Les Sud-Coréens votent ce mardi à une présidentielle anticipée

Publié le Mardi 09 Mai 2017 à 12:04
AFP - Les Sud-Coréens profitent du scrutin pour dire leur colère. Les électeurs votent mardi à la présidentielle pour tirer un trait sur un retentissant scandale de corruption qui a coûté son poste à l'ex-présidente Park Geun-hye, dans un contexte de fortes tensions avec la Corée du Nord. Une vague d'indignation vise non seulement la corruption d'une partie des élites, mais aussi la vie chère et l'augmentation du chômage. L'ancien avocat spécialisé dans la défense des droits de l'homme Moon Jae-in est le grand favori de cette élection, organisée par anticipation du fait de la destitution de Park Geun-hye.

Le candidat du Parti démocratique de centre gauche était crédité dans le dernier sondage Gallup Korea de 38 % des intentions de vote, loin devant le centriste Ahn Cheol-soo, donné au coude-à-coude par certaines enquêtes avec le conservateur Hong Joon-pyo, issu du parti de la présidente destituée. « Je ressens l'aspiration, très forte au sein du peuple, à un changement de gouvernement », a déclaré Moon Jae-in, 64 ans, après avoir voté dans un bureau de l'ouest de Séoul. La participation à ce scrutin s'annonce très forte.

Quatre heures avant la fermeture des 14 000 bureaux de vote, prévue à 20 heures locales, 63,7 % des électeurs s'étaient prononcés, contre 59,3 % à la même heure il y a cinq ans. Des sondages à la sortie des urnes seront disponibles immédiatement. Une victoire de Moon Jae-in entraînerait une alternance après presque 10 ans de règne conservateur et pourrait signifier un changement considérable de politique, vis-à-vis de Pyongyang mais aussi de l'allié et protecteur américain.

Moon Jae-in prône le dialogue avec la Corée du Nord, afin de désamorcer les tensions et de l'inciter à venir à la table des négociations. Il veut aussi plus de distance entre Séoul et Washington. Dans un récent entretien avec le Washington Post, il estimait que Séoul devait « jouer un rôle de meneur sur les questions concernant la péninsule coréenne ». Le Nord, qui rêve de mettre au point un engin capable de porter le feu nucléaire sur le continent américain, a mené deux tests nucléaires depuis début 2016 et de multiples tirs de missiles.

Les tensions ont rarement été aussi élevées sur la péninsule, le nouveau président américain Donald Trump menaçant de régler la question par la force militaire. Il vient cependant d'adoucir le ton, déclarant qu'il serait « honoré » de rencontrer le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Hong Joon-pyo, du parti de la présidente destituée, a exhorté les électeurs à se ranger derrière lui en qualifiant le favori de « gauchiste pro-Pyongyang ».

Chung Tae-wan, un médecin de 72 ans, a voté dans un bureau de vote du prospère quartier de Seocho, au sud de Séoul : « J'ai voté pour Hong, car la sécurité vis-à-vis de la Corée du Nord est la chose la plus importante. » Pour la plupart des Sud-Coréens, habitués à vivre avec la menace nord-coréenne, la question des programmes balistique et nucléaire de Pyongyang ne détermine pas leur vote.

La corruption, le ralentissement de la croissance et le chômage, en particulier des jeunes, sont en effet apparus comme les sujets de préoccupation majeurs. Cette présidentielle doit permettre à la société sud-coréenne de tourner la page après les éprouvants mois de scandale, alors que Park Geun-hye attend désormais derrière les barreaux d'être jugée pour corruption et abus de pouvoir. L'affaire a contribué au ressentiment général en illustrant une nouvelle fois les relations malsaines entre la classe politique et le patronat.

En cause notamment, une confidente de l'ombre de l'ex-présidente, Choi Soon-sil, accusée d'avoir profité de ses entrées pour extorquer des dizaines de millions de dollars aux grands groupes sud-coréens. L'ampleur du scandale, qui implique aussi l'héritier de l'empire Samsung et le président de Lotte, cinquième plus grand conglomérat sud-coréen, a contraint tous les candidats à la présidentielle à promettre des réformes pour plus de probité. Mais en raison de leur poids dans l'économie, les « chaebols » – les grands conglomérats sud-coréens – sont presque intouchables.

La Chine, puissant voisin et principal partenaire économique du Sud, s'est aussi invitée dans la campagne. Le déploiement au sud d'un bouclier antimissile américain destiné à contrer les menaces venues du Nord a provoqué la fureur de Pékin, qui a pris une série de mesures vues à Séoul comme des représailles économiques. Le prochain leader du pays « devra faire face à une myriade de défis », avait averti le quotidien JoonAng la veille du scrutin : « Si nous prenons la mauvaise décision, nous allons à nouveau devoir en payer le prix, comme nous l'avons appris de nos précédents mauvais choix. »