Yémen : Le président Hadi se réfugie à Aden et défie les Houthis

Publié le Lundi 23 Février 2015 à 10:23
 Abd Rabbo Mansour HadiAFP - Le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, qui a réussi à fuir la capitale Sanaa pour trouver refuge à Aden, fief de ses partisans, tente de reprendre la main face à la milice chiite des Houthis qui l’a chassé du pouvoir.

M. Hadi, dont la démission annoncée en janvier sous la pression des Houthis n’a jamais été entérinée par le Parlement, a présidé dimanche à Aden une réunion régionale au cours de laquelle il appelé à relancer la transition politique, selon son entourage.

Il s’agit de sa première activité politique au lendemain de son arrivée à Aden où il a aussitôt rejeté comme «nulles et non avenues (...) toutes les mesures» prises par les Houthis depuis la prise de Sanaa en septembre. Il a exhorté la communauté internationale à «rejeter le coup d’Etat» de ces miliciens.

M. Hadi a réussi à s’échapper, par une porte dérobée, dans la résidence où il était assigné depuis la prise du palais présidentiel par les Houthis le 20 janvier. Il avait présenté sa démission deux jours plus tard, en même temps que son Premier ministre Khaled Bahah, une décision qui consacrait la prise de contrôle totale des Houthis à Sanaa.

Mais l’un des neveux, Nasser Ahmed Mansour Hadi, qui tentait de le rejoindre a été arrêté samedi à la sortie sud de la capitale par des Houthis, selon l’entourage du chef de l’Etat.
Le coup de force des Houthis a été farouchement rejeté dans le centre, le sud et le sud-est du pays, où les tribus sunnites empêchent les miliciens chiites d’imposer leur autorité sur leurs régions.

Les gouverneurs des provinces d’Aden, Lahj, Dhaleh, Abyane et Socatra ainsi que le commandant de la 4e région militaire se sont réunis dimanche avec M. Hadi à Aden et réaffirmé «la nécessité d’appliquer les recommandations du dialogue national», a déclaré à l’AFP un membre du cabinet présidentiel.

Ces recommandations, publiées en janvier 2014 après six mois de négociations, prévoient la transformation du Yémen en une fédération de six régions, une formule rejetée notamment par les Houthis.

Ces derniers, partis de Saada, leur bastion du nord, avaient alors déclenché une offensive fulgurante qui leur avait permis de prendre le contrôle de provinces du nord, avant d’entrer le 21 septembre dans la capitale Sanaa.

En réussissant à fuir samedi Sanaa pour Aden, «M. Hadi a repris l’initiative politique, retirant toute légitimité aux Houthis (...), qui n’ont plus d’autre choix que de reprendre les négociations sur la base des recommandations du dialogue national», a déclaré à l’AFP le politologue yéménite Fahd Soltane.

Des discussions politiques, parrainées par l’émissaire de l’ONU au Yémen Jamal Benomar, ont repris en soirée après avoir été interrompues samedi dans la foulée de l’annonce de la fuite de M. Hadi de Sanaa.

Ces discussions «sont désormais inutiles», a estimé le parti nassérien (pan-arabe) en invitant M. Hadi à «exercer ses fonctions de chef de l’Etat», une revendication partagée par diverses personnalités politiques et organisations de la société civile.

Des tribus de Marib, la province riche en pétrole, à l’est de Sanaa, ont été plus exigeantes. Elles ont exhorté M. Hadi à faire d’Aden la «capitale provisoire du Yémen jusqu’à la libération de Sanaa, occupée par les miliciens houthis».

«M. Hadi va poursuivre ses activités politiques et diriger les affaires du pays durant la prochaine étape depuis Aden (...) où il devrait rencontrer des délégations étrangères ayant demandé à le rencontrer», a déclaré aux journalistes le gouverneur d’Aden, Abdel Aziz Ben Habtour.
En réussissant à fuir Sanaa, «M. Hadi a renversé la table sur toutes les parties» qui négocient une sortie de crise, a estimé l’analyste Majed al-Medhagi.

«La sortie de M. Hadi de Sanaa marque, pour la première fois, un changement dans le rapport des forces en faveur de l’Etat et aux dépens des Houthis», selon Ibrahim Sharqieh, un autre spécialiste du Yémen. «M. Hadi, élu par 7 millions de voix le 21 février 2012, représente toujours la légitimité au plan interne et international».

Cet expert prédit que les règles de ce dialogue ont «changé» car «les Houthis ne pourront plus imposer leur agenda aux autres forces politiques».