Liban : Nabih Berri réélu à la tête du parlement libanais

Publié le Mercredi 23 Mai 2018 à 12:55
AFP - Réputé pour sa ruse politique et indéboulonnable depuis 1992, Nabih Berri, un allié du puissant mouvement chiite Hezbollah, a été réélu mercredi pour un sixième mandat à la tête du Parlement libanais, un record de longévité à ce poste dans le monde arabe.

La réélection pour quatre ans de M. Berri, 80 ans, a été une formalité: sans rival, il a obtenu 98 voix sur 128.

En trois décennies, ce politicien habile s'est imposé comme une figure incontournable de la vie politique libanaise, en dépit des changements majeurs depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).

Cette période a été marquée, entre autres, par la reconstruction, le retrait des troupes israéliennes (2000) et syriennes (2005), l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri (2005) et le sanglant conflit en Syrie voisine, à partir de 2011.

Le mouvement Amal qu'il dirige forme avec son allié le Hezbollah, un puissant "tandem chiite" ayant raflé lors des élections du 6 mai les 27 sièges dévolus à cette communauté au sein de l'Assemblée, dans un pays régi par un complexe partage du pouvoir entre les différentes communautés.

Ancien seigneur de guerre, cet homme à la verve intarissable, allié traditionnel de la Syrie, l'ancienne puissance de tutelle, fut d'abord nommé ministre, à cinq reprises, entre 1984 et 1992 avant d'être élu député et président du Parlement, poste qui revient traditionnellement aux chiites.

Il a été reconduit en 1996 et en 2000, toujours sans concurrent, grâce à des députés en majorité prosyriens et au soutien du Hezbollah.

Après le retrait des troupes de Damas en 2005, il est parvenu à se faire réélire en profitant d'un système basé sur un consensus traditionnel entre les plus grandes communautés du pays: en 2009, en dépit des réserves, la majorité parlementaire -une coalition composée de sunnites, druzes et chrétiens maronites opposés au régime syrien- n'a pas présenté son propre candidat chiite, soucieuse d'éviter une confrontation dans un pays sortant, à l'époque, de quatre ans d'instabilité politique.

"Ce dont je suis le plus fier dans ce long parcours est d'avoir fondé et participé à la résistance contre Israël", a récemment affirmé à l'AFP Nabih Berri.

Il évoque moins volontiers son rôle dans la guerre civile libanaise. "Nous aurions pu l'éviter. Une guerre interne est comme si un œil combattait l'autre dans un même corps", a-t-il estimé.

Grand de taille, le verbe haut, connu pour ses boutades y compris en pleine séance, cet avocat diplômé de droit en 1963 a fait son entrée en politique en rejoignant dans les années 1970 Amal, mouvement dit des "déshérités" fondé par l'imam chiite charismatique Moussa Sadr.

Deux ans après la disparition de ce dernier en Libye, M. Berri a pris la tête d'Amal, dans un Liban en pleine guerre civile, devenant l'un des principaux artisans de la politique syrienne dans le pays.

Pendant la sanglante "guerre des camps" palestiniens (1985-1988), ses miliciens ont croisé le fer avec les partisans de Yasser Arafat, chef de l'OLP et ennemi juré de la Syrie.

Ses troupes ont également combattu, aux côtés du Hezbollah, naissant contre l'occupation israélienne et la présence de la Force multinationale, jusqu'à son retrait en 1984.

Un temps rival du Hezbollah sur la scène chiite -une rivalité émaillée de heurts sanglants entre "frères ennemis" durant la guerre civile-, Nabih Berri deviendra son plus grand allié à partir des années 90, en raison du souci de Damas de renforcer l'unité des chiites.

Ses détracteurs l'accusent de s'être enrichi aux dépens de l'Etat et d'avoir pratiqué largement le clientélisme, mais ses collaborateurs affirment que sa fortune provient de sa famille qui travaillait dans le commerce du diamant au Sierra Leone, où il est né en 1938, ainsi que d'investissements au Liban.

Originaire du sud du Liban, Nabih Berri a un temps vécu aux Etats-Unis.

Passionné de natation, de billard et de poésie, il est père de neuf enfants, dont six d'un premier mariage.