Lavrov rejette les accusations de ne pas avoir visé Daesh en Syrie

Publié le Jeudi 01 Octobre 2015 à 10:36
Sergueï LavrovReuters - La Russie est passée à l'action militaire mercredi en Syrie, menant une vingtaine de raids aériens contre, dit-elle, des intérêts de l'Etat islamique, une initiative qui alarme les Occidentaux qui n'ont pas été prévenus et doutent des motivations de Vladimir Poutine.

Cette intervention des avions russes fait suite au feu vert donné quelques heures plus tôt à l'unanimité par la chambre haute du Parlement russe, le Conseil de la fédération, à une opération militaire en Syrie. La précédente autorisation du Parlement russe au déploiement de troupes à l'étranger avait coïncidé avec l'annexion de la Crimée, en mars 2014.

Cette approbation parlementaire est survenue deux jours après un appel lancé à la tribune de l'Onu par Vladimir Poutine à la création d'une coalition élargie en Syrie contre l'EI. Les Occidentaux, qui frappent déjà l'organisation djihadiste depuis l'été 2014 en Irak comme en Syrie, soupçonnent le Kremlin de vouloir avant tout réhabiliter Bachar al Assad.

Vladimir Poutine est venu expliquer devant les journalistes réunis au Kremlin que ces opérations n'avaient qu'une ampleur limitée et qu'il espérait que le président syrien se montrerait réceptif à une solution politique de compromis.

"Une solution définitive à long terme n'est possible en Syrie que sur la base d'une réforme politique et sur la base d'un dialogue entre les forces normales du pays", a-t-il déclaré. "Je sais que le président Assad comprend cela et qu'il est prêt à un tel processus. Nous espérons qu'il sera actif et souple et qu'il sera prêt au compromis au nom de son pays et de son peuple".

L'intervention russe est une réponse directe à une demande du pouvoir syrien après une série de revers ces derniers mois qui fragilisaient sa position.

La télévision nationale syrienne a fait état d'au moins sept secteurs visés, notamment dans les provinces de Homs et de Hama, situées entre Damas et la côte méditerranéenne de la Syrie.

Le chef de l'opposition syrienne soutenue par les Occidentaux, Khaled Khodja, a déclaré que 36 civils avaient été tués dans des zones dont l'Etat islamique et le Front al Nosra lié à Al Qaïda étaient absents.

Le département de la Défense américain surveille l'activité militaire russe en Syrie mais n'a pas encore déterminé quelles cibles avaient été touchées, a indiqué le porte-parole de la Maison blanche, Josh Earnest.

A l'Onu, le ministre britannique des Affaires étrangères, Philip Hammond, a lui aussi souhaité une confirmation que ces raids visaient des intérêts de l'EI et des groupes liés à Al Qaïda et non des opposants syriens modérés au régime d'Assad.

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a affirmé que les "premières indications" montraient que les zones touchées "n'étaient pas contrôlées par Daech".

Les forces russes n'ont pas frappé l'Etat islamique en Syrie, a déclaré mercredi le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, laissant entendre que des positions de l'opposition modérée à Bachar al Assad avaient été visées.

"Les forces russes ont frappé en Syrie, c'est désormais public, et curieusement elles n'ont pas frappé Daech", a dit Jean-Yves Le Drian lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

De source diplomatique française, on soulignait que les groupes d'opposition avaient sans doute été visés.

Le Pentagone a jugé que cette entrée en action unilatérale de la Russie constituait un geste "agressif". "Ce qui s'est passé ce matin nous a alarmés", a déclaré le secrétaire adjoint à la Défense, Robert Work, lors d'une audience devant une commission parlementaire. "Ce que les deux présidents (Obama et Poutine) ont convenu, c'est que nos armées se parlent pour éviter les situations conflictuelles".

Moscou a réfuté les soupçons et les accusations des Occidentaux sur la nature des cibles visées, le ministère russe de la Défense les qualifiant de "distorsion des faits".

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rejeté jeudi les doutes "infondés" des Occidentaux, selon lesquels la Russie n'aurait pas visé le groupe Daesh lors de ses premières frappes aériennes sur le territoire syrien.

"Les rumeurs indiquant que les objectifs de ces frappes n'étaient pas Daesh ne sont en rien fondées", a déclaré le chef de la diplomatie russe, cité dans un communiqué, après avoir rencontré son homologue américain, John Kerry, à New York, ajoutant n'avoir "aucune information" concernant d'éventuelles victimes civiles.