L’Occident temporise sur une possible offensive contre la Syrie

Publié le Jeudi 29 Août 2013 à 10:57
Obama dit ne pas avoir pris de décision au sujet d'une attaque en Syrie. AFP - Les puissances occidentales, Etats-Unis en tête, temporisaient jeudi sur une possible attaque militaire contre la Syrie, tout en affichant, comme le président américain Barack Obama, leur volonté de donner "un coup de semonce" à Damas pour l'usage d'armes chimiques.

Barack Obama a affirmé mercredi dans une interview télévisée ne pas avoir pris de décision sur une éventuelle intervention en Syrie, mais a évoqué un "coup de semonce", tandis que Londres disait vouloir attendre l'enquête de l'ONU sur l'attaque chimique qui a fait des centaines de morts le 21 août.

Sans surprise, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie et Chine) ont affiché de leur côté leurs désaccords sur une résolution justifiant une offensive militaire en Syrie."Je n'ai pas encore pris de décision" sur une action en Syrie, a indiqué le président des Etats-Unis sur la télévision publique PBS.

Pendant le week-end, alors qu’émergeaient les détails de l'attaque à l'arme chimique près de Damas, les Etats-Unis avaient considérablement durci le ton contre le régime syrien, et une intervention armée avait ensuite semblé imminente alors que les tractations s'intensifiaient entre Washington et ses alliés occidentaux, Londres et Paris en tête.

Mercredi, tout en assurant que son pays avait conclu à la responsabilité du gouvernement de Bachar al-Assad dans cette attaque chimique, le président des Etats-Unis a écarté un "engagement direct militaire" de son pays dans la guerre civile syrienne.

L'idée sous-jacente est que le gouvernement syrien "reçoive un message assez fort sur le fait qu'il ferait mieux de ne pas recommencer" à utiliser des armes chimiques, a-t-il expliqué. "Si nous envoyons un coup de semonce pour dire +arrêtez+, nous pouvons avoir un impact positif sur notre sécurité nationale à long terme", a encore argumenté le président.

Le Royaume-Uni de son côté ne va pas lancer d'action militaire en Syrie avant d'avoir eu connaissance des résultats des experts de l'ONU qui enquêtent sur place sur l'attaque du 21 août, selon une motion du gouvernement qui doit être soumise jeudi à un vote du Parlement.
A Paris, le porte-parole du gouvernement français, Mme Najat Vallaud-Belkacem, a estimé jeudi matin que la riposte militaire préparée par les Occidentaux à l'attaque chimique est "compliquée à construire".

Selon le patron des Nations unies Ban Ki-moon, les experts ont besoin de quatre jours pour boucler leur mission entamée lundi, avant de procéder à des analyses et de présenter leur rapport.
Ces experts ont mené mercredi leur deuxième visite sur l'un des sites attaqués et effectué des prélèvements sanguins, d'urine et de cheveux auprès de victimes.

Les projets occidentaux d'intervention en Syrie sont "un défi" à la Charte de l'ONU, a fait savoir le vice-ministre russe des Affaires étrangères Guennadi Gatilov au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, selon un communiqué publié jeudi de la diplomatie russe.

"A ce stade il faut utiliser tous les instruments possibles politico-diplomatiques, avant tout laisser les experts de l'ONU mener à bien leur enquête sur l'attaque chimique présumée et rendre leurs comptes à l'ONU", selon la même source.

Au Conseil de sécurité, la ligne de fracture entre les cinq pays membres permanents a reflété fidèlement les positions de chacun sur le conflit.

Les ambassadeurs russe et chinois, soutiens de Damas, ont quitté la salle où se tenaient les consultations sur un projet de résolution britannique au bout d'une heure et quart. Les représentants des trois autres pays (France, Royaume-Uni, Etats-Unis) sont sortis sans faire de déclarations.

Selon le gouvernement britannique, le texte devait autoriser un recours au "chapitre VII de la Charte de l'ONU" qui prévoit notamment des mesures pouvant aller jusqu'à une opération militaire.

Mais le pouvoir syrien a démenti tout recours aux armes chimiques, accusé les rebelles et expliqué que les Occidentaux "inventaient" des prétextes pour attaquer.

Pour le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, une frappe provoquerait une "déstabilisation supplémentaire de la situation", tandis que l'Iran, autre allié de Damas, a jugé qu'une action militaire "serait un désastre pour la région".

Même si une intervention directe de l'Otan n'est pas à l'ordre du jour selon un diplomate, l'Alliance atlantique a elle aussi jugé qu'un recours aux armes chimiques ne pouvait "rester sans réponse".

Selon les spécialistes, les raids éventuels seront menés avec des missiles Tomahawk embarqués sur des navires croisant en Méditerranée et/ou des chasseurs-bombardiers opérant hors de l'espace aérien syrien.

Israël a autorisé un rappel limité de réservistes et déployé des batteries antimissiles à sa frontière nord avec la Syrie. La Turquie a renforcé son niveau de vigilance.
La perspective d'une frappe a fait également monter le prix du baril de pétrole qui a atteint son plus haut en deux ans à New York à 110,10 dollars mercredi.

Des pays d’Amérique latine contre une intervention militaire

Plusieurs pays d'Amérique latine se sont prononcés mercredi contre une intervention militaire en Syrie, au moment où les Etats-Unis et certains de leurs alliés européens envisagent de mener des frappes contre le pouvoir syrien.

"Une agression contre la Syrie aurait des conséquences extrêmement graves pour le Moyen-Orient, une région qui est déjà en proie à des troubles", a déclaré dans un communiqué le ministère cubain des Affaires étrangères.

Le président de l'Equateur, Rafael Correa, a exprimé "le rejet de toute ingérence, à plus forte raison militaire, dans le problème syrien".

Son homologue bolivien, Evo Morales, a lui aussi condamné les menaces de frappes. "Nous rejetons, nous condamnons" toute intervention militaire étrangère en Syrie, a-t-il déclaré au palais présidentiel à la Paz. M. Morales a mentionné des informations de presse selon lesquelles des armes chimiques auraient été utilisées près de Damas non par le pouvoir mais par la rébellion, afin de susciter une intervention internationale.

"Nous n'acceptons pas l'utilisation d'agents chimiques qui, selon ces informations, sont utilisés par des groupes qui déstabilisent la démocratie et le gouvernement" syrien, a déclaré le président bolivien.

De même le président du Venezuela, Nicolas Maduro, a condamné les menaces occidentales de frappes contre la Syrie, au cours d'une visite à Tachira, dans l'ouest du pays.

Et il a affirmé que les autorités vénézuéliennes avaient déjoué un complot qui visait, selon lui, à l'assassiner au moment où auraient lieu d'éventuelles frappes occidentales contre la Syrie.

M. Maduro a rappelé l'arrestation au Venezuela, annoncée lundi par les autorités, de deux Colombiens qui seraient impliqués dans ce projet d'assassinat. "Le plan était de m'éliminer au moment de l'attaque contre la Syrie", a-t-il affirmé.

Le Brésil ne soutiendra pas une intervention militaire en Syrie sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, a déclaré mercredi le nouveau ministre des Affaires étrangères Luiz Alberto Figueiredo. Selon lui, il s'agirait d'une violation du droit international et de la charte de l'ONU.