Le Japon, ou comment sortir du nucléaire en 14 mois

Publié le Mardi 13 Mars 2012 à 10:50
Slate- Tandis que François Hollande s’engage à réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité en France de 75% à 50% en 5 ans et que Nicolas Sarkozy s’y oppose avec virulence, le Japon est en train de démontrer que l’on peut passer de 30% à 0%... en 14 mois!

Pour établir un tel record, il aura néanmoins fallu une terrible catastrophe, celle du 11/3. C’est ainsi que les Japonais nomment le drame de Fukushima qui a suivi le tremblement de terre du 11 mars 2011, suivi par un tsunami qui a dévasté des centaines de kilomètres de la côte nord-est de l’ile d’Honshû. Et fait 20.000 victimes. Une vague d’environ 11 mètres s’est ainsi abattue sur la centrale nucléaire de Fukushima Daïchi 1, située à 225 km au nord-est de Tokyo et des 30 millions d’habitants de son agglomération.

Depuis, l’exploitant de la centrale, Tepco, tente de maîtriser le feu nucléaire des 3 réacteurs qui ont fondu après la mise hors service de tous les systèmes de refroidissement des cœurs et des piscines de combustibles usés. Les radiations rendent le travail des milliers de liquidateurs difficile, lent et très dangereux, dans les bâtiments aux structures métalliques tordues, enchevêtrées et écroulées par les explosions des réacteurs 1, 3 et 4. Elles ont également provoqué l’évacuation des habitants d’une zone d’exclusion circulaire dans un rayon de 30 km autour de la centrale.

Pour les Japonais, le nucléaire fait désormais figure de malédiction. Après avoir été les seuls à subir les frappes des bombes atomiques en 1945, les voilà victimes de l’un des trois plus graves accidents de l’histoire du nucléaire civil. Avec une caractéristique qui rend leur situation unique: contrairement aux Etats-Unis (Three Mile Island en 1979) et à l’URSS (Tchernobyl en 1986), le Japon manque terriblement d’espace vital. Difficile de transformer définitivement des milliers de précieux km2  en no man’s land. Et même si les centrales nucléaires sont construites dans des zones rurales, elles ne sont jamais très loin d’une grande ville.

Après le 11/3, le nuage radioactif aurait très bien pu atteindre Tokyo si les vents l’avait porté vers le sud-ouest et non essentiellement vers le nord-est, comme cela s’est produit. L’une des rares «chances» des Japonais. Et puis l’île d’Honshû, la plus grande et la plus peuplée de l’archipel, reste sous la menace permanente d’un nouveau tremblement de terre majeur et d’un tsunami dévastateur, sans même parler d’un Big One, épée de Damoclès suspendue au dessus de Tokyo, tout comme au dessus de Los Angeles.

Plus un seul réacteur en mai

Dans ces conditions, comment accepter d’ajouter volontairement une menace à celles que la nature fait, depuis toujours, peser sur le pays? Pour ce qui est du danger nucléaire, les Japonais répondent à cette question sans même recourir à un grand débat national, ni même à des décisions politiques officielles. Ils exploitent une loi particulière qui soumet le démarrage des réacteurs nucléaires à la décision du gouverneur de la province dans laquelle ils sont construits.

Depuis le 11/3, chaque fois qu’un réacteur est arrêté pour une opération de maintenance, il n’obtient pas l’autorisation de remise en service. C’est aussi simple et démocratique que cela. Résultat: il ne reste aujourd’hui qu’un ou deux, suivant les sources, réacteurs en fonctionnement sur les 54 que compte le Japon. Et tout le monde s’accorde pour annoncer qu’en mai prochain, il n’en restera aucun. Le pays s’apprête ainsi à se passer des 30% d’électricité nucléaire dont il disposait avant le 11/3.

Jusqu’à preuve du contraire, Le Japon est donc en train de sortir du nucléaire sans le dire. Un exemple qui va certainement, ou qui devrait, peser sur les politiques de l’ensemble de pays utilisant cette énergie.

Mais comment le Japon a-t-il pu réaliser ce que les tenants du «nucléaire indispensable» stigmatisent régulièrement comme impossible, sauf à revenir aux temps de la bougie?
Dans les mois qui ont suivi le 11/3, le pays a réussi à se passer de plusieurs réacteurs, dont ceux de Fukushima Daïchi, sans que, au-delà des premières semaines, les habitants ne souffrent de graves coupures de courant.

Preuve qu’il était capable de subvenir à ses besoins sans construire de nouvelles centrales conventionnelles. Mais les Japonais sont ensuite allés beaucoup plus loin en exploitant la ressource la plus rentable qui soit: l’économie d’énergie. Le gouvernement a fixé l’objectif de 15% de baisse de la consommation électrique.

Certaines régions du nord comme le Tôhoku, qui comprend la préfecture de Fukushima, celle qui a été touchée par le tsunami, ont fait mieux et atteint aujourd’hui les 18%. En moins d’un an…
Certes, le cap de l’été prochain risque d’être délicat à passer. En raison de la forte demande en climatisation, le pic de consommation de l’année pourrait dépasser de 10% la puissance disponible… Cela dans une situation où plus aucun réacteur nucléaire ne fonctionnera. Les Japonais vont-ils encore augmenter leurs économies d’énergie? Vont-ils subir des coupures de courant? Il sera intéressant d’observer cette épreuve et la façon qu’aura la population de s’y adapter.



 

Commentaires 

 
-1 #1 reponse
Ecrit par lecteur     13-03-2012 15:37
en créant puis en polémiquant sur le problème de l'identité.

le niqab protège contre les effets de la radiation
 
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