Malaisie : Mahathir, 92 ans, sera intronisé Premier ministère, après une victoire historique

Publié le Jeudi 10 Mai 2018 à 12:46
Mahathir MohamadAFP - L'ex-homme fort de Malaisie, Mahathir Mohamad, 92 ans, a dit s'attendre à être intronisé Premier ministre jeudi, au lendemain d'une victoire historique de l'opposition aux législatives qui sonne le glas d'une coalition au pouvoir depuis 61 ans.

Quinze ans après avoir quitté le pouvoir, Mahathir a effectué un retour spectaculaire sur le devant de la scène politique pour défier son ex-protégé, le Premier ministre sortant Najib Razak, infligeant une défaite cinglante au Barisan Nasional (Front national, BN), la coalition qui dirige le pays depuis l'indépendance en 1957 de l'ex-colonie britannique.

A la tête d'une coalition d'opposition formée de nombreux politiciens qui s'étaient opposés à lui du temps où il était chef du gouvernement (1981-2003), Mahathir a déjoué tous les pronostics en réussissant à déloger Najib, au pouvoir depuis 2009 et empêtré dans un énorme scandale de détournements de fonds.

La victoire de l'opposition a entraîné des scènes de liesse dans les rues de Kuala Lumpur dans la nuit de mercredi à jeudi. Mahathir est désormais appelé à devenir le plus vieux dirigeant au monde.

Cependant, une certaine confusion autour du transfert de pouvoir est apparue jeudi matin après que Mahathir n'a pas été intronisé Premier ministre par le roi de Malaisie, comme attendu.

"Nous nous attendons à ce que je sois investi Premier ministre aujourd'hui", a déclaré M. Mahathir lors d'une conférence de presse.

"C'est urgent maintenant. La Malaisie est actuellement sans gouvernement", a-t-il ajouté peu après la première apparition publique de Najib après sa défaite.

"J'accepte le verdict du peuple", a déclaré Najib, 64 ans, visiblement bouleversé par le revers encaissé par sa coalition. Mais il n'a pas clairement concédé sa défaite, ajoutant que c'était au roi de décider qui serait le prochain Premier ministre, dans la mesure où aucun parti n'a de majorité à lui seul.

Selon des analystes, il pourrait s'agir d'une tactique de la part de Najib visant à essayer de gagner du temps en vue de rallier des députés de l'opposition vers le Barisan Nasional (Front national, BN) pour essayer de se maintenir au pouvoir.

La coalition d'opposition dirigée par Mahathir, le Pacte de l'Espoir, a remporté 121 sièges au Parlement qui compte 222 députés, soit la majorité absolue pour former un gouvernement. Le BN a obtenu seulement 79 sièges, contre 133 lors des précédentes législatives.

La victoire de Mahathir intervient à l'issue d'une intense campagne émaillée d'échanges virulents entre les deux camps. Le gouvernement dirigé par Najib a été accusé par ses détracteurs d'avoir effectué peu avant les élections un redécoupage électoral favorable à sa coalition, certains dénonçant une fraude électorale avec l'apparition de personnes décédées sur les listes d'émargement.

Wan Junaidi Tuanku Jaafar, un fidèle partisan du BN et ex-ministre de l'Environnement, a appelé jeudi les membres de sa coalition à effectuer une sortie en douceur.

"Nous ne pouvons nous permettre aucune turbulence dans le pays. Le BN devrait remettre le pouvoir de bonne grâce", a-t-il déclaré à l'AFP.

La chute de Najib est un prélude à d'autres problèmes qui attendent le chef de gouvernement sortant. Mahathir a promis de le faire traduire en justice pour répondre des accusations de détournements au détriment du fonds souverain 1MDB, créé par Najib à son arrivée au pouvoir en 2009 et aujourd'hui endetté à hauteur de 10 milliards d'euros.

Depuis 2015, la Malaisie est secouée par ce scandale au coeur d'allégations de corruption qui fait l'objet d'enquêtes dans plusieurs pays, notamment en Suisse, à Singapour et aux Etats-Unis.

L'aspect le plus spectaculaire du retour de Mahathir sur le devant de la scène politique est sa réconciliation avec son ancien ennemi juré Anwar Ibrahim, un ex-dirigeant de l'opposition qui purge actuellement une peine de cinq ans de prison pour sodomie, en vertu d'un jugement controversé. Mahathir a promis de céder la place à Anwar, âgé de 70 ans, une fois sorti de prison.