Erdogan plaide pour une formation rapide d’un gouvernement de coalition

Publié le Vendredi 12 Juin 2015 à 10:38
AFP - Le président islamo-conservateur turc, Recep Tayyip Erdogan, a rompu jeudi le silence inédit qu'il observait depuis le revers subi par son parti aux élections législatives pour réclamer la formation "aussi vite que possible" d'un gouvernement de coalition.

"Tout le monde doit mettre de côté son ego (...) et former aussi vite que possible un gouvernement" de coalition, a déclaré M. Erdogan à Ankara, lors de sa première apparition publique depuis le scrutin de dimanche.

Au pouvoir depuis treize ans, le Parti de la justice et du développement (AKP) est arrivé en tête du scrutin de dimanche en recueillant 40,8% des voix mais a subi un recul de près de 10 points par rapport à son score de 2011 (49,9%), ce qui l'a privé de la majorité absolue qu'il détenait depuis treize ans au Parlement.

Avec seulement 258 des 550 sièges de députés, l'AKP est contraint pour la première fois de former une coalition avec un ou plusieurs des trois partis de l'opposition.

"Nous ne pouvons pas laisser la Turquie sans gouvernement, sans tête", a plaidé le chef de l'Etat lors d'un discours à Ankara. "Ceux qui priveraient la Turquie d'un gouvernement en paieront le prix", a-t-il mis en garde.

Comme il l'avait fait dès lundi dans une courte déclaration écrite, M. Erdogan a insisté sur la nécessité de préserver la stabilité et de faire en sorte que le pays "puisse traverser cette période avec le moins de dégâts possibles".

Lors de ce discours très attendu, M. Erdogan en a profité pour prendre acte des résultats des élections. "Tout le monde doit respecter la volonté de la nation", a-t-il jugé.

Ce scrutin a sonné comme une défaite personnelle pour le chef de l'Etat, qui s'est directement investi dans la campagne, contre l'esprit de la Constitution, en plaidant l'instauration d'un régime présidentiel fort. L'échec de l'AKP à obtenir la majorité nécessaire pour réformer la Constitution a sonné le glas de son ambition.

M. Erdogan a toutefois clairement signalé à ses adversaires que ce camouflet ne signifiait pas qu'il allait se taire ou renoncer à jouer un rôle politique.

"Personne ne doit douter que je remplirai tous les devoirs qui m'incombent en tant que président", a-t-il assuré, "en tant que premier président de Turquie élu au suffrage universel, j'ai une responsabilité bien plus grande".

M. Erdogan a aussi repris son offensive contre les médias occidentaux, les accusant de le décrire comme "méchant" et "agressif". "J'ai du mal à comprendre leur intolérance", a-t-il lancé, avant de dénoncer à nouveau les pays européens accusés de laisser "se noyer" des milliers de réfugiés qui tentent d'entrer sur leur sol.

Les deux principaux adversaires de l'AKP, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l'action nationaliste (MHP, droite), ont obtenu 132 et 80 sièges. Le parti prokurde HDP (Parti démocratique des peuples) a réussi une performance historique en envoyant 80 députés à l'Assemblée.

La constitution d'une coalition s'annonce particulièrement délicate, car les trois partis ont jusque-là rejeté publiquement toute idée d'alliance avec l'AKP.

Mercredi, le Premier ministre sortant Ahmet Davutoglu a annoncé qu'il allait entamer des consultations mais a évoqué la perspective d'élections anticipées en cas d'échec. "Si rien n'en sort (...) nous retournerons devant le peuple", a-t-il dit à la télévision.

Jeudi, le chef du gouvernement sortant a rappelé que son parti était un élément incontournable de toute coalition. "Le seul parti qui puisse fournir des solutions réalistes est l'AKP", a-t-il déclaré devant ses troupes.

Le chef du CHP Kemal Kiliçdaroglu a assuré sur son compte Twitter que son parti "travaille avec acharnement pour sortir la Turquie de cette situation difficile".

"Nous pensons utile que la Turquie soit dirigée par une coalition", a lui aussi jugé son collègue du HDP Selahattin Demirtas, mais il a à nouveau rejeté tout accord avec l'AKP.

Les marchés financiers ont salué le ton plutôt conciliant des propos M. Erdogan. La Bourse d'Istanbul gagnait plus de 1% au-dessus de 80.000 points, tandis que la livre turque (LT) a repris des couleurs à 2,71 LT pour un dollar et 3,04 LT pour un euro.