Turquie : Vague d’arrestations dont le rédacteur en chef du journal Zaman

Publié le Dimanche 14 Décembre 2014 à 23:36
AFP- La police turque a arrêté dimanche le rédacteur en chef de l'un des principaux quotidiens du pays, Zaman, dans le cadre d'un coup de filet national contre les partisans du grand rival du président Erdogan, le prédicateur islamiste Fethullah Bulen, exilé aux Etats-Unis, selon des médias.

La police anti-terroriste a mené dimanche matin des opérations dans treize villes de Turquie dont Istanbul, arrêtant au moins 27 personnes, principalement des journalistes, dont Ekrem Dumanli, le rédacteur en chef de Zaman, l’un des grands quotidiens en Turquie, selon les médias.

Autrefois allié de M. Erdogan, l’imam Fethullah Gülen dirige depuis la Pennsylvanie, aux Etats-Unis, un puissant mouvement socio-religieux englobant un vaste réseau d’écoles, entreprises et institutions et qui compterait plusieurs millions de membres. Il est très influent dans la police et la magistrature turque.

Samedi matin, près de 2.000 personnes rassemblées devant l’immeuble de Zaman, situé à la périphérie d’Istanbul, avaient momentanément empêché l’interpellation d’Ekrem Dumanli, créant la confusion et obligeant la police à quitter l’immeuble sans arrêter aucun des employés du journal.
«Une presse libre ne peut être réduite au silence», scandait la foule en soutien à M. Dumanli qui tentait de mettre au défi la police de venir l’arrêter. Des policiers en civil l’ont finalement embarqué quelques heures plus tard.

Des mandats d’arrêts ont été délivrés contre 31 personnes au total, accusées entre autres de «former un gang pour tenter d’attenter à la souveraineté de l’Etat», a indiqué l’agence gouvernementale Anatolie.

Visés eux aussi, les dirigeants de la chaîne de télévision Samanyolu, proche de Fetullah Gulen, dont un directeur, des producteurs et des journalistes ont également été arrêtés, a précisé Anatolie.

Vendredi, le président Erdogan, déterminé à neutraliser les partisans de son ennemi, avait promis de les «poursuivre jusque dans leurs repaires».
 «Nous ne sommes pas seulement confrontés à un simple réseau, mais à l’un de ceux qui sont le pion des forces du mal dans le pays et à l’étranger», a-t-il affirmé. «Nous les poursuivrons encore dans leurs repaires. Quels que soient ceux qui se tiennent à leurs côtés, derrière eux, nous détruirons ce réseau et le forcerons à rendre des comptes», a ajouté l’homme fort de la Turquie.

Et son premier ministre, Ahmet Davutoglu, de renchérir : «Aujourd’hui, est un jour test». Les partisans de Gülen «vont tous payer pour ce qu’ils ont fait et leur comportement anti-démocratique».

Le régime qui dirige la Turquie depuis 2002 a l’hiver dernier déclaré la guerre au mouvement de M. Gülen, 73 ans, accusé d’avoir constitué un «Etat dans l’Etat» et comploté dans l’ombre pour provoquer sa chute.

Le mouvement Hizmet du prédicateur islamique a nié toute implication dans l’enquête pour corruption visant des proches du président.

Le dirigeant du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kilicdaroglu a dénoncé l’opération de dimanche, parlant d’un «coup d’Etat» que «nous ne pouvons accepter, sous aucun prétexte».

L’Union européenne a dénoncé dimanche soir ces arrestations, estimant qu’ils étaient contraires aux «valeurs européennes» que la Turquie, qui aspire à rejoindre l’UE, est sensée respecter.

Dans un communiqué, la chef de la diplomatie de l’UE Federica Mogherini et Johannes Hahn, commissaire chargé de la politique européenne de voisinage et des négociations d’élargissement, ont également estimé que ces opérations étaient «incompatibles avec la liberté de la presse».