Un tiers des usagers de drogues dans le monde sont des femmes

Publié le Vendredi 03 Mars 2017 à 11:01
Dans son Rapport annuel pour 2016, l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) lance un appel en faveur de politiques et programmes en matière de drogues qui tiennent compte des différences entre les sexes, d’un meilleur accès des femmes toxicomanes aux soins de santé et d’un financement accru de la prévention et du traitement de la toxicomanie chez les femmes ;

• Condamne les sanctions extrajudiciaires visant des personnes soupçonnées d’activités illicites liées à la drogue ;
• Demande aux États d’abolir la peine de mort pour les infractions liées aux drogues ;
• Encourage les États à envisager des peines de substitution à l’emprisonnement pour les infractions mineures liées aux drogues ;
• Réaffirme que la légalisation des usages non médicaux du cannabis est incompatible avec les obligations juridiques internationales.

Alors que les pays font état de hausses disproportionnées de surdoses chez les femmes, dans son Rapport annuel pour 2016, l’OICS, basé à Vienne, en appelle aux gouvernements pour qu’ils tiennent davantage compte des femmes dans leurs politiques et programmes en matière de drogues.

L’OICS souligne dans son Rapport, publié aujourd’hui, que les gouvernements devraient donner la priorité à l’accès des femmes toxicomanes aux soins de santé, et demande que les activités de prévention et de traitement de la toxicomanie chez les femmes soient mieux financées et coordonnées.

Werner Sipp, Président de l’OICS, a déclaré: “Nous voulons changer les perceptions et rappeler à tous, et en particulier aux décideurs, l’importance de la protection des droits des femmes qui font usage de drogues ou qui ont commis des infractions liées aux drogues et des droits de leurs familles.

Les femmes et les filles représentent un tiers des usagers de drogues dans le monde, cet usage étant plus répandu parmi les femmes des pays à revenu élevé. Cependant, un cinquième seulement des personnes traitées sont des femmes, car elles se heurtent à d’importants obstacles systémiques, structurels, sociaux, culturels et personnels lorsqu’elles veulent accéder à un traitement pour toxicomanie.

Par rapport aux hommes, les femmes ont beaucoup plus de probabilité de se faire prescrire des narcotiques et des anxiolytiques et donc de faire abus de ces médicaments. Ainsi, l’Allemagne et la Serbie ont indiqué que les surdoses mortelles de médicaments délivrés sur ordonnance sont
plus fréquentes chez les femmes. En outre, des pays comme le Royaume-Uni ont constaté de plus fortes hausses des surdoses (toutes substances confondues) chez les femmes que chez les hommes.

Le nombre de femmes arrêtées pour des infractions liées aux drogues a considérablement augmenté. Les détenues et les travailleuses du sexe sont particulièrement exposées au risque d’usage de drogues. Le nombre de femmes arrêtées pour des infractions liées aux drogues a fortement augmenté et, une fois emprisonnées, les femmes consomment de la drogue plus souvent que les hommes. Par ailleurs, il existe un lien étroit entre le travail du sexe et la consommation de drogues.

Certaines femmes se livrent au commerce du sexe comme moyen de pourvoir à leur consommation de drogues, tandis que les travailleuses du sexe peuvent recourir à la drogue pour faire face aux exigences et à la nature de ce travail.

Les infections à VIH et les troubles mentaux sont plus fréquents chez les femmes toxicomanes. Pour les détenues en particulier, la séparation d’avec leurs communautés, foyers et familles a des incidences très préjudiciables et accroît le risque de dépression et de troubles anxieux.
Le Rapport souligne l’importance des programmes de prévention ciblant spécialement les détenues, les femmes enceintes, les personnes vivant avec le VIH/sida et les travailleuses du sexe.

L’OICS demande aux États Membres de recueillir et communiquer des données pour permettre de mieux comprendre les besoins spécifiques des femmes toxicomanes, afin d’améliorer la prévention, le traitement et la réadaptation.

Les mesures de substitution à l’emprisonnement pour les infractions liées
aux drogues restent sous-utilisées.

Bien que les trois traités internationaux relatifs au contrôle des drogues soient fondés sur une approche équilibrée, le principe de proportionnalité et le respect des droits de l’homme, dans de nombreux États, les politiques de lutte contre les infractions liées à la drogue, y compris la détention pour consommation personnelle, reposent essentiellement sur une action répressive de la justice pénale, qui consiste notamment à engager des poursuites et à recourir à l’incarcération. Les mesures de substitution telles que le traitement, la réadaptation et l’intégration sociale restent sous-utilisées.

L’OICS souligne que les traités relatifs au contrôle des drogues n’imposent pas d’incarcérer les personnes qui font usage de drogues ou qui commettent des infractions mineures liées aux drogues.

L’OICS encourage les États où le nombre de personnes arrêtées et incarcérées pour des infractions mineures liées à la drogue est élevé à envisager d’adopter des mesures non punitives plutôt que d’autoriser l’utilisation du cannabis à des fins non médicales, ce qui pourrait se révéler contre-productif et qui n’est pas conforme aux traités relatifs au contrôle des drogues. L’OICS se félicite de ce que de nombreux États considèrent désormais l’usage de drogues et la toxicomanie comme un problème de santé publique appelant des réponses axées sur la santé.

L’OICS demande aux États d’abolir la peine de mort pour les infractions
liées aux drogues. Bien que ce soit aux États qu’il appartient de déterminer les sanctions pour les infractions liées aux drogues, l’OICS continue d’encourager ceux qui maintiennent la peine capitale à envisager de l’abolir pour cette catégorie d’infractions.

Sanctions extrajudiciaires visant des personnes soupçonnées d’activités illicites liées à la drogue. L’OICS réaffirme, dans les termes les plus énergiques, qu’il condamne catégoriquement et sans équivoque les sanctions extrajudiciaires visant des personnes soupçonnées d’activités illicites liées à la drogue. Ces sanctions constituent une violation indubitable des trois conventions internationales relatives au contrôle des drogues, qui exigent des mesures de justice pénale en cas d’infraction liée aux drogues et rejettent les sanctions extrajudiciaires de toute nature. Elles constituent aussi une violation des droits de l’homme, y compris des garanties d’une procédure régulière prévues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et ont pour effet de dénier la moindre dignité humaine à ces personnes.

L’OICS demande instamment à tous les gouvernements concernés de mettre fin immédiatement à ces actes et de faire en sorte que toute personne soupçonnée d’avoir commis, encouragé ou incité à commettre de tels actes extrajudiciaires ou d’y avoir participé fasse l’objet d’une enquête.

La légalisation des usages non médicaux du cannabis est incompatible avec les obligations juridiques internationales.

L’OICS poursuit le dialogue avec les États qui ont autorisé ou qui envisagent d’autoriser la consommation de cannabis à des fins non médicales et la création d’un marché de ses produits à des fins non médicales. Il réaffirme que de telles mesures sont incompatibles avec les obligations juridiques découlant de la Convention unique de 1961.

Si la convention permet une certaine souplesse quant à son application, le Président de l’OICS déclare: “La souplesse a ses limites; elle ne s’étend pas à la réglementation de l’usage de drogues à des fins non médicales.”. Les États parties doivent déterminer comment réagir aux développements  observés dans certains pays, qui font fi des traités en autorisant et en réglementant l’usage  non médical de drogues.

Pour que les “salles de consommation de drogues” soient compatibles avec les conventions, elles doivent tendre à réduire effectivement les conséquences néfastes de l’abus de drogues et conduire au traitement et à la réadaptation, sans cautionner ni encourager l’abus et le trafic des drogues.
 
Du fait de la difficile situation en matière de sécurité en Afghanistan et des problèmes connexes que connaissent les autorités pour surveiller et contrôler l’offre illicite de drogues en provenance de ce pays, l’OICS a demandé aux gouvernements partenaires et à la communauté internationale de maintenir leur soutien aux efforts déployés en vue de lutter contre la drogue dans le pays, dans l’esprit de leur responsabilité commune et partagée face au problème mondial de la drogue. Il a souligné que la lutte contre la drogue est vitale si l’on veut parvenir à un développement durable.
Communiqué