Ashton Carter critique l’armée irakienne, l’Iran s’en prend à Washington

Publié le Mardi 26 Mai 2015 à 12:20
AFP - Les forces irakiennes ont lancé mardi une opération dans les régions désertiques au nord-est de Ramadi visant à isoler les djihadistes du groupe État islamique (EI) et à préparer l'offensive pour reprendre cette ville de la province d'Al-Anbar, a annoncé un porte-parole. L'opération a été baptisée "À tes ordres, Hussein" du nom de l'un des imams les plus vénérés par la communauté musulmane chiite, a indiqué  Ahmed Al-Assadi, un porte-parole des Unités de mobilisation populaires, force paramilitaire à majorité chiite qui aide l'armée irakienne dans sa guerre contre les djihadistes.

Ramadi, la capitale de la province d'Al-Anbar, la plus grande d'Irak, avait résisté pendant des mois aux assauts des djihadistes qui l'ont finalement conquise le 17 mai après une vaste offensive et une retraite chaotique des forces de sécurité.

Les djihadistes de l'EI contrôlent la majorité de la province d'Al-Anbar, dans l'ouest de l'Irak, qui s'étend des limites de la région de Bagdad aux frontières syrienne, saoudienne et jordanienne. Dans le cadre de l'opération lancée mardi, les forces irakiennes et paramilitaires partiront du sud de la province de Salaheddine, frontalière d'Al-Anbar. "L'objectif est de libérer les régions entre les provinces de Salaheddine et d'Al-Anbar et d'essayer d'isoler celle-ci", a dit Ahmed Assadi.

La Maison Blanche a tenté d'apaiser lundi les tensions avec Bagdad, après les critiques portées par le secrétaire à la Défense sur l'armée irakienne, accusée d'un "manque de volonté" face aux jihadistes de l'Etat islamique (EI).

En Syrie, les combats se sont poursuivis autour de Palmyre après sa conquête par l'EI, qui a exécuté plus de 200 soldats et civils dans le centre du pays ces derniers jours selon une ONG.
Alors que l'EI s'est emparé le 17 mai de la ville clé de Ramadi, le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter avait regretté dimanche sur CNN que l'armée irakienne n'ait "pas montré de volonté de se battre".

"Je suis surpris par ce qu'il a dit (...) Je suis sûr qu'il a reçu des informations inexactes", avait rapidement réagi le Premier ministre irakien Haider al-Abadi sur la BBC.

Face à cette polémique, le vice-président américain Joe Biden a téléphoné lundi à M. Abadi pour rendre hommage à l'armée irakienne, reconnaissant "le courage et l'énorme sacrifice de (ses) soldats" face au groupe jihadiste, selon la Maison Blanche. Il a aussi réaffirmé "le soutien des Etats-Unis au combat du gouvernement irakien contre" l'EI.

La chute de Ramadi, chef-lieu de la province d'Al-Anbar situé à une centaine de kilomètres à l'ouest de Bagdad, a soulevé des questions sur la stratégie non seulement du gouvernement Abadi mais aussi de son allié américain.

Plus de 3.000 raids aériens de la coalition internationale menée par Washington n'ont en effet pas empêché l'EI de continuer à renforcer son "califat" proclamé sur un vaste territoire à cheval sur l'Irak et la Syrie.

La critique la plus vive est venue d'Iran où l'influent général Ghassem Souleimani a déclaré que les Etats-Unis n'avaient "rien fait" pour aider l'armée irakienne à Ramadi.

"M. (Barack) Obama, quelle est la distance entre Ramadi et la base al-Assad où les avions américains sont basés? Comment pouvez-vous vous installer là-bas sous prétexte de protéger les Irakiens et ne rien faire? Ceci n'est pas autre chose que d'être complice d'un complot", a déclaré le chef de la force Qods chargée des opérations extérieures de l'armée d'élite du régime.
Al-Assad est une base où sont stationnés des conseillers américains à une centaine de km de Ramadi.

"Pour lutter" contre l'EI, "il n'y a que la République islamique", a lancé le général Souleimani, qui a été actif en Irak, notamment lors de la reprise fin mars de Tikrit (nord) par l'armée et les milices irakiennes selon des médias iraniens.

Pour l'expert irakien Ahmed Ali, les critiques de M. Carter sont "surprenantes et sont susceptibles de peser sur le moral des forces de sécurité irakiennes", déjà affecté par les récents revers face à l'EI.

Après la débâcle de Ramadi, M. Abadi a fait appel aux puissantes milices chiites, jusque-là tenues à l'écart d'Al-Anbar pour éviter de s'aliéner la population majoritairement sunnite, et promis que la ville serait reprise "bientôt".

Les forces gouvernementales, renforcées par des tribus sunnites et des miliciens chiites, sont parvenues à reprendre ces derniers jours une partie du territoire perdu à l'est de Ramadi.