Erdogan se rend en Russie pour renforcer ses relations avec Poutine

Publié le Mardi 09 Août 2016 à 10:27
AFP & lemonde.fr - Le président turc Recep Tayyip Erdogan compte lancer mardi à Saint-Pétersbourg une "nouvelle étape" dans ses relations avec Vladimir Poutine, après des mois de froid diplomatique avec Moscou, alors qu'il est en froid avec les Occidentaux.

Cette visite est la première à l'étranger pour le dirigeant turc depuis le putsch raté du 15 juillet, suivi de purges sans précédent très critiquées par les Occidentaux.

Elle intervient à peine un mois après la réconciliation fin juin permise par les "regrets" exprimés par M. Erdogan pour la destruction en novembre par la chasse turque d'un avion de combat russe au-dessus de la frontière turco-syrienne.

"Cette visite me semble une nouvelle étape dans les relations bilatérales, un départ à zéro", a annoncé M. Erdogan dans une interview à des médias publics russes, selon ses propos traduits en russe. "Nos pays sont des acteurs clés dans la région et ils ont beaucoup de choses à faire ensemble", a-t-il souligné.

Même son de cloche en Russie où un conseiller du Kremlin, Iouri Ouchakov, s'attend à une "rencontre d'une importance extrême" dont l'agenda comprend le rétablissement "étape par étape de l'ensemble des relations russo-turques", ainsi que la situation en Syrie.

Le fait que M. Erdogan se rend à Saint-Pétersbourg, dans le nord-ouest de la Russie, peu après le putsch raté "est une preuve que les Turcs sont vraiment intéressés à rétablir les relations avec la Russie", a-t-il déclaré à la presse.

Vladimir Poutine a été l'un des premiers dirigeants étrangers à téléphoner à M. Erdogan pour condamner le coup de force et, sans surprise, n'a pas montré les états d'âme des leaders européens sur la répression qui s'en est suivie.

Même si les relations entre Moscou et Ankara "connaissent leurs propres incertitudes, la détérioration des relations avec les puissances occidentales pourrait accélérer un rapprochement", souligne une analyse du European Council on Foreign Relations (…).

Le projet de gazoduc TurkStream qui devait acheminer 31,5 milliards de mètres cubes par an en Turquie via la mer Noire et la centrale nucléaire de Akkuyu devrait aussi redevenir d'actualité.
M. Erdogan a d'ores et déjà assuré être prêt à "prendre des mesures immédiates" pour la relance de ce projet.

"Ce que nous allons voir est une relation plus durable mais de type plus pragmatique, non pas construite sur une relation personnelle ou idéologique, mais sur des intérêts pratiques communs", estime Alexandre Baounov, du Centre Carnegie à Moscou.

"Il est évident que la Russie est en ce moment un partenaire important pour la Turquie, alors que ses relations avec l'UE et les Etats-Unis se sont nettement détériorées (…) et ses attentes d'un changement rapide du régime en Syrie ne se sont pas réalisées", lui fait écho l'analyste russe Fiodor Loukianov, président du Conseil pour la politique extérieure et de défense.

Idem pour la Russie: "Les deux pays ont besoin l'un de l'autre", notamment pour trouver une solution à la crise syrienne, ajoute-t-il.

Dans une interview au Monde, le président Recep Tayyip Erdogan répond avec virulence aux critiques des Occidentaux sur l’ampleur des purges post-coup d’Etat. Il reproche à ses partenaires, européens comme américains, leur manque d’« empathie » et de soutien et regrette que personne ne soit venu lui témoigner sa solidarité.

« Le monde occidental a été en contradiction avec les valeurs qu’il défend. Il doit être solidaire de la Turquie, qui s’est approprié ses valeurs démocratiques. Malheureusement, il a préféré laisser les Turcs seuls. Les Occidentaux ne devraient pas se soucier du nombre de personnes arrêtées ou limogées. »

« Cela fait cinquante-trois ans que nous sommes aux portes de l’Europe. L’UE est la seule responsable et coupable. Personne d’autre que la Turquie n’a été traité de cette manière (…). L’Union européenne ne se comporte pas de façon sincère avec la Turquie. Nous accueillons actuellement 3 millions de réfugiés alors que la seule préoccupation de l’UE est qu’ils n’arrivent pas sur son territoire (…). Si nos demandes ne sont pas satisfaites, les réadmissions ne seront plus possibles. »