Macron plaide pour une "majorité de changement" aux législatives

Publié le Lundi 08 Mai 2017 à 09:31
Reuters - Emmanuel Macron devrait avoir remporté l'élection présidentielle avec plus de 66% des suffrages exprimés, selon les derniers résultats publiés par le ministère de l'Intérieur sur la base de la quasi-totalité des résultats reçus.

Le candidat d'En Marche !, qui avait d'abord été donné vainqueur avec un score de plus de 65%, a remporté 66,06% des suffrages exprimés, soit plus de 20,7 millions de voix, selon un décompte fourni par le ministère de l'Intérieur sur la base de 99,99% des suffrages reçus.
Sa rivale Marine Le Pen aurait remporterait 33,94% des suffrages, soit plus de 10,6 millions de voix, toujours selon ce même décompte non encore définitif.

Emmanuel Macron a appelé dimanche à l'élection d'une "majorité de changement" lors des élections législatives des 11 et 18 juin, après sa victoire à l'élection présidentielle française.

"Notre tâche est immense et elle imposera de construire dès demain une majorité vraie, une majorité forte, cette majorité de changement, c'est ce à quoi le pays aspire et c'est ce qu'il mérite", a-t-il déclaré devant des milliers de personnes rassemblées dans la cour du Louvre pour fêter sa victoire.

"Cette majorité de changement, c'est cela ce que j'attends de vous dans six semaines car j’aurai encore et encore besoin de vous", a-t-il ajouté.

Le président-élu a dit avoir conscience que nombre d'électeurs avaient voté pour lui pour faire échec à Marine Le Pen et qu'il n'avait donc pas obtenu de "blanc-seing".

Quant à ceux qui ont voté pour la candidate du Front national, "ils ont exprimé aujourd'hui une colère, un désarroi, parfois des convictions. Je les respecte. Mais je ferai tout durant les cinq années qui viennent pour qu'ils n'aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes", a-t-il ajouté.

L'élection d'Emmanuel Macron à la présidence française rassure l'Europe en donnant un coup d'arrêt à la montée du populisme mais le plus jeune président de la Ve République sait qu'il ne pourra pas miser sur un état de grâce dans le pays.

C'est le paradoxe d'un scrutin qui fait de l'ex-ministre de l'Economie un des chefs d'Etat français les mieux élus, un an après la création de son mouvement En Marche!, mais dont le score (plus de 65% des voix) est en partie en trompe l'oeil.

"Vu de l'étranger, c'est excellent parce que ça rajeunit le pays, qui en avait besoin, et ça envoie un signal extrêmement fort en Europe, sur l'équilibre de la construction européenne", estime le constitutionnaliste Philippe Cossalter. Le porte-parole d'Angela Merkel a félicité Emmanuel Macron dans les minutes qui ont suivi l'annonce de sa victoire - "Une victoire pour une Europe unie et forte et pour l'amitié franco-allemande", a-t-il écrit dans un tweet. L'euro a franchi dimanche soir le seuil de 1,10 dollars pour la première fois depuis l'élection de Donald Trump.

Il n'en reste pas moins que plus de 10 millions d'électeurs ont voté pour Marine Le Pen, le meilleur score du FN, près de deux fois plus que son père, Jean-Marie, face à Jacques Chirac en 2002. Quelque 11 millions d'autres électeurs se sont abstenus et quatre millions ont voté blanc ou nul.

Emmanuel Macron va devoir présider un pays qui a voté au premier tour à près de 50% pour des candidats anti-européens et anti-libéraux et dont une partie des électeurs du second tour, ont voté pour lui par rejet du FN plus que par adhésion.

Tout sauf un "blanc-seing", comme l'a reconnu lui-même après sa victoire Emmanuel Macron, qui a promis de ne pas refaire l'erreur de Jacques Chirac en 2002, présider avec une majorité et un gouvernement limités à sa famille politique.

"Je ne ferai pas comme si rien ne s'était passé", jurait il y a quelques jours le successeur de François Hollande, qui a fait du renouvellement politique son image de marque. Sa première tâche sera la constitution d'un gouvernement faisant appel à des femmes et des hommes expérimentés sans dénaturer son projet.

Mais son premier vrai défi sera de convertir sa victoire en majorité, lors des législatives des 11 et 18 juin, avec des candidats désormais étiquetés "République en marche".

"Emmanuel Macron revendique une majorité de plein exercice. C'est notre objectif", confie le député Christophe Castaner, un soutien de la première heure, qui n'exclut cependant pas une majorité relative. S'il ne paraît pas hors d'atteinte, cet objectif reste un pari, à en juger par les premiers sondages sur les législatives.

Selon une enquête Harris interractive-M6 publiée dimanche soir, l'alliance En Marche !-MoDem recueillerait 26% des intentions de vote, devant la coalition Républicains-UDI (22%), le Front national (22%) et la France insoumise (13%). "Je n'aurai pas d'état de grâce", admettait Emmanuel Macron sur Europe 1 deux jours avant le verdict des urnes.

"C'est pour cela qu'il faut aller vite", complète Christophe Castaner. "Y compris en assumant l'impopularité d'outils comme les ordonnances. Il n'est pas question qu'on mette deux ans pour être efficace sur les politiques en faveur de l'emploi."

Le nouveau chef de l'Etat entend ainsi dès cet été lancer une réforme par ordonnances du marché du travail, qui fait déjà grincer les dents des syndicats, en particulier la CGT et FO, ainsi que des mesures de simplification des relations avec l'administration, dont un droit à l'erreur en matière fiscale.

"On peut s'attendre à une mobilisation syndicale et populaire extrêmement forte" contre la réforme du marché du travail, estime l'économiste Nicolas Bouzou.

"On sous-estime complètement le fractionnement du pays. Une très grande partie de la population déteste Emmanuel Macron et ce qu'il représente. Et il faudra quand même réformer pour eux", ajoute le directeur du cabinet d'études Asteres. "Il va falloir une seule chose pour que ça marche : tenir."

Pour Emmanuel Macron, l'enjeu n'est pas seulement d'obtenir des résultats rapidement en France, il est aussi de convaincre ses partenaires européens que la France a bien changé d'époque.