Dialogue inter-libyen : Le parlement de Tobrouk suspend sa participation

Publié le Mercredi 10 Juin 2015 à 15:32
Bernardino LeonAFP - Le Parlement libyen s'est dit mécontent mardi du projet d'accord proposé par l'ONU aux autorités libyennes rivales qui négocient au Maroc afin de sortir le pays du chaos, dont le groupe Etat islamique a profité pour conquérir la ville de Syrte.

Le porte-parole de l'Assemblée reconnue par la communauté internationale, contactée par l'AFP à Tobrouk (est) où elle siège, a fait état d'un "grand mécontentement du Parlement sur le projet d'accord" proposé par l'ONU, qui tente d'arracher la création d'un gouvernement d'union nationale.

L'équipe de négociateurs du Parlement de Tobrouk a été "rappelée pour consultation" à propos du texte, a précisé Faraj Abou Hachem, et ce Parlement ne sera donc pas officiellement représenté lors de la rencontre prévue mercredi à Berlin avec des dirigeants internationaux.
Il n'a néanmoins pas annoncé un retrait des négociations.

Un peu plus tôt, l'émissaire de l'ONU Bernardino Leon, avait cependant déclaré que la quatrième mouture du projet d'accord, soumise lundi soir, avait été accueillie de manière "positive" par les représentants des deux Parlements rivaux réunis depuis lundi à Skhirat, une station balnéaire proche de Rabat.

"Il y a un sens d'optimisme et beaucoup d’espoirs", a-t-il assuré, ajoutant "nous sommes face à la possibilité d'un consensus triple : dans la société libyenne, entre les participants au dialogue et aussi dans la communauté internationale".

L’ONU tente depuis des mois de trouver un compromis permettant la formation d'un gouvernement d'union en Libye, et espère désormais aboutir avant le début du ramadan, autour du 17 juin.

Publié sur le site de la Mission de l'ONU en Libye (Manul), le projet d'accord soumis lundi soir prévoit notamment la formation, pour un an, d'un gouvernement d'union, avec la désignation d'un Premier ministre.

M. Leon a indiqué la semaine passée que l'ONU se tenait prête à fournir une liste de personnalités susceptibles d'intégrer un tel gouvernement dès la conclusion d'un accord.

Le groupe de l’Etat islamique s’empare de Syrte
Le Parlement de Tobrouk conteste notamment les "prérogatives données au Conseil supérieur de l'Etat", a expliqué son porte-parole.

Selon le projet, ce Conseil sera composé de 120 membres, dont 90 issus du Parlement rebelle siégeant à Tripoli et sous la coupe de Fajr Libya, la coalition de milices - dont certaines islamistes - qui contrôle la capitale.

Les délégations sont censées rentrer auprès de leur Parlement respectif cette semaine pour discuter du projet d'accord, avant de revenir au Maroc.

Un départ pour Berlin était prévu dans l'après-midi, afin de rencontrer mercredi "des dirigeants européens et de pays membres du Conseil de sécurité", d'après la Manul.

Le ministère allemand des Affaires étrangères a précisé que cette rencontre serait l'occasion d'un "échange avec les 23 représentants libyens", en présence du chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier.

Mais les négociateurs du Parlement de Tobrouk sont appelés à rentrer immédiatement en Libye, et "si certains d'entre eux y vont (à Berlin), ils ne représentent qu'eux-mêmes et leurs déclarations n'engagent le Parlement en rien", a indiqué son porte-parole.

Les délégations sont sous la pression de la communauté internationale, inquiète notamment de l'implantation du groupe Etat islamique dans le pays, déchiré par des combats entre milices lourdement armées.

L'EI a annoncé mardi avoir pris la ville de Syrte, dont il contrôlait déjà l'aéroport depuis fin mai, ainsi qu'une centrale thermique voisine, selon le Centre américain de surveillance des sites islamistes SITE.

Le groupe jihadiste a mis en ligne une série de photos, affirmant avoir conquis cette ville côtière du centre du pays après avoir combattu les forces de Fajr Libya.

Après la prise de l'aéroport par l'EI, le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale avait appelé à l'aide la communauté internationale pour lutter contre ce groupe, avertissant que les jihadistes menaçaient de s'emparer de champs pétroliers proches de Syrte.

Le groupe EI, qui s'est implanté en Libye l'an dernier à la faveur du chaos régnant depuis la chute en 2011 de Mouammar Kadhafi, contrôlait depuis février de larges zones dans la région de Syrte (450 km à l'est de Tripoli).