Manuel Valls évoque un apartheid territorial, social, et ethnique en France

Publié le Mardi 20 Janvier 2015 à 15:50
Manuel VallsAFP - Face à "l'apartheid territorial, social, ethnique" en France, Manuel Valls a promis mardi un combat contre les inégalités pour refonder "la citoyenneté", un mot qu'il préfère à celui d'intégration qui, a-t-il dit, "ne veut plus rien dire". La lutte "avec acharnement" contre les inégalités, "est au cœur de cet enjeu fondamental qu'est la citoyenneté. C'est-à-dire ce sentiment d'appartenir à une même nation, d'avoir un destin commun, d'avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs", a déclaré le Premier ministre lors de ses vœux à la presse à Matignon. "Cette citoyenneté - ne parlons pas d'intégration, oublions les mots qui ne veulent plus rien dire - nous le sentons bien, (...) a besoin d'être refondée, renforcée, relégitimée", "peut-être d'autant plus" depuis la grande manifestation d'hommage aux victimes des attentats le 11 janvier.

"Le mot d'intégration ne veut plus rien dire, parce que ces personnes sont déjà françaises", a décrypté mardi son entourage. D'après le Premier ministre, "nous devons combattre chaque jour ce sentiment terrible qu'il y aurait des citoyens de seconde zone ou des voix qui compteraient plus que d'autres" ou "moins que d'autres". Manuel Valls a dit son inquiétude face à "la relégation périurbaine, les ghettos - ce que j'évoquais en 2005 déjà -, un apartheid territorial, social, ethnique, qui s'est imposé à notre pays".

Dans un livre d'entretiens avec Virgine Malabard, intitulé La Laïcité en face (2005, Ed. Desclée de Brouwer), Manuel Valls, évoquant différents types de ségrégation, affirmait : "J'ai même parfois parlé d'apartheid, car c'est vraiment le sentiment que l'on peut avoir dans certains endroits". Celui qui était alors député de l'Essonne avait réutilisé ce vocable en 2009 lorsqu'il avait justifié sur Direct 8 des propos polémiques filmés dans un reportage. On l'y avait vu dire à un conseiller : "Belle image de la ville d'Evry. Tu me mets quelques Blancs, quelques White, quelques Blancos". Son rejet de la notion d'"intégration" n'est pas non plus nouveau : Manuel Valls avait déjà affirmé, lors de l'Université d'été du PS à La Rochelle cet été, que "30 ans de politiques d'intégration destinées à des populations choisies pour leurs origines ont fait fausse route". Il disait déjà leur préférer des "politiques de citoyenneté".

"Qui peut croire un seul instant qu'il ne faudra pas une génération pour réformer en profondeur l'école, et pour réduire les profondes inégalités de nos quartiers et les quartiers populaires?", a demandé mardi le locataire de Matignon, détaillant largement les actions du gouvernement (pacte de responsabilité, éducation, lutte contre les inégalités, mais aussi environnement, etc.).

Alors que de nombreuses manifestations violentes, parfois mortelles, se sont produites dans le monde contre les dessins des caricaturistes de Charlie Hebdo, Manuel Valls a affirmé, dans ce discours de 50 minutes, que "Je suis Charlie", le slogan emblématique de soutien à la liberté d'expression, "n'est pas le seul message de la France au monde". "Il ne faut pas réduire la France à un seul message. La France porte la liberté d'expression partout, mais elle défend aussi d'autres valeurs qui nous sont chères : la paix, le respect des convictions, le dialogue entre les religions", a-t-il déclaré. Manuel Valls a aussi revendiqué sa "constance", notamment "pour être fidèle à l'esprit du 11 janvier" et a lancé un appel à la "fierté" d'être citoyen français, un message déjà porté dans sa carte de vœux pour 2015.