Colombie : L’accord de paix avec les FARC ratifié, la guérilla va se transformer en parti

Publié le Jeudi 01 Décembre 2016 à 09:49
AFP - La Colombie a ratifié mercredi l'accord de paix avec la guérilla des Farc, texte qui tourne la page sanglante de plus d'un demi-siècle de guerre, mais qui a été renégocié afin d'inclure des propositions de l'opposition après son rejet par référendum en octobre.

"La proposition de ratification de l'accord de paix est approuvée", a annoncé la Chambre des députés en faisant état de 130 voix pour et 0 contre, sous les vivats et les applaudissements de l'assistance.

Les 130 députés présents, sur un total de 166, ont voté à l'unanimité en faveur de ce texte qui prévoit le désarmement des Farc et leur transformation en parti politique et mis au point après presque quatre ans de pourparlers, délocalisés à Cuba.

Le président Juan Manuel Santos, qui avait reçu la même semaine le prix Nobel pour sa détermination à mettre fin à la guerre, a salué la ratification en exprimant sa "gratitude au Congrès pour cet historique soutien à l'espérance de paix des Colombiens".

Une première version de cet accord de quelque 300 pages, signée le 26 septembre, avait été rejetée le 2 octobre lors d'un référendum marqué par une abstention record de plus de 62% et où le "non" l'avait emporté d'une courte tête avec quelque 50.000 voix d'avance.

L'accord révisé et signé le 24 novembre, à nouveau par le président Santos et le chef de la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre de "Timoleon Jimenez" ou "Timochenko", avait été approuvé au Sénat par 75 voix pour et 0 contre.

"La situation actuelle du cessez-le-feu et de pré-regroupement de la guérilla est fragile", a déclaré le chef négociateur de paix du gouvernement, Humberto de la Calle, en appelant à ratifier l'accord pour éviter de nouvelles violences comme la mort de deux guérilleros et les assassinats de leaders communautaires survenus depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu bilatéral, le 29 août.

L'opposition, qui était contre la ratification par le Congrès et réclame un nouveau référendum, déplore l'"impunité totale" et l'éligibilité politique accordées aux guérilleros coupables de crimes graves avant qu'ils aient purgé leur peine.

- Début de la reconversion des Farc -

La présence devant le Congrès de manifestants, brandissant des pancartes et scandant des slogans en faveur ou contre l'accord de paix, a montré la polarisation du pays sur ce thème. Des policiers ont même dû intervenir mercredi pour éviter des affrontements entre les pro et les anti.

L'accord étant ratifié, il revient au Congrès de légiférer sur sa mise en application, en commençant par la loi d'amnistie des guérilleros pour leur permettre de se déplacer vers les zones où ils déposeront leurs armes, sous supervision de l'ONU.

"Demain (jeudi) c'est le Jour J. Ce qui veut dire que dans cinq jours débute le transfert de tous les membres des Farc vers les zones de transition", a affirmé M. Santos, qui entend parvenir à une "paix complète", en négociant aussi avec l'Armée de libération nationale (ELN), guérilla encore active avec environ 1.500 combattants.

Sur cette question de l'ELN, le gouvernement colombien a annoncé mercredi que les discussions avec cette guérilla pour définir la date de l'installation officielle de pourparlers de paix reprendront le 10 janvier.

C'est la quatrième fois que le gouvernement colombien entend faire la paix avec les Farc, la plus importante guérilla du pays et la plus ancienne des Amériques, issue en 1964 d'une insurrection paysanne et qui compte encore 5.765 combattants.

Les trois tentatives précédentes, sous les présidents Belisario Betancur (1982-1986), César Gaviria (1990-1994) et Andrés Pastrana (1998-2002), avaient échoué sans parvenir au stade de la ratification d'un accord comme cette fois.

Le complexe conflit armé colombien, dans lequel au fil des décennies ont été impliquées une trentaine de guérillas, des milices paramilitaires d'extrême-droite et l'armée, a fait au moins 260.000 morts, plus de 60.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.

Voici les étapes de la mise en application de cet accord avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), visant à mettre fin à plus d'un demi-siècle de conflit armé:

- Concentration des guérilleros
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Cinq jours après la date de la ratification, ou "Jour J" du début du calendrier d'application de l'accord, les membres des Farc doivent commencer à rejoindre les 27 zones de concentration, où ils vont vivre pendant six mois et déposer les armes, sous supervision de l'ONU. La guérilla -qui s'est regroupée ces derniers mois afin de faciliter la vérification internationale du cessez-le-feu en vigueur depuis le 29 août- a jusqu'à la fin de l'année pour se concentrer.

- Marathon législatif -

Pour garantir le respect de l'accord, le gouvernement va présenter au Congrès une douzaine de projets de loi. Le premier concernera l'amnistie des guérilleros afin qu'ils rejoignent les zones de concentration sans être arrêtés par les forces de l'ordre. Viendront ensuite les textes sur le tribunal spécial de paix et sur la participation politique des Farc, amenées à se transformer en parti.

Le gouvernement attend que la Cour constitutionnelle approuve une procédure de "fast track" (voie rapide), qui permettra de réduire la durée des débats au Congrès et d'accélérer l'approbation des projets de loi.

- Désarmement des Farc -
Les Farc vont remettre au Mécanisme tripartite de contrôle et vérification (MM&V), qui comprend des représentants de la guérilla, du gouvernement et de l'ONU, un inventaire de toutes les armes en leur possession au "Jour J + 5".

Les armes instables ou détériorées seront détruites, les autres seront remises progressivement par les guérilleros dans un délai de 150 jours. Elles seront dans un premier temps déposées dans des conteneurs spéciaux à l'intérieur des campements des zones de concentration, d'où elles seront retirées par l'ONU à la fin du processus. Ces armes seront ensuite fondues pour édifier trois monuments symbolisant la paix.

- Six porte-parole au Congrès -
Les Farc vont désigner trois porte-parole au Sénat et trois à la Chambre des représentants. Ces six représentants n'auront pas le droit de vote et ne participeront qu'aux débats sur les projets de loi d'application de l'accord de paix ou de réforme constitutionnelle destinée à le sécuriser.