L'armée syrienne aurait entamé son retrait près d'Alep

Publié le Vendredi 16 Septembre 2016 à 10:38
Reuters- L'armée syrienne a commencé à se retirer de la route Castello, par où doit être acheminée l'aide humanitaire dans les quartiers est d'Alep dans le cadre de la trêve négociée par Moscou et Washington, ont annoncé jeudi la Russie et l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Mais les groupes insurgés présents dans la grande ville syrienne ont dit ne pas avoir vu l'armée se retirer de la route Castello et ont dit qu'en attendant, ils ne se retireraient pas de leurs positions près de cette voie stratégique.

Un porte-parole du Pentagone a pour sa part dit ne pas disposer de "renseignements ou de faits" indiquant que l'armée syrienne avait commencé à se retirer de la route Castello.

Le porte-parole du département d'Etat Mark Toner a toutefois déclaré que le cessez-le-feu tenait "en général", ajoutant que tant Moscou que Washington estimaient qu'il fallait poursuivre.

Les accusations de violation de la trêve se multiplient dans les deux camps. Au sein de l'armée syrienne, on indique que les rebelles sont responsables de dizaines d'incidents avec des tirs et des attaques au mortier et à la roquette à Damas, Alep, Hama, Homs et Lattaquié. Les rebelles de leur côté ont accusé l'armée syrienne d'avoir effectué des frappes aériennes sur Hama et Idlib et d'avoir utilisé l'artillerie près de Damas.

L'OSDH, une ONG basée à Londres qui dispose d'un réseau d'informateurs en Syrie, a dit avoir des preuves d'attaques de la part des deux camps et que, malgré un calme relatif entre l'armée du président syrien Bachar al Assad et les rebelles, on déplorait les premières victimes civiles depuis le début de la trêve lundi soir.

Les deux civils tués jeudi sont des enfants dans les zones tenues par le gouvernement, l'un à Alep et l'autre dans le sud-ouest de la Syrie. En outre, des frappes aériennes contre l'Etat islamique, non concerné par la trêve, dans la ville de Mayadine près de Daïr az Zour ont tué au moins 23 civils, indique l'OSDH.

La route Castello est contrôlée à la fois par le gouvernement syrien et par les rebelles. C'est une ligne de front majeure dans la guerre qui dure depuis mars 2011.

Remplacée par des russes
"L'armée syrienne a commencé le retrait organisé de véhicules et de personnels de la route Castello pour permettre la livraison sans entraves de l'aide dans l'est d'Alep", a déclaré le général Vladimir Savtchenko, qui dirige le Centre russe pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie.

Selon l'OSDH, l'armée syrienne a commencé à se retirer de certaines de ses positions sur la route mais elle a été remplacée par des militaires russes.

Un responsable du groupe rebelle Fastakim basé à Alep a pour sa part déclaré jeudi soir que l'armée ne s'était pas retirée.

L'émissaire spécial des Nations unies, Staffan de Mistura, a déclaré que les Etats-Unis et la Russie devaient gérer le désengagement des forces de la route Castello et a critiqué Damas pour ne pas avoir fourni les autorisations nécessaires pour livrer de l'aide dans d'autres secteurs.

Jan Egelan, conseiller humanitaire des Nations unies, a déclaré que les rebelles que le gouvernement étaient tous responsables pour le retard dans la livraison de l'aide à Alep.

"Si nous ne sommes pas dans l'est d'Alep, c'est à cause d'une combinaison de discussions très délicates et détaillées sur les contrôles de sécurité et le passage de barrages routiers - ce qui dépend à la fois de l'opposition et du gouvernement", a déclaré le diplomate.

La France a de son côté demandé que le texte de l'accord russo-américain, jusqu'ici gardé secret, soit communiqué aux alliés pour éviter toute confusion dans les frappes aériennes contre les groupes exclus de la trêve.

Le département d'Etat a dit ne pas être prêt à publier le pacte conclu avec la Russie mais qu'il en discuterait en détails avec les alliés des Etats-Unis en marge des réunions de l'Assemblée générale des Nations unies la semaine prochaine.

Par ailleurs, un responsable américain a expliqué qu'une des clauses du pacte prévoyait que deux points de passage sur la route Castello seraient gérés par le Croissant-Rouge syrien et que tous les Syriens pourraient quitter Alep par la route, notamment les forces d'opposition avec leurs armes.

Coordonner leurs frappes
On estime que 300.000 personnes vivent dans l'est d'Alep, et plus d'un million dans la partie occidentale de la ville contrôlée par le gouvernement syrien.

Deux convois d'aide pour Alep attendent dans un no-man's land de pouvoir se diriger vers la ville après avoir passé la frontière turque. Lorsqu'ils auront le feu vert, 20 camions se rendront d'abord à Alep et, s'ils y parviennent sans encombres, le deuxième convoi partira à son tour, a fait savoir l'Office de coordination des affaires humanitaires de l'Onu (OCHA). Ils doivent acheminer de quoi nourrir 80.000 personnes pendant un mois.

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov, a néanmoins estimé possible, jeudi, une reprise des négociations politiques entre le gouvernement de Damas et l'opposition à la fin du mois, mais cela a été vite rejeté par Georges Sabra, négociateur pour l'opposition, qui a déclaré que les conditions sur le terrain n'étaient pas suffisamment bonnes.

Dans les engagements pris dans le cadre de la trêve, les Etats-Unis et la Russie doivent coordonner leurs frappes miliaires contre les groupes exclus de la trêve, l'Etat islamique et le groupe rebelle successeur du Front al Nosra.

Le ministère russe de la Défense a accusé jeudi les Etats-Unis d'utiliser "un écran de fumée verbal" pour dissimuler leur réticence à remplir leur part de l'accord qui suppose de distinguer les groupes rebelles modérés des organisations jugées terroristes.

Le ministère russe affirme qu'au troisième jour de l'arrêt des hostilités entré en vigueur lundi en fin de journée, seule l'armée syrienne respectait la trêve et que les unités de l'opposition "contrôlées par les USA" ont intensifié leurs bombardements sur les zones résidentielles civiles.