 
 
-1 #13 Hammam-Lif
Ecrit par Aymen     21-09-2011 11:31
Bravo Sami pour l'article...

Tous pour l'entretien de notre Hammam-Lif.
 
 
-4 #12 RE: Il faut sauver les plages de la banlieue sud de Tunis
Ecrit par el manchou     20-09-2011 13:43
sans oublier ces hordes de femmes voilées, en niqab ou qui se baignent toute vêtue voire en burkini et qui gâchent le paysage.
 
 
-2 #11 Feedback constructif
Ecrit par Sami Boussoffara     18-09-2011 20:42
Merci à toutes celles et tous ceux qui ont eu la patience de lire mon texte et surtout à ceux qui ont exprimé leur avis. Merci à Jelila B, une de mes anciennes étudiantes, qui a eu à subir mon intransigeance lors de la rédaction de son mémoire de fin d'études. En tout cas, cela lui a servi puisqu'elle a été en mesure de détecter mes propres fautes, des fautes bien réelles du reste.
 
 
+5 #10 toutes les plages
Ecrit par roma     13-09-2011 17:54
toutes les plages de la tunisie agonisent.je n'ai jamais vu de situation pareille. mêmes les plages soit disant privées des hôtels sont dans un état lamentable. sans parler de la qualité de l'eau et des phénomènes climatiques auxquelles nous n'avons pas trouvé de solutions.Toute la faute revient aux tunisiens qui se permettent de faire n'importe quoi sur les plages et sans se soucier de l'environnement.j'arrête de dire davantage car ça me fait vraiment mal au coeur
 
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