Ryad dément qu’un ordre ait été donné pour tuer Khashoggi

Publié le Samedi 13 Octobre 2018 à 08:48
AFP - L'Arabie saoudite a rejeté samedi comme "infondées" les allégations selon lesquelles Ryad aurait ordonné de tuer Jamal Khashoggi, journaliste dissident disparu à Istanbul, envoyant en Turquie une équipe pour collaborer à l'enquête.

Cette disparition, qui a suscité la vive inquiétude de plusieurs pays occidentaux dont les Etats-Unis où le journaliste s'était exilé en 2017, intervient à un mauvais moment pour Ryad qui doit accueillir un sommet économique de premier plan du 23 au 25 octobre.

Le ministre saoudien de l'Intérieur Abdel Aziz ben Saoud ben Nayef a dénoncé samedi "ce qui a été rapporté dans certains médias à propos de fausses accusations contre l'Arabie saoudite (...) au sujet de l'affaire de la disparition du citoyen Khashoggi".

"Ce qui a été rapporté au sujet d'ordres de le tuer est un mensonge et une allégation infondée", a ajouté le ministre, dans des propos rapportés par l'agence de presse officielle SPA.

M. Khashoggi, un journaliste collaborant notamment avec le Washington Post et critique du prince héritier Mohammed ben Salmane, a été vu pour la dernière fois le 2 octobre en train d'entrer dans le consulat saoudien d'Istanbul, où il était venu obtenir un document nécessaire à son futur mariage.

Quatre jours plus tard, des responsables turcs cités par les médias ont affirmé qu'il avait été tué dans le bâtiment, des allégations aussitôt jugées "infondées" par Ryad.

La police turque a par la suite indiqué qu'une équipe de 15 Saoudiens était arrivée à Istanbul par avion le 2 octobre. Selon des médias turcs, ces hommes sont venus tuer le journaliste et ont récupéré des images de vidéo surveillance, avant de quitter le pays.

Ryad a affirmé pour sa part que les caméras du consulat ne fonctionnaient pas ce jour-là.

Selon le Washington Post, Ankara aurait affirmé à Washington détenir des enregistrements audio et vidéo montrant comment Khashoggi a été "interrogé, torturé puis tué" à l'intérieur du consulat, avant que son corps ne soit démembré.

L'Arabie saoudite a envoyé à Ankara une délégation saoudienne pour des entretiens ce week-end avec des responsables turcs au sujet de l'enquête sur cette affaire.

Elle s'était félicitée vendredi de l'ouverture d'une enquête conjointe avec la Turquie pour élucider les "circonstances" de la disparition.

Dans un communiqué, SPA cite une source officielle exprimant sa "confiance absolue dans la capacité de l'équipe de travail conjointe (...) pour mener à bien sa mission de la meilleure façon possible".

Le ministre saoudien de l'Intérieur a assuré samedi que son pays était attaché au "respect des règles et des conventions internationales".

Les quotidiens turcs Sözcü et Milliyet ont rapporté que M. Khashoggi portait, lorsqu'il est entré au consulat, une "montre intelligente" connectée à un téléphone qu'il avait laissé entre les mains de sa fiancée, Hatice Cengiz.

Les deux journaux affirment que des enregistrements audio ont ainsi été transmis au téléphone et sont actuellement examinés par la justice turque. Toutefois, si Milliyet dit que des cris et une querelle ont été enregistrés, Sözcü avance que des dialogues, mais pas de cris, peuvent être entendus dans cet enregistrement de "quelques minutes".

L'affaire a suscité une forte inquiétude à l'étranger, notamment parmi les alliés de Ryad.
Le président américain Donald Trump a déclaré qu'il allait étudier la situation "très, très sérieusement", même s'il se limite à ce stade à des demandes d'explications. La Maison Blanche et le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo se sont entretenus avec le prince héritier Mohammed ben Salmane.

La fiancée du journaliste a de nouveau interpellé vendredi M. Trump, à qui elle avait déjà demandé de l'aide pour faire la lumière sur cette affaire.

L'affaire Khashoggi a aussi refroidi des investisseurs qui s'enthousiasmaient encore il y a un an pour les pharaoniques projets économiques du prince héritier, comme le milliardaire britannique Richard Branson, qui a gelé plusieurs projets dans le royaume.

Des partenaires tels que le Financial Times, le New York Times et The Economist ont retiré leur soutien à la deuxième édition du sommet "Future Investment Initiative" du 23 au 25 octobre.

Le patron d'Uber, Dara Khosrowshahi, a annoncé qu'il n'irait pas non plus, "à moins qu'une série de faits considérablement différents n'émerge", selon Bloomberg.

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a confirmé elle son intention d'y participer. Elle s'est cependant dite "horrifiée" par l'affaire Khashoggi, soulignant son attachement aux droits de l'Homme.

Le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin a également confirmé sa présence au sommet. "Si plus d'informations apparaissent la semaine prochaine, je les prendrai bien sûr en compte", a-t-il précisé samedi.