Tunisie, le Président de la LTDH pointe les dérapages et appelle au dialogue

Publié le Samedi 08 Septembre 2012 à 11:56
Abdessatar Ben MoussaAbdessatar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, a exprimé hier lors d’une conférence de presse, relayée par Assabah,  son inquiétude que "le dialogue attendu à l’assemblée nationale constituante avec la société civile, les 14 et 15 septembre 2012 ne corresponde à de simples séances d’audition pour que la société civile dise ce qu’elle veut, et que l’assemblée constituante fasse ce qu’elle veut". Il a expliqué sa crainte par le fait que "les commissions de l’ANC ont écouté de nombreuses organisations et associations qui ont été, au final, surprises que la première mouture du projet de constitution ait marginalisé plusieurs de leurs observations et suggestions constructives".

Le Président de la LTDH a encore souligné que "ce qui augmente sa crainte est ce qui s’est passé à l’ANC lors du vote du programme d’action de la commission d’enquête sur les événements du 09 avril, lorsque de nombreux députés d’Ennahdha ont émis de fortes réserves sur le témoignage de la LTDH, le considérant comme étant politisé, et non fiable". Il a qualifié cette position "d’étrange, et de d’inadmissible, qui rendra le dialogue formel et inutile".

Selon Ben Moussa,"la situation actuelle des droits et libertés en Tunisie inspire inquiétude à plus d’un égard, soit pour ce qui est de la constitution et la législation, ou de la justice transitionnelle et ses attributs, avec le retour du traitement sécuritaire et judiciaire, et la propagation du phénomène de violence organisée". Il a encore noté que "la première mouture de la constitution porte les traces des considérations partisanes, et ignore les préoccupations et les craintes de la société civile".

"Le préambule n’a pas fait mention de la déclaration universelle des droits de l’Homme, et des articles figurant au chapitre des droits et libertés instituent la limitation des libertés et le recul par rapport à l’égalité, et ce en conditionnant l’exercice de certaines libertés à l’exigence de ne pas toucher aux symboles du sacré, à la paix civile, à l’ordre public, à la sécurité publique ; ce qui correspond à des concepts ambigus, vagues et sujettes à des interprétations antinomiques", a-t-il souligné.  

Il a par ailleurs ajouté que "la préservation de l’identité, de la loi et de l’autorité a pris l’ascendant dans la première mouture de constitution par rapport à la protection des libertés, qui doivent être garanties par la constitution".

Il a encore déploré que "les autorités renouent avec les pratiques sécuritaires arbitraires et la politique de punition collective usant de la  sécurité et de la justice en vue de faire face aux mouvements sociaux pacifiques, ceux qui refusent la poursuite de la marginalisation et l’absence des attributs les plus élémentaires d’une vie décente".

Le Président de la LTDH estime que "cette période transitoire a vu la répression des libertés de presse, d’art et de création, dans la mesure où nombre de journalistes ont été jugés, et certains ont été emprisonnés, et ce n’est pas en s’appuyant sur le décret-loi organisant la liberté de presse, mais sur la base de loi répressives utilisées par le régime déchu".

Abdessatar Ben Moussa a déploré "l’absence d’une volonté politique pour contrer les agressions du courant salafiste contre les droits et libertés, ce qui a encouragé ces personnes à poursuivre leurs attaques contre les journalistes", les intellectuels, les artistes, les hommes de lettres et même contre tous ceux qui ne partagent pas leurs opinions, a-t-il dit en substance. "Bien que des voix se soient élevées quant à la nécessité de réagir pour arrêter ces agressions, et malgré les déclarations du gouvernement à ce sujet, les promesses n’ont pas été traduites dans les faits", a-t-il ajouté.

Selon le président de la LTDH, "si tous les acteurs ne s’assoient pas autour d’une table pour un dialogue national transparent et franc, loin des considérations partisanes, l’avenir de la patrie sera aux prises avec les dangers des conflits et de l’anarchie". D’où l’appel lancé par la LTDH aux autorités afin qu’elles ouvrent immédiatement un dialogue national global, a-t-il dit en substance.  
Gnet