La crise à son comble au Venezuela, amnistie suggérée pour Maduro

Publié le Vendredi 25 Janvier 2019 à 11:53
Nicolas MaduroAFP - La crispation politique s'accroît d'heure en heure vendredi au Venezuela entre l'opposition menée par Juan Guaido, "président" autoproclamé du pays, et Nicolas Maduro, le président vénézuélien qui s'est vu suggérer une amnistie comme porte de sortie à la crise.

Après avoir reçu jeudi le soutien déterminant des chefs de l'armée, Nicolas Maduro s'exprimera vendredi devant la presse où il devrait dénoncer de nouveau un coup d'Etat en cours orchestré, selon lui, par les Etats-Unis.

Le procureur général, Tarek William Saab, se prononcera le même jour sur l'ordonnance émise par la Cour suprême du Venezuela, le Tribunal suprême de justice (TSJ, pro-régime selon l'opposition), d'ouvrir une enquête pénale sur le Parlement, contrôlée par l'opposition, pour avoir "usurpé" les fonctions de Nicolas Maduro.

Pour sa part, Juan Guaido, le jeune chef du parlement qui s'est autoproclamé mercredi "président" par intérim, a déclaré à la chaîne Univision qu'il annoncerait sous peu des mesures pour samedi et dimanche.

"Nous continuerons à aller de l'avant pour mettre un terme à l'usurpation du pouvoir (et établir) un gouvernement de transition et des élections libres", a-t-il ajouté depuis un endroit secret dans Caracas.

Juan Guaido, 35 ans, a également appelé les Vénézuéliens à poursuivre leurs manifestations contre le régime, qui ont fait 26 morts en quatre jours, selon l'ONG Observatorio Venezolano de Conflictividad Social.

Mais le "président" autoproclamé vénézuélien a aussi laissé entrevoir une porte de sortie au président Maduro, en évoquant une éventuelle amnistie.

"Lors de périodes de transition, des choses similaires se sont produites (...), nous ne pouvons rien exclure, cependant nous devons être très fermes à l'avenir (...) avant tout pour faire face à l'urgence humanitaire", a-t-il dit, alors qu'il était interrogé sur la possibilité d'une amnistie qui concernerait également le président vénézuélien.

"Il faudrait aussi revoir cela (l'amnistie), c'est aussi un fonctionnaire, malheureusement dictateur et responsable des victimes d'hier au Venezuela", a poursuivi Juan Guaido.

Le Parlement a promis le 15 janvier une "amnistie" aux soldats qui ne reconnaîtraient pas le gouvernement de Nicolas Maduro.

Le vice-président brésilien Hamilton Mourao, dont le pays a reconnu avec d'autres Juan Guaido comme président, a proposé dans le même sens la création d'un "corridor d'évacuation" afin d'exfiltrer Nicolas Maduro et de lui "offrir une issue" ainsi qu'à son peuple.

Entretemps, la crispation est à son comble. "Il est dangereux d'avoir des gouvernements parallèles", a relevé Michael Shifter, du Dialogue interaméricain.

Juan Guaido a été reconnu, très rapidement, par les Etats-Unis et peu après par plusieurs pays d'Amérique latine et le Canada.

Mais Nicolas Maduro a mis en avant le soutien de l'armée, réaffirmée par la voix de son ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino. Il a remercié jeudi les militaires face à ce qu'il a appelé un "coup d'Etat en marche" dirigé par "l'empire des Etats-Unis"

"Il ne fait aucun doute que c'est Donald Trump lui-même qui veut imposer de facto un gouvernement", a lancé le dirigeant socialiste, également soutenu par Moscou et Pékin.

Il a enjoint mercredi aux diplomates américains de quitter le pays dans les 72 heures. Washington a répliqué qu'il n'a plus "l'autorité légale" pour prendre de telles décisions mais a toutefois ordonné le départ du personnel "non essentiel" de ses missions diplomatiques au Venezuela.

L'Union européenne, qui considère comme illégitime le deuxième mandat de Nicolas Maduro, a réclamé pour sa part des "élections libres" sans reconnaître Juan Guaido.

"C'est la preuve qu'il y a une diplomatie de chaque pays dans un monde qui manifeste une fragmentation croissante sur beaucoup de sujets", a estimé pour l'AFP Paul Hare, professeur à l'université de Boston.

Jeudi, les Etats-Unis ont maintenu la pression, en demandant une réunion d'urgence samedi du Conseil de sécurité sur la situation dans le pays, malgré l'opposition déclarée de la Russie à une réunion sur un sujet "interne" au Venezuela.

Le sénateur américain Bernie Sanders, candidat à la primaire démocrate pour l'élection présidentielle de 2016, a appelé de son côté à "retenir les leçons du passé et ne pas jouer le jeu des changements de régime ou du soutien des coups d'Etat".

Juan Guaido dit s'appuyer sur l'article 233 de la Constitution pour justifier sa proclamation.

Cet article établit plusieurs cas de vacance du pouvoir, tel que le renoncement, l'incapacité mentale ou la mort. Un point controversé est la déclaration d'"abandon de mandat", déjà invoqué en 2017 par le Parlement (opposition) et dont les décisions sont systématiquement annulées par la Cour suprême (pro-Maduro). "Je ne suis pas fou (...) je vais très bien (...) jamais je ne renoncerai", a lancé Nicolas Maduro.

L'aggravation de la crise politique intervient en pleine débâcle économique dans ce pays pétrolier, jadis prospère et désormais frappé par d'importantes pénuries de nourriture et de médicaments, et soumis à une hyperinflation qui devrait atteindre 10.000.000% en 2019.

"Ce qui affecte véritablement (...) la capacité de gouverner du régime de Maduro, ce sont les mesures de restriction économique ou financière", a estimé auprès de l'AFP le spécialiste des relations internationales Mariano Alba.

Les États-Unis achètent au Venezuela un tiers de sa production pétrolière, qui a chuté à 1,4 million baril/jour et représente 96% des entrées de devises. Selon Nicolas Maduro, ses ennemis souhaitent s'accaparer les réserves de brut du pays, les plus grandes au monde.

"Trump va probablement explorer la possibilité de geler des actifs (vénézuéliens). A l'avenir, pourraient s'y ajouter des sanctions pétrolières", estime le cabinet Eurasia Group.