Tunisie : "Kamel Nabli est un excellent expert, ce n’est pas un manager" |
Publié le Vendredi 29 Juin 2012 à 12:10 |
Mustapha Kamel Nabli est un homme intègre et honnête, mais il n’a rien fait au secteur bancaire, en termes d’assainissement, de réforme et de gouvernance. Il aurait dû entamer la réforme de l’institution de la BCT, mais il n’en était rien, dit Abdessatar Mabkhout, économiste et consultant auprès du cabinet international de conseil financier, PriceWaterHouseCoopers, dans un bref entretien accordé à Gnet. Comment réagissez-vous à la déposition de Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la banque centrale ? Je pense que le contexte général dans lequel les choses se passent est un peu particulier. Il y a des problèmes dans la classe politique et dans la gestion de la troïka. L’opposition, elle, profite de n’importe quelle occasion pour faire des surenchères. Ce sont de vraies surenchères sur fond de considérations électoralistes. L’opposition ne laisse pas le gouvernement travailler, et le gouvernement est frileux par ce qu’il est là pour une période provisoire, donc il y a de la prestation médiocre des deux côtés. Mustapha Kamel Nabli est un grand Monsieur des Finances, crédible et intègre, je le connais depuis 20 ans. Je trouve qu’il n’est pas un homme politique, c’est un technicien mais qui peut être sous la pression des politiciens. Ces derniers temps on a eu un abaissement du Scoring (NDLR : abaissement de la note de la dette de la Tunisie de deux crans par Standard & Poor’s). Le gouverneur de la banque centrale a gardé le silence, et a mis du temps pour réagir. Il aurait pu réagir plus rapidement, a fortiori que c’est un technicien qui connait les règles du jeu. Il aurait pu tenir un discours pour rassurer les hommes d’affaires et les banquiers, ainsi que les instances étrangères, sa parole aurait été plus crédible que celle du chef de l’Etat ou du chef du gouvernement. Son silence aurait pu être interprété comme une proximité avec des groupes agissant avec des personnes qui sont dans l’ombre. D’autant plus qu’il n’est pas un politique et il n’a pas l’étoffe pour résister à de telles influences. Ceci dit, même si on dit que Hamadi Jebali a fait un pas vers lui, et lui a fait un pas vers Hamadi Jebali, son départ était programmé et planifié. Vous approuvez donc sa destitution ? Franchement, ça ne m’empêchera pas de dormir la nuit. Mustapha Kamel Nabli n’a rien fait au secteur bancaire, en termes d’assainissement, de réforme et de gouvernance. Il aurait du entamer la réforme de l’institution de la BCT, mais il n’en était rien. Il a mis du temps pour sortir un texte sur la nomination des administrateurs, ce qui est insignifiant. S’il avait entamé un processus de réforme depuis six mois, on aurait amélioré notre score. Nos banques sont mal gouvernées et donc sont mal notées, et cela contribue à l’abaissement de notre Scoring général. Certains disent que sa destitution sera mal perçue par les instances financières internationales et les bailleurs de fonds. Partagez-vous cette inquiétude ? Il faut arrêter de dramatiser et de dire si Mustapha Kamel Nabli part, ce sera la catastrophe. La Tunisie compte des financiers et économistes compétents et qui sont apolitiques. Il y a des experts et des managers. Si Mustapha Kamel Nabli est un excellent expert, mais ce n’est pas un manager. La différence entre les deux est qu’un expert fait un focus sur l’objet, et le manager sur les objectifs et les hommes. On ne peut pas être gouverneur de la banque centrale sans avoir une expertise de management politico-économique. Etes-vous pour une banque centrale indépendante ? La BCT n’a jamais été indépendante ni sous Bourguiba ni sous Ben Ali. Personnellement, je suis pour une banque centrale indépendante, mais qui rend compte à l’assemblée nationale constituante. Si elle ne rend compte à personne, elle risque d’être manipulée soit par le gouvernement ou par l’opposition. Le président de la république a refusé de signer mercredi deux projets de loi, relatifs au FMI. Qu’en dites-vous ? Je suis tout à fait contre ça. Il doit signer d’autant plus que ces textes ont été approuvés par l’assemblée constituante. Je crois qu’il est en train d’être conduit vers une fausse piste, car cela risque de faire entrer la Tunisie dans le désordre aux yeux du monde extérieur. La Tunisie ne peut pas quitter l’économie de marché ouverte sur le monde. Ce sera un coup fatal pour le pays, on est entré dans le marché global avec des règles globales. Mais il faut une vision pour le futur, la question est de savoir : qu’est-ce qu’on veut être en 2040 ou en 2050 ? Propos recueillis par H.J. |
Commentaires
Ecrit par anis ben yahahia 02-07-2012 16:51
Ecrit par Tunisian4ever 02-07-2012 12:37
Ecrit par Abu Haifa 02-07-2012 11:33
Ecrit par halim 30-06-2012 16:12
Ecrit par SOUSSOU 30-06-2012 14:24