Rwanda : La France bannie de la commémoration du Génocide

Publié le Lundi 07 Avril 2014 à 11:56
AFP - Michel Flesch ne pourra donc comme prévu remplacer la garde des Sceaux française, Christiane Taubira, dont le déplacement avait été annulé. Un ancien officier français a, par ailleurs, dénoncé lundi le soutien de Paris au régime génocidaire en 1994.

Hier à 22h30, le ministère des Affaires étrangères rwandais m’a téléphoné pour m’informer que je n’étais plus accrédité pour les cérémonies», a expliqué Michel Flesch, indiquant qu’il ne se rendrait donc pas au Stade Amahoro - le plus grand stade de la capitale rwandaise - où le président Kagame doit lancer dans la matinée les commémorations officielles. Par ailleurs, «à la question de savoir si je pouvais me rendre dans l’après-midi au mémorial (du génocide) de Gisozi, pour y déposer une gerbe, il m’a été répondu "non"», a-t-il ajouté.

La France, alliée en 1994 du régime extrémiste hutu à l’origine du génocide et dont le rôle dans les massacres reste controversé, avait initialement décidé samedi d’annuler sa participation aux cérémonies, après les propos de Paul Kagame, avant d’annoncer dimanche soir qu’elle serait représentée par son ambassadeur.

«Les autorités rwandaises ont retiré l’accréditation de l’ambassadeur de France à Kigali aux cérémonies de commémoration du 20e anniversaire du génocide de 1994 au Rwanda, l’empêchant d’y représenter Paris, a annoncé lundi le diplomate. Michel Flesch ne pourra comme prévu remplacer lundi, à la cérémonie officielle de lancement des commémorations, la garde des Sceaux française, Christiane Taubira, qui devait initialement conduire la délégation française à Kigali.

Le déplacement de la ministre française et de sa délégation avait été annulé après des propos du président rwandais Paul Kagame, accusant la France d’avoir joué un «rôle direct dans la préparation du génocide» et d’avoir participé «à son exécution même ».

L’ancien Premier ministre Edouard Balladur (1993-95), qui était à Matignon au moment du génocide au Rwanda a qualifié de «mensonge intéressé» les accusations de Paul Kagame impliquant Paris dans cette tragédie. Sur Europe 1, il a regretté qu’il ait été envisagé d’envoyer un ministre à Kigali pour les commémorations du massacre, car «les incidents qui se produisent étaient prévisibles compte tenu de ce qu’est M. Kagame et sa pratique constante». «Il cherche sans cesse à mettre en cause la France alors que lui-même n’a pas réussi, au bout de vingt ans, à rassembler le peuple rwandais», a poursuivi le responsable UMP.

Selon lui, «la France n’est en rien complice du génocide, au contraire elle est de tous les pays du monde le seul qui ait pris l’initiative d’organiser une opération humanitaire pour éviter un massacre généralisé». «Le gouvernement que je dirigeais a, dès qu’il a été installé, mis fin à toute livraison d’armes au Rwanda et retiré les troupes françaises», a-t-il poursuivi. «Il fallait surtout que la France ne soit pas prise en tenaille dans une guerre civile qui se développait et qu’on ne pouvait pas arrêter», a-t-il encore fait valoir.

La tension entre Kigali et Paris autour de la commémoration du génocide marque un coup d’arrêt à la normalisation des relations entre les deux pays qui, malgré une réconciliation officielle en 2010, restent très instables. La France a admis en 2010 «de graves erreurs d’appréciation» au Rwanda mais a toujours refusé de présenter des excuses, attendues par Kigali. Les commémorations du 10e anniversaire du génocide de 2004 avaient déjà été marquées par un grave incident entre Kigali et Paris. La délégation française, conduite par le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères de l’époque, Renaud Muselier, avait raccourci sa visite, après que Paul Kagame s’en fut pris dans son discours aux Français qui «ont l’audace de rester là sans s’excuser».

Entre avril et juillet 1994, quelque 800 000 personnes, essentiellement issues de la minorité Tutsi, ont été massacrées en une centaine de jours au Rwanda.