Le business du Ramadan

Publié le Mardi 02 Septembre 2008 à 10:46
lesechos.fr- Le ramadan, qui a commencé le 1er septembre en France, est un mois sacré pour plus de 1,3 milliard de personnes dans le monde et l'observation stricte du jeûne est un des piliers de l'islam qui ne souffre pas d'exception. L'abstinence, si elle est scrupuleusement observée, devrait se traduire par une baisse des ventes, notamment des produits alimentaires. En fait, ce qui se passe est exactement le contraire et l'augmentation des dépenses ne touche pas seulement les produits alimentaires, mais aussi l'habillement ou bien les cadeaux de toutes sortes. D'où vient ce paradoxe qui fournira les bases du « ramadan business » ?

Il a deux origines. La première est physiologique, car il est évident que si l'abstinence de toute nourriture et boisson est observée pendant la journée, il y aura forcément une demande de compensation nutritionnelle le soir. La seconde raison est que c'est un mois de fête où les familles se retrouvent la nuit tombée, avec les voisins et amis, ce qui est propice à une surconsommation alimentaire.

Les entreprises ont très bien compris cette contradiction et augmentent leurs dépenses publicitaires dès le signal du « maghrib », la prière du crépuscule, qui marque le moment où le repas du soir, l'« iftar » peut être servi. Les fabricants de sodas savent très bien que leurs produits sont très demandés pour la rupture du jeûne du fait que leurs boissons sont très caloriques et les entreprises n'ont pas besoin de faire des publicités demandant de consommer plus. Elles préfèrent jouer sur les valeurs comme la charité et le partage plutôt que sur l'appel à la consommation. Ce qui n'est pas le cas de McDonald's, qui, en Malaisie, a sorti une offre spéciale avec un prix unique et une consommation sans limite. Si certains consommateurs ont apprécié, d'autres se sont offusqués d'une offre qui est contraire au principe de l'abstention. Selon des données de la Chambre des industries céréalières d'Egypte, le mois du ramadan représente une augmentation de consommation de 14 % de farine et 25 % de riz alors qu'en Tunisie la part des dépenses alimentaires pendant le ramadan passe de 38 % à 51 %. En Egypte encore, ce sont les sacs ramadan qui font fureur car ils contiennent une grande partie de produits indispensables (dattes, riz, farine, sucre, oeufs, beurre, huile, pâtes) qui peuvent être achetés pour soi ou bien pour donner aux nécessiteux.

L'alimentation n'est pas la seule à tirer son épingle du jeu pour le mois du ramadan. L'autre business très important est celui des « musalsals », les séries télévisées diffusées pendant le mois du ramadan. Un « musalsal » est une série de 30 épisodes dont le format est d'une heure par épisode. Ce marché est devenu une foire d'empoigne car les données démographiques pour la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord sont plus que favorables (population totale de 320 millions de personnes). La seconde raison est que la télévision constitue le premier loisir de cette population et elle est allumée en permanence dans certains foyers. Il suffit aujourd'hui de posséder une parabole et plus de 150 chaînes émettant en arabe sont à disposition sans parler des chaînes terrestres qui ne nécessitent pas de parabole.

Un épisode d'une série inédite est vendu entre 5.000 et 80.000 dollars aux chaînes les plus en vue comme MBC, LBC, Abu Dhabi TV ou Dubai TV et les producteurs font le maximum pour sortir leurs séries pour le ramadan et non à un autre moment de l'année. Plus de 100 séries sont produites tous les ans pour le ramadan et les budgets augmentent d'année en année, passant de 500.000 dollars en moyenne à 1,5 million de dollars pour une série. Ces prix ne sont pas prohibitifs car l'audience est au rendez-vous et les chaînes peuvent se rattraper sur les publicités qui vont encadrer les séries. A titre d'exemple, un spot de trente secondes sur Future TV se vend à 6.000 dollars (ce qui est près du double par rapport à un mois ordinaire).