Tsipras en Turquie pour désamorcer les tensions avec Ankara

Publié le Mardi 05 Février 2019 à 09:11
AFP - Le Premier ministre grec Alexis Tsipras entame mardi une visite en Turquie et cherchera avec le président Recep Tayyip Erdogan à apaiser les tensions sur de nombreux dossiers, même si peu d'avancées sont attendues.

"Nous traversons une période difficile dans nos relations avec la Turquie. C'est pour cette raison qu'il faut continuer à discuter", a souligné lundi le porte-parole du gouvernement grec Dimitris Tzanakopoulos, lors d'un entretien sur la chaîne KritiTv.

"Cette visite pourrait contribuer à une désescalade de la tension entre les deux pays", a-t-il poursuivi, évoquant "la tension en mer Egée, Chypre, la gestion du flux migratoire et la coopération économique et énergétique".

M. Erdogan avait effectué en décembre 2017 la première visite d'un président turc en Grèce en 65 ans. Mais il avait alors surpris en demandant la révision du traité de Lausanne de 1923, qui fixe notamment les frontières entre les deux pays.

"Au cours de ma visite, je pense que nous aurons l'occasion de poursuivre le dialogue difficile, mais franc, entamé en décembre 2017", a déclaré M. Tsipras dans un entretien à l'agence de presse étatique turque Anadolu.

Pour Özgür Ünlühisarcikli, directeur du bureau d'Ankara au German Marshall Fund, les positions des deux pays "sont trop éloignées" pour aboutir à de réelles solutions, et l'objectif est surtout d'évaluer "s'il y a de l'espace pour un dialogue à l'avenir".

Cette visite survient symboliquement quelques jours après le 23e anniversaire d'une grave crise diplomatique concernant des îlots, appelés Imia par la Grèce et Kardak par la Turquie, au coeur de tensions récurrentes entre ces deux membres de l'Otan. En 1996, elles avaient failli dégénérer en conflit armé.

Elle survient également 20 ans après le début du processus de rapprochement entre les deux pays. Après des rapports houleux pendant plusieurs décennies, Athènes avait envoyé en 1999 une aide à la Turquie, frappée par un séisme.

"Même si ces discussions ne mènent nulle part, il y a un semblant de dialogue, et ça, c'est important", insiste Dimitrios Triantaphyllou, directeur du Centre d'études internationales et européennes à l'Université Kadir Has à Istanbul.

"Un résultat concret serait une photo d'un président et d'un Premier ministre souriants, renforçant leur volonté de maintenir de bonnes relations de voisinage", poursuit-il.

Parmi les différends qui opposent les deux pays, figure la question des explorations gazières au large de Chypre, île divisée depuis que l'armée turque a envahi en 1974 le tiers nord en réaction à un coup d'Etat qui visait à rattacher le pays à la Grèce.

La découverte ces dernières années de gigantesques gisements gaziers en Méditerranée orientale a aiguisé l'appétit de Chypre, qui rêve de devenir un grand producteur d'énergie.

Mais Ankara réclame la suspension de toute exploration tant qu'une solution ne sera pas trouvée à la division de l'île, autre sujet de tensions entre les deux pays.

Le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a souligné lors d'une conférence de presse lundi que la Turquie n'accepterait pas de "fait accompli" dans l'est de la Méditerranée, et défendrait le partage "équitable et juste" des ressources.

Par ailleurs, Ankara et Athènes s'opposent sur le tracé de leur frontière en mer Egée, où des incidents maritimes ou aériens ont régulièrement lieu.

Autre sujet brûlant: la question migratoire.

Le pacte entre la Turquie, qui accueille plus de 3,5 millions de réfugiés syriens, et l'Union européenne signé en mars 2016 a considérablement limité l'arrivée de candidats à l'asile depuis les côtes turques. Mais des centaines de personnes continuent de débarquer chaque jour sur les îles grecques. Environ 5.000 l'ont fait entre septembre et décembre, accroissant la pression sur des camps grecs de réfugiés déjà bondés.

Le nombre de traversée à la frontière terrestre entre les deux pays a lui aussi augmenté, passant de 5.400 en 2017 à 14.000 en 2018, selon le ministre grec de la Politique migratoire, Dimitris Vitsas.

La Turquie reproche par ailleurs à Athènes d'avoir accordé l'asile à des soldats turcs ayant fui le pays après le putsch manqué de juillet 2016.

Après Ankara, M. Tsipras doit se rendre mercredi à Istanbul pour une rencontre avec le patriarche orthodoxe Bartholomée.