Poutine à Istanbul pour sceller sa réconciliation avec Erdogan

Publié le Lundi 10 Octobre 2016 à 16:01
AFP - Le président russe Vladimir Poutine est arrivé lundi à Istanbul pour participer à un sommet sur l'énergie et rencontrer son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, scellant leur réconciliation en dépit des désaccords sur la Syrie.

Les présidents russe Vladimir Poutine et turc Recep Tayyip Erdogan ont entamé lundi à Istanbul des discussions qui devraient être axées sur la coopération énergétique, passant sous silence leurs profonds désaccords sur la Syrie.

L'entretien, dans un palais d'Istanbul, a eu lieu en marge du Congrès mondial de l'Energie organisé dans la métropole turque en présence de M. Poutine qui a effectué pour l'occasion sa première visite en Turquie depuis la fin d'une grave crise diplomatique entre les deux pays.

Après plusieurs mois de brouille consécutive à la destruction par l'aviation turque d'un chasseur russe au-dessus de la frontière syro-turque en novembre 2015, les deux dirigeants semblent déterminés à tourner la page.

Leur entretien lundi est le troisième depuis que Moscou et Ankara ont décidé fin juin de normaliser leurs relations mais le premier en Turquie.

Ils entendent réaffirmer leur engagement de mener à bien le projet de gazoduc russo-turc TurkStream, qui doit acheminer le gaz russe vers l'Europe en passant par la mer Noire, ainsi que pour la construction par Moscou de la première centrale nucléaire turque.

En représailles à la destruction de son bombardier, la Russie avait imposé une série de sanctions économiques contre la Turquie, dont l'interdiction de vols charters vers le pays. Cette mesure s'était traduite par un effondrement de 83% du nombre des touristes russes en Turquie en un an, selon des chiffres officiels turcs.

En dépit de leur récent rapprochement, Moscou et Ankara sont toujours fermement opposés sur le dossier syrien : le premier est un allié clef du régime du président Bachar al-Assad, alors que le second appuie la rébellion qui veut le chasser du pouvoir.

Mais les deux parties semblent avoir mis cette question sous le tapis pour se concentrer sur les domaines de potentielle coopération, notamment l'énergie.

Signe de ce pragmatisme, la Turquie et la Russie ambitionnent de renforcer leurs échanges économiques pour les porter à 100 milliards de dollars par an.

"Le processus de guérison a commencé, chacun laissant derrière lui le souvenir aigre des dix derniers mois écoulés pour se concentrer sur certains domaines, comme l'énergie, où les deux pays ont un intérêt mutuel à coopérer", a expliqué à l'AFP Andrew Neff, analyste chez IHS Energy.

Pour l'expert, la Turquie adresse aussi à l'Occident, à travers ce rapprochement, un message montrant qu'elle peut encore "suivre sa propre voie", alors que M. Erdogan a exprimé le sentiment qu'il avait été peu soutenu par ses partenaires européens et américains après le putsch avorté de la mi-juillet.

Le gazoduc TurkStream doit permettre d'acheminer de la Russie vers l'Europe 31,5 milliards de mètres cubes de gaz par an, et limiter le recours de Moscou à l'Ukraine.

Ce projet stratégique avait été dévoilé fin 2014 en même temps que l'abandon, en pleine crise ukrainienne, du projet South Stream par la mer Noire, bloqué par l'Union européenne.

"Les études montrent que le tracé turc est le plus rentable et le plus économique pour transférer" le gaz, s'est félicité au cours de son discours le président turc Recep Tayyip Erdogan, invitant son partenaire russe à "continuer ce principal projet".

Mais les analystes restent sceptiques quant à la rentabilité du projet et sa réalisation, la construction du gazoduc n'ayant toujours pas commencé.

"TurkStream est plus un rêve qu'un vrai gazoduc", souligne M. Neff, relevant par ailleurs que l'objectif initial d'assurer les premiers approvisionnements en 2017 semble "trop optimiste" à ce stade.