Turquie : Un proche d’Erdogan va succéder à Davutoglu

Publié le Jeudi 19 Mai 2016 à 12:39
 Binali YildirimAFP - Le ministre turc des Transports Binali Yildirim, fidèle compagnon de route du président Recep Tayyip Erdogan, a été désigné pour succéder à Ahmet Davutoglu à la tête du parti au pouvoir et du gouvernement, un choix qui renforce le pouvoir du chef de l'Etat.

La décision a été annoncée jeudi par le porte-parole du Parti de la justice et du développement (AKP), Omer Celik, à l'issue d'une réunion du comité directeur exécutif de cette formation islamo-conservatrice.

M. Yildirim, 60 ans, ministre des Transports presque sans discontinuer depuis 2002, ne s'est jamais écarté de la ligne tracée par M. Erdogan et aura pour principale mission de mener à bien le projet de présidentialisation du régime que le chef de l'Etat appelle de ses voeux.

Dans son discours d'acceptation jeudi à Ankara, M. Yildirim a annoncé la couleur en s'engageant à "travailler en harmonie totale" avec le président Erdogan, qu'il accompagne depuis l'élection de ce dernier à la mairie d'Istanbul en 1994.

Le candidat désigné par l'AKP doit être formellement élu à la tête du parti lors d'un congrès extraordinaire dimanche, moins de trois semaines après l'annonce du retrait du Premier ministre Ahmet Davutoglu, victime, selon les observateurs, de divergences avec M. Erdogan.

Après l'élection du nouveau chef de l'AKP dimanche, M. Davutoglu devrait, selon les médias turcs, remettre sa démission dès lundi à M. Erdogan qui confiera à son successeur la tâche de former un nouveau gouvernement.

MM. Davutoglu et Erdogan s'étaient notamment opposés sur la reprise des négociations avec le PKK et le placement en détention provisoire de journalistes en procès, et le choix d'un homme lige du président permet à ce dernier d'asseoir sa domination sur l'exécutif.

Cette perspective suscite l'inquiétude en Europe, où M. Davutoglu, artisan côté turc de l'accord sur les migrants du 18 mars, était perçu comme un interlocuteur fiable.

L'ouverture du premier Sommet humanitaire mondial lundi à Istanbul, auquel assistera notamment la chancelière allemande Angela Merkel, sera peut-être l'occasion d'un premier contact avec son successeur.

Après l'éviction de M. Davutoglu, M. Erdogan a multiplié les coups de menton en direction de l'Europe, plongeant dans l'incertitude un accord d'exemption de visa pour les citoyens turcs voulant se rendre dans l'espace Schengen, un élément central du pacte plus large visant à réguler le flux de migrants vers l'UE.

M. Yildirim s'est rapidement imposé comme le candidat favori au sein de l'AKP, formation créée en 2001 par M. Erdogan, qui en tient toujours les rênes même si le chef de l'Etat est censé être au-dessus de tout parti au regard de la Constitution.

"Dimanche soir, la fonction de Premier ministre aura changé de sens", a déclaré à l'AFP Fuat Keyman, directeur du groupe de réflexion Istanbul Policy Center. "Le président deviendra le chef de l'exécutif. Le Premier ministre sera lui un rouage fonctionnel de l'exécutif. Il travaillera avec et pour le président", a-t-il ajouté.

La perspective de voir M. Erdogan renforcer encore son pouvoir inquiète ses détracteurs, qui accusent de dérive autoritaire celui qui multiplie les poursuites pour "insulte" contre les journalistes et réclame la levée de l'immunité des parlementaire prokurdes, qui pourraient être jugés pour leur soutien présumé aux rebelles kurdes.

Après le choc causé par l'annonce du retrait de M. Davutoglu, l'AKP a multiplié les messages d'unité, assurant qu'il n'y avait pas de divisions dans ses rangs. Le Premier ministre sortant a ainsi été témoin du mariage de la fille cadette du président Erdogan samedi dernier.

Mais l'instabilité politique a donné des sueurs froides aux marchés, inquiets de voir M. Erdogan accroître son influence sur la gestion de l'économie, domaine dans lequel il fait preuve d'un interventionnisme croissant, exhortant par exemple la banque centrale à abaisser ses taux.

Signe de cette inquiétude, la livre turque a perdu 5% de sa valeur par rapport au dollar au cours du dernier mois.

Berat Albayrak, le gendre du président et actuel ministre de l'Energie, pourrait récupérer le portefeuille clé de l'Economie, selon les analystes.