Puigdemont se présente comme le président catalan "légitime" en exil

Publié le Samedi 04 Novembre 2017 à 09:03
AFP - Destitué par Madrid et réclamé par la justice espagnole, Carles Puigdemont se présente désormais comme le président du gouvernement catalan "légitime" en exil à Bruxelles. Mais son attitude déconcerte et divise les Catalans autant que la question de l'indépendance.

Improvise-t-il ou avait-il peaufiné cette stratégie? Est-il déconcertant car déconcerté ou bien très astucieux?

A Barcelone, les politologues s'avouent perplexes tel Joan Botella qui constate: "Puigdemont a énormément surpris par sa fuite en Belgique et son comportement imprévisible".

En une semaine, la Catalogne a vécu une déclaration d'indépendance restée sans effet, sa mise sous tutelle immédiate par le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy, le départ surprise de son président destitué puis le placement en détention provisoire de la moitié du gouvernement déchu.

Dans une vidéo diffusée jeudi soir, l'ancien journaliste de 54 ans a lancé un appel à la Catalogne, assurant qu'une "répression longue et féroce" l'attendait et quelle devrait résister "sans violence".

Visé depuis vendredi par un mandat d'arrêt européen, il risque d'être envoyé en détention provisoire pour "sédition, rébellion et malversation", accusé par le parquet d'avoir organisé "un mouvement d'insurrection active" pour parvenir à la sécession.

Mais il compte bien se servir "du haut-parleur que cela suppose d'être dans la capitale de l'Europe" pour contester des emprisonnements "politiques", tandis qu'au parti de M. Rajoy on le taxe de "lâcheté" ou assure qu'il fait juste "le pitre" à Bruxelles.

L'homme à l'épais casque de cheveux bruns à la Beatles est désormais le visage le plus connu internationalement d'un mouvement indépendantiste catalan hétérogène - de l'extrême gauche au centre droit - ayant réuni 47,7% des voix aux élections régionales de 2015.

En janvier 2016, il était maire de Gérone (98.000 habitants) et député catalan quand il avait été appelé, par surprise, à diriger cette coalition de partis résolus à mener les 7,5 millions de Catalans vers l'indépendance.

Dans son propre camp, les plus modérés l'ont encouragé récemment à ralentir le processus.

Et le 26 octobre, beaucoup ont cru qu'il allait convoquer des élections: mais après des heures de tergiversations, il y a renoncé en assurant n'avoir pas obtenu la garantie que Madrid ne prendrait pas malgré tout le contrôle de la région.

Depuis, il a accepté que son parti participe le 21 décembre à des élections convoquées par... Rajoy.

"Il se repentira toujours de ne pas avoir convoqué des élections" lui-même, avait alors jugé l'analyste Enric Juliana dans le quotidien La Vanguardia, assurant que Puigdemont n'avait pas supporté "qu'on l'appelle +traître+ sur Twitter".

Il était en effet soumis à toutes sortes de pressions, au sein de sa fragile majorité, poussant à une proclamation immédiate d'indépendance.

Une fois la "république catalane" proclamée, la région était restée vaguement étonnée qu'il ne se passe rien, comme si les indépendantistes n'avaient pas de plan.

Mais il a assuré avoir choisi "la stratégie de la non-confrontation" pour "éviter la violence" puisque Madrid prenait le contrôle du territoire.

Sa figure est désormais absolument clivante en Catalogne.

Une partie des Catalans lui reproche d'avoir agi en tournant le dos à une bonne moitié de la région qui n'a jamais voulu la sécession et d'avoir mis sérieusement en danger son économie.

"Puigdemont est parti sans payer les gambas: il n'est pas logique qu'il proclame une chose et disparaisse par peur des conséquences", juge Santiago Bronchales, un employé de distillerie de 39 ans, non indépendantiste, tandis qu'un de ses collègues réserve à Puigdemont un lot d'injures dont "clown" est l'une des plus douces.

Une autre partie de Catalans le considère toujours comme le "président catalan légitime" ou, pour le moins, le crédite d'être honnête ou fidèle à ses idées.

Surtout, l'incarcération de huit membres du gouvernement destitué suscite des réactions d'indignation, même au-delà de son camp.

"Il a très bien fait de partir parce qu'ils allaient l'arrêter et comme ça il internationalise notre problème", dit Adria Arboix, neurologue de 59 ans et indépendantiste revendiqué. Pour lui, "ils avaient déclaré l'indépendance pour forcer Madrid à négocier mais ne pouvaient pas défendre la République alors qu'il y avait au port de Barcelone 6.000 gardes civils prêts à intervenir".

Dans une biographie publiée en 2016, un journaliste ami, Carles Porta avertissait: "Il a cette qualité (ou ce défaut): il est têtu".