La France se dote d’une loi anti-casseurs, avec une forte abstention des élus macronistes

Publié le Mercredi 06 Février 2019 à 13:04
AFP - L’Assemblée nationale a adopté mardi en première lecture, par 387 voix contre 92, la loi dite “anti-casseurs” visant à prévenir les violences dans les manifestations, malgré les réserves d’un fort contingent de la majorité qui s’est abstenu.

Signe du malaise sur ce texte jugé liberticide par ses détracteurs, 50 députés La République en marche (LaRem), un record depuis le début du quinquennat, se sont abstenus et 16 n’ont pas participé au scrutin, quelques heures après une réunion mouvementée du groupe dirigé par Gilles Le Gendre.

Des députés comme Aurélien Taché et Sonia Krimi avaient annoncé en amont qu’ils ne voteraient pas la loi, dont ils contestent en particulier l’article 2 instaurant l’interdiction administrative de manifester.

“Notre abstention n’est le signe d’aucune posture politique ni défiance à l’égard de notre majorité, mais bien de notre irrémédiable attachement à un Etat de droit dans lequel, sous aucun prétexte, la liberté de manifester ne saurait être altérée”, écrivent 16 “abstentionnistes” dans un communiqué commun, écartant ainsi toute idée de “fronde” dans le groupe.

Ces abstentions “constituent un appel clair à la réécriture de l’article 2”, a considéré sur Twitter Matthieu Orphelin, député de la frange écologiste de LaRem.

On compte également quatre abstentions et un vote contre au Mouvement démocrate (MoDem), principal allié de LaRem au Palais-Bourbon, où le groupe UDI-Agir et Indépendants s’est montré divisé (12 voix pour, trois contre et 13 abstentions).

Les socialistes, les communistes, La France insoumise et la quasi-totalité du groupe Libertés et Territoires ont voté contre le texte, de même que les députés du Rassemblement national, où Gilbert Collard a dénoncé une loi “liberticide et fasciste”.

La grande majorité des élus des Républicains (LR) a approuvé ce texte, basé sur une proposition de loi du sénateur LR Bruno Retailleau adoptée l’automne dernier à la chambre haute.

Des organisations comme la Ligue des droits de l’homme et le Syndicat de la magistrature ont fait part de leur inquiétude sur le texte, qui va maintenant retourner au Sénat.

Le sujet avait été remis sur le métier en début d’année à la demande du Premier ministre, Edouard Philippe, en réponse aux violences commises en marge de la crise des “Gilets jaunes”, qui dure depuis la mi-novembre.

“Il est essentiel que nous puissions garantir le droit de manifester en faisant en sorte que ceux qui manifestent aujourd’hui et qui viennent pour casser, pour détruire, pour frapper, soient empêchés. Empêchés d’empêcher la manifestation”, a dit mardi le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, lors des questions d’actualité au gouvernement.

Christophe Castaner a fixé pour but la “recherche des armes par destination” pour assurer la sécurité d’une manifestation. Il ne s’agit “en aucun cas” d’interdire “qui que ce soit de participer à la manifestation” ou de mettre en place un périmètre fermé, avec des gardes autour, a-t-il assuré.

La nouvelle version adoptée par les députés autorise des officiers de police judiciaire à fouiller les bagages et les voitures sur les lieux d’une manifestation et à ses abords immédiats, sur réquisition du procureur.

Le gouvernement a en revanche renoncé à faire figurer dans le texte les palpations de sécurité et à y prévoir explicitement d’interdire “le port et le transport sans motif légitime d’objets pouvant constituer une arme”. Il juge suffisante la législation existante sur ces points.