Des diplomates US dissidents veulent des frappes contre Assad

Publié le Vendredi 17 Juin 2016 à 11:20
AFP - Une cinquantaine de diplomates américains ont formé un groupe «dissident» qui réclame que les Etats-Unis frappent militairement le régime syrien, une critique sévère de la politique menée depuis cinq ans par le président Barack Obama pour tenter d’arrêter cette guerre.

Le ministère américain des Affaires étrangères, piloté par le secrétaire d’Etat John Kerry, a reconnu jeudi soir auprès de l’AFP l’existence d’un «télégramme (diplomatique) dissident rédigé par un groupe d’employés du département d’Etat concernant la situation en Syrie».

Son porte-parole John Kirby a toutefois refusé de dévoiler le contenu précis de ce texte diplomatique, le Wall Street Journal (WSJ) affirmant jeudi soir que ce télégramme demande explicitement des frappes militaires américaines contre le régime du président syrien Bachar al-Assad.

«Nous examinons actuellement ce télégramme qui est sorti très récemment», s’est borné à dire M. Kirby.

Le porte-parole a toutefois expliqué qu’il existait «officiellement» au département d’Etat un «canal dissident» ou «contestataire» qui «permet à des employés de faire part de points de vue différents et de perspectives alternatives sur des sujets de politique» diplomatique.

Un tel «canal» de contestation représente «un vecteur important que le secrétaire d’Etat et le département d’Etat respectent et qui permet aux employés du ministère d’exprimer auprès de leur hiérarchie leurs opinions de manière franche et confidentielle», a justifié John Kirby.

La stratégie du président Barack Obama à l’égard du conflit syrien a provoqué l’une des plus fortes polémiques en politique étrangère de sa présidence.

Elu en 2008, prix Nobel de la paix l’année suivante, le président démocrate est un grand sceptique de l’interventionnisme militaire à tous crins. Il s’est ainsi efforcé de mettre fin à l’implication de l’Amérique dans les deux guerres démarrées sous la présidence du républicain George W. Bush: l’Irak et l’Afghanistan.

Très réticent à mettre le doigt dans un nouveau conflit au Moyen-Orient, Barack Obama avait renoncé à la dernière minute à l’été 2013 à bombarder des infrastructures du régime de Damas, en dépit du fait que l’armée syrienne avait eu recours à des armes chimiques en août de cette année-là.

Dans les mois précédents, M. Obama avait promis une action militaire contre la Syrie en cas de franchissement d’une telle «ligne rouge».

La France, notamment, mais aussi l’Arabie saoudite, n’ont jamais complètement digéré le renoncement du président des Etats-Unis.

Depuis, l’administration américaine refuse officiellement tout engagement militaire d’envergure en Syrie, en proie à une guerre civile qui a fait 280.000 morts.

Jamais, la ligne non interventionniste en Syrie telle que défendue par la Maison Blanche n’avait ouvertement été critiquée. John Kerry, toutefois, avait laissé entendre ces derniers mois qu’un mystérieux «plan B» était dans les tiroirs si la voie d’un règlement diplomatique et politique capotait totalement en Syrie.

De fait, les Etats-Unis et la Russie sont les coparrains d’un processus diplomatique pour la Syrie -- tentatives de cessez-le-feu, d’un règlement politique, d’acheminement d’aide humanitaire -- mais qui est moribond.

Washington pilote toutefois une coalition militaire internationale qui a effectué 13.000 frappes aériennes depuis l’été 2014 contre le groupe jihadiste Etat islamique en Syrie, mais aussi en Irak.

Les Américains ont également des dizaines de forces spéciales au sol en Syrie mais M. Obama a toujours résisté à la pression du déploiement massif de dizaines de milliers de soldats.

D’après le WSJ et également le New York Times (NYT) qui dit avoir vu un document provisoire, le télégramme se présente sous la forme d’un court mémorandum signé par une cinquantaine de diplomates et employés du département d’Etat.

Le télégramme plaide, selon le NYT, pour un «recours judicieux» à des frappes de missiles ou de drones américains.

«Les frappes aériennes ne sont pas magiques et elles augmentent le risque d’un conflit Etats-Unis/Russie», a critiqué sur Twitter l’analyste Steve Saideman, en faisant allusion à la présence militaire de Moscou au côté de son allié syrien.