Turquie : décès du procureur, les deux preneurs d'otage tués

Publié le Mardi 31 Mars 2015 à 16:21
Dernière mise à jour, le Mercredi 01 Avril 2015 11:23
AFP- Le procureur turc Mehmet Selim Kiraz, grièvement blessé lors de l'opération de police qui a mis fin mardi 31 mars au soir à sa séquestration dans un tribunal d'Istanbul, par des militants armés d'un groupe d'extrême gauche, est mort des suites de ses blessures, ont annoncé ses médecins. Le magistrat « était gravement touché lorsqu'il est arrivé [à l'hôpital] », « à la tête et à la poitrine », ont-ils indiqué lors d'une déclaration télévisée.

Les deux militants d'un groupe turc d'extrême gauche clandestin, qui l'avaient retenu pendant plusieurs heures ont été tués par les forces de l'ordre, avait annoncé un peu plus tôt le chef de la police d'Istanbul.

Des hommes armés issus d'un groupe d'extrême gauche turc ont pris en otage mardi dans un tribunal d'Istanbul un magistrat chargé d'enquêter sur la mort emblématique d'un jeune homme lors de la fronde antigouvernementale de 2013.

Dans une déclaration publiée sur un site internet qui lui est proche, ce groupe marxiste clandestin, connu pour ses nombreux attentats commis depuis les années 1990 en Turquie, a menacé de tuer le procureur Mehmet Selim Kiraz s'il ne satisfaisait pas un certain nombre de revendications.

Ce magistrat a été chargé d'enquêter sur les circonstances de la mort de Berkin Elvan, mort le 11 mars 2014 après 269 jours d'un coma provoqué par le tir d'une grenade lacrymogène de la police à Istanbul lors d'une manifestation en juin 2013. Selon sa famille, le jeune homme était sorti chercher du pain.

Le Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C) a publié sur les réseaux sociaux une photo montrant son otage assis dans un fauteuil et un pistolet braqué sur la tempe par un homme dont le visage ne figure pas sur le cliché, tandis qu'un autre homme présente à l'objectif la carte d'identité du magistrat.

D'importants effectifs de forces de l'ordre, dont une unité d'intervention, ont été déployés autour du palais de justice de Caglayan, où des négociations étaient en cours entre la police et les preneurs d'otage, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le chef de la police de la métropole, Selami Altinok, a indiqué aux journalistes que des efforts sont déployés «pour qu'il n'y ait aucune effusion de sang» et que «tout marche bien pour l'instant».

Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel turc (RTUK) a par ailleurs décidé d'interdire la diffusion des informations relatives à cette prise d'otages après la publication des photos du procureur dans une situation gênante.

Des médiateurs, dont notamment le président du barreau d'Istanbul, Ümit Kocasakal, sont en contact avec les preneurs d'otages, ont rapporté les médias.

Selon ces sources, au moins trois hommes se revendiquant du DHKP-C ont fait irruption armés en début d'après-midi dans le tribunal, situé sur la rive européenne de la mégapole stambouliote.

Des coups de feu ont été entendus lors de la prise d'otage, ont précisé certains médias, qui n'ont pas fait état de blessés.

Ultimatum
Selon les médias turcs, le commando avait menacé dans sa déclaration sur internet de tuer le procureur d'ici 12h35 GMT si les policiers responsables de la mort de Berkin Elvan ne faisaient pas d'ici là de «confession publique» et s'ils n'obtenaient pas la promesse qu'ils seraient traduits devant un «tribunal du peuple».

Selon le site internet du quotidien Hürriyet, le père de la victime, Sami Elvan, a appelé les ravisseurs à relâcher leur otage lors d'une conversation téléphonique avec un député de l'opposition, Huseyin Aygun.

«Mon fils est mort mais je ne veux pas que quelqu'un d'autre meurt», a déclaré M. Elvan cité par le député, «le procureur doit être libéré, le sang ne peut pas effacer le sang».

Aucun policier n'a pour l'heure été formellement mis en cause dans l'enquête ouverte récemment par le procureur Kiraz.

En mars 2014, l'annonce de décès de Berkin Elvan, âgé de 15 ans à peine, avait fait spontanément descendre dans les rues de Turquie des centaines de milliers de personnes. De nombreux manifestants ont encore commémoré sa disparition le 11 mars dernier dans tout le pays.

Le cas de Berkin Elvan est devenu un symbole de la violente répression exercée par le pouvoir en 2013 et celui de la dérive autoritaire que lui reprochent ses détracteurs. M. Erdogan l'avait publiquement qualifié de «terroriste».

Au moins huit personnes ont été tuées, plus de 8 000 blessées et des milliers d'autres arrêtées, selon les bilans des ONG de défense des droits de l'Homme.

Le 1er janvier dernier, le DHKP-C avait revendiqué un attentat manqué contre des policiers en faction devant la palais impérial de Dolmabahçe, à Istanbul, en indiquant avoir agi pour venger la mort de Berkin Elvan.

Selon certains médias, l'irruption du commando du DHKP-C dans le palais de justice d'Istanbul pourrait avoir été facilité par la panne d'électricité géante qui a frappé la Turquie mardi en profitant d'une panne des détecteurs de métaux situés à l'entrée.