La contestation populaire se poursuit au Maroc

Publié le Jeudi 01 Juin 2017 à 10:21
AFP - La mobilisation ne faiblit pas dans le nord du Maroc : trois jours après l'arrestation du leader de la contestation Nasser Zefzafi, des milliers de manifestants ont défié les autorités dans la nuit de mardi à mercredi à Al-Hoceïma pour demander sa libération.

Aux cris de "Nous sommes tous Zefzafi", "Dignité pour le Rif", "Etat corrompu"... les protestataires ont une nouvelle fois envahi les rues proches du centre-ville après la rupture du jeûne du ramadan, a-t-on constaté.

Ils étaient plus nombreux que la veille à descendre dans le quartier Sidi Abed, où les forces anti-émeute, casquées et prêtes à intervenir, avaient pris position en grand nombre.

Après un face-à-face tendu, les policiers se sont finalement retirés du quartier, tandis que les manifestants répétaient en boucle "pacifique", affirmant ainsi leur volonté d'éviter tout incident.
Les contestataires, dont des femmes et des enfants, brandissaient par centaines les portraits noir et blanc photocopiés du leader du "hirak" (la mouvance, nom du mouvement qui anime la contestation depuis six mois).

"Libérez les prisonniers, ou mettez nous tous en prison!", était-il inscrit sur une banderole, parmi les drapeaux amazigh brandis au vent.

"Je suis fier de mon fils, il a agi en homme", a déclaré à la presse la mère de Zefzafi, présente sur les lieux au côté de son père, en pleurs. "Il n'a rien fait d'autre que de manifester pacifiquement pour des revendications légitimes", a-t-elle commenté.

Le père de Mohcine Fikri, vendeur de poisson tué accidentellement dans une benne à ordures fin octobre, dont la mort avait été le déclencheur de la révolte, était lui aussi sur place. Il a appelé les manifestants "à poursuivre leur mouvement pacifique".

Comme ils le font désormais à chacun de leurs rassemblements, les manifestants, main levée, ont de nouveau juré d'une seule voix "fidélité au Rif". Menottés et cagoulés, trois d'entre eux ont mimé une scène d'arrestation et de torture.

La manifestation s'est dispersée peu avant minuit sans incident.

Selon des images diffusées sur les réseaux sociaux, des manifestations d'importance ont eu lieu également dans d'autres localités de la province, à Imzouren et Beni Bouyaach.

A Rabat, un sit-in d'environ 200 personnes devant le Parlement a été violemment dispersé par les policiers, qui ont chargé au moment même où il commençait. Même scénario à Casablanca, à proximité de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), où Zefzafi a été transféré.
Leader de la contestation populaire qui secoue depuis octobre la région du Rif, Nasser Zefzafi a été interpellé lundi matin par la police pour "atteinte à la sécurité intérieure".

Depuis la diffusion vendredi d'un mandat d'arrêt le visant, Al-Hoceïma, une ville de 56 000 habitants, est en ébullition. Des heurts nocturnes ont opposé manifestants et policiers pendant le week-end, et 3000 personnes s'étaient rassemblées lundi soir sans incident.

Des manifestations ont été signalées ailleurs dans la province, avec parfois l'intervention musclée des forces de l'ordre selon les réseaux sociaux, mais il est pour l'heure difficile d'en cerner l'exacte ampleur.

Les médias publics font pour le moment une couverture minimale de ces événements, tandis que "faux leaks et images tendancieuses" -notamment des clichés privés de Zefzafi- se multiplient sur internet, relevait mardi le site d'info en ligne Le Desk.

La classe politique reste également très discrète. Les antennes provinciales à Al-Hoceïma de trois partis, dont le PJD islamiste, ont cependant publié un communiqué commun s'alarmant d'une "situation grave" et désapprouvant "l'approche sécuritaire de l'Etat".

La police a procédé depuis vendredi à une quarantaine d'arrestations, visant essentiellement le noyau dur du "Hirak", selon un dernier décompte officiel.

Vingt-cinq d'entre elles ont été déférées devant le parquet. Leur procès s'est ouvert mardi mais a été reporté au 6 juin, à la demande de leurs avocats qui se sont par ailleurs inquiétés de "mauvais traitements" pendant leur détention.

Selon la presse marocaine, "la salle du tribunal s'est rapidement transformée en tribune pour défendre l'action et les revendications économiques et sociales du hirak, et condamner l’importante présence sécuritaire à Al-Hoceïma et dans ses environs".

Sept suspects ont été remis en liberté provisoire en attendant leur procès. Sept autres ont été libérés sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux.